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Actualités - OPINION

LE POINT Scandales Inc.

On prête à Jacques Chirac d’avoir affirmé un jour, dans le langage imagé qui est le sien pour peu qu’il renonce aux formules officielles toutes faites : « Les ennuis, ça vole en escadrille. » George W. Bush pourrait reprendre à son compte la formule en cette tumultueuse fin de saison, alors que les cyclones déclenchés par Dame Nature tendent à céder la place aux cataclysmes d’ordre politique. Ces derniers jours, tout se conjugue pour rendre irrespirable l’atmosphère à l’intérieur de la célèbre West Wing où se prennent la majeure partie des décisions importantes de l’Administration. Faut-il croire que le 43e président des États-Unis n’a plus cette « baraka » qui lui a permis un temps, après un départ presque raté, de surmonter tous les obstacles et de surfer triomphalement dans les sondages d’opinion ? Il ne s’agit pas de vagues indices, encore moins de supputations d’adversaires ou d’alliés de la veille lâchés en cours de route, mais bien plutôt d’une série d’affaires aux conséquences encore incalculables. Il y a tout d’abord le choix malencontreux de l’ancienne avocate du président pour le poste vacant de membre de la Cour suprême. Harriet Miers, n’a-t-on pas tardé à constater, est loin d’être une constitutionnaliste et ne connaît rien à la fonction qu’elle est appelée à assumer, n’ayant jamais siégé ès qualités de magistrat. Les auditions de cette ancienne conseillère générale à la Maison-Blanche devraient débuter le 7 novembre devant les dix-huit membres de la commission ad hoc, mais d’ores et déjà l’un des membres de cet organisme, le sénateur Charles Schumer, de l’État de New York, a prédit un vote défavorable si la décision devait être prise aujourd’hui. Plus grave, dans le camp républicain, les critiques sont d’autant plus nombreuses, plus vives que l’affaire survient à un moment particulièrement inopportun. Depuis quelques jours, la capitale fédérale bruisse de rumeurs sur l’identité de la personne qui aurait soufflé le nom d’un successeur à Sandra Day O’Connor : c’est Andrew Card, chef du cabinet présidentiel. Or l’homme est lui-même contesté actuellement pour sa gestion, jugée trop tardive et trop désordonnée, de l’après-Katrina. Il serait aussi, ce qui constituerait un sérieux handicap pour un poste qui exige autorité et rapidité de décision, lent à arrêter ses choix et nettement plus faible que deux de ses plus illustres prédécesseurs : James Baker et Donald Regan. À son actif, il y a le fait qu’avec son épouse Kathleene, un pasteur méthodiste, il entretient d’excellent rapports avec le clan Bush, ce qui explique probablement qu’il soit encore en poste au bout de cinq ans, un record dans l’histoire du pays. C’est plutôt avec son principal adjoint Karl Rove que les relations sont tendues, au bord de la rupture même, à en croire certains washingtonologues. Lesquels ne vont pas jusqu’à avancer le nom de celui des deux qui serait, le moment venu, jeté en pâture aux journalistes comme bouc émissaire. Pour l’heure, c’est plutôt Rove qui semble tout désigné pour être la victime propitiatoire, pour peu que l’enquête déclenchée par Patrick Fitzgerald confirme qu’il est bien l’auteur de la fuite contrôlée ayant abouti au scandale du Plamegate. Tout commence il y a trois ans, quand l’Administration en place charge un ancien ambassadeur en Afrique, Joseph Wilson, d’enquêter au Niger sur l’achat par l’Irak d’uranium pour son programme nucléaire. L’ancien diplomate ramène de sa mission un rapport nettement négatif, ce qui déclenche l’ire des boutefeux de Washington. D’autant plus que Wilson aggrave son cas en publiant dans la presse une série d’articles très critiques à l’égard de ces républicains qui rêvent d’en découdre avec le tyran de Bagdad. Très vite, la machine à démolir les réputations se met en branle, cette fois n’hésitant pas, pour venger l’outrage, à rendre public le nom de l’épouse de l’intéressée, Valerie Plame, agent de la Central Intelligence Agency de son état. Pareil « outing » est considéré comme un crime fédéral et à ce titre passible d’une peine de dix ans de prison. Sous l’impulsion de Dick Cheney, le Pentagone entreprend de mettre les bouchées doubles : l’expédition irakienne aura bel et bien lieu. Avec cependant une modification majeure dans l’argumentation servie à retard : désormais, il n’est plus question de rechercher d’introuvables armes de destruction massive mais, une fois acquise la chute de la maison Saddam Hussein, de propager la démocratie dans l’ensemble du Proche-Orient. Les raisons, les véritables raisons demeurent obscures, même si l’on parle depuis, à mots couverts, d’assurer la sécurité d’Israël et de garantir les livraisons de pétrole. Faisant dire à Richard Haas, un ancien numéro deux du département d’État : « Je m’attends à aller dans la tombe sans savoir pourquoi nous sommes partis en guerre. » Christian MERVILLE
On prête à Jacques Chirac d’avoir affirmé un jour, dans le langage imagé qui est le sien pour peu qu’il renonce aux formules officielles toutes faites : « Les ennuis, ça vole en escadrille. » George W. Bush pourrait reprendre à son compte la formule en cette tumultueuse fin de saison, alors que les cyclones déclenchés par Dame Nature tendent à céder la place aux cataclysmes...