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Actualités - CHRONOLOGIE

DISTINCTION - L’ambassadeur Émié lui a remis les insignes au nom du président Chirac Pharès Zoghbi, érudit, avocat et chevalier de la Légion d’honneur

« Je suis très ému. » C’est en ces termes succincts mais éloquents que maître Pharès Zoghbi, président de la Fondation culturelle éponyme, a reçu les insignes de chevalier de la Légion d’honneur des mains de l’ambassadeur de France, Bernard Émié, au nom du président français, Jacques Chirac, au cours d’une réception à la Résidence des Pins. Avocat tenace, intellectuel engagé, mécène et amoureux du livre, Pharès Zoghbi était entouré ce soir-là par les membres de sa famille et de nombreux amis, dont le ministre Marwan Hamadé, et les anciens députés Nassib Lahoud et Camille Ziadé. Étaient également présents, Ghassan Tuéni, le recteur de l’USJ, René Chamussy, Raymond Chédid et François Abi Saab, attaché de presse près l’ambassade de France. Pharès Zoghbi a effectué une longue carrière d’avocat d’affaires, conseillant notamment les quotidiens an-Nahar et L’Orient-Le Jour, ainsi que le Casino du Liban. Intellectuel engagé, il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Liban, le salut par la culture et À livres ouverts. En mai 2002, cet amoureux du livre a fait don de sa prestigieuse bibliothèque à la faculté de droit et des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph. Ce fonds considérable d’ouvrages de droit, de sociologie, de littérature, d’art, d’histoire, d’islamologie est à la disposition des lecteurs à Kornet Chehwane. Dans une allocution de circonstance, l’ambassadeur Émié a indiqué que c’est avec un grand honneur qu’il distingue une personnalité « aussi singulière, fascinante et respectée qui a mis toute sa vie au service du livre, de la culture, de la rencontre avec les cultures. Un grand monsieur qui a mis tout son cœur, sa générosité et son érudition au service du rayonnement de la langue française et des valeurs de justice et de liberté que la France et le Liban ont en partage ». Le diplomate a indiqué qu’il s’agissait d’un immense défi que de résumer le parcours d’un homme « à la vie si remplie et si dense, un homme qui invoque à tout moment les plus grands auteurs et les plus grands esprits pour illustrer ses visions mais aussi pour nous rappeler le sens de sa vie ». Né au Brésil, Pharès Zoghbi a été envoyé par sa mère, lors de la mort de son père en 1930 et en compagnie d’un ami de la famille, au Liban. C’est ainsi qu’il a débarqué à l’âge de 12 ans au port de Beyrouth. Il ne parlait alors que portugais. Et il a fait, pour la première fois dans son propre pays, « l’expérience du choc des cultures et des langues ». L’ambassadeur de France a ainsi raconté les premières années libanaises de Zoghbi, passées à Kornet Chehwane, notamment à l’école du village où le jeune adolescent a découvert sa langue maternelle, l’arabe, et sa « langue de culture », le français. Une langue qui lui est devenue plus familière avec les Fables de La Fontaine. En effet, Zoghbi décrit ces textes par une phrase magnifique : « Elles avaient inauguré pour moi, dans la douleur de l’enfantement, une aube nouvelle constellée de toutes les étoiles de ce patrimoine culturel français que j’admire depuis avec ravissement. » Pharès Zoghbi a ensuite rejoint les bancs du Collège de La Sagesse à Beyrouth où il a découvert les grands classiques de la littérature française, les pièces de Corneille, Molière et Racine. Il a poursuivi ses études à la faculté de droit à l’USJ, tout en enseignant à la La Sagesse, avant d’embrasser une carrière d’avocat en 1945. « Avocat à la cour pendant plus de 50 ans, vous vous êtes illustré, avec talent toujours et courage souvent, dans la défense de la presse et des journalistes libanais », poursuit Émié. « Tout au long de votre longue et brillante carrière, vous n’avez jamais remplacé votre talent par de l’insolence, a noté l’ambassadeur en reprenant une phrase que l’avocat aime citer. Vous êtes resté cet homme généreux, ouvert, épris de justice et de liberté. » Et il enchaîne : « C’est aussi cet amour de la justice et de la liberté qui éclaire votre amour du livre… Vous dites que le livre est un “passeur entre soi et l’autre, un instrument de dialogue, à la fois création et créateur de liberté et de justice ”». Émié ajoute que depuis son premier voyage à Paris en 1950, Pharès Zoghbi n’a cessé de parcourir le monde, de Téhéran à Sao Paulo en passant par Bagdad, pour dénicher ces ouvrages qui composent désormais « la plus grande bibliothèque privée du Liban, l’une des plus grandes au Moyen-Orient ». Et l’ambassadeur de France de conclure, en s’adressant à Zoghbi : « Vous croyez au salut du Liban par la culture, ce qui est votre vraie religion du livre. Une culture entendue comme philosophie de la coexistence, où le livre tient une place éminente… Il est peu de dire que toute votre vie a été consacrée au rayonnement de la langue française, au rayonnement de cette culture que porte la francophonie : des valeurs de liberté, de citoyenneté, de démocratie, de dialogue, d’échanges que nous avons en partage. » Après avoir remercié le président Chirac de cet insigne d’honneur, maître Zogbi s’est rappelé le discours qu’il avait prononcé lors de l’inauguration de la Bibliothèque de l’USJ et au cours duquel il avait revendiqué cette identité plurielle « qui a marié si harmonieusement le lien du sang, celui du sol et celui du livre français ». « À l’image de mon pays, a-t-il ajouté, le Liban, qui ne peut être chrétien sans être musulman, ni musulman sans être chrétien, je suis pleinement libanais, je suis pleinement chrétien, je suis pleinement arabe, la pluralité des identités étant certainement le trait dominant de ce pays, sa richesse. À travers ces lectures et les valeurs qui y circulent, j’ai découvert l’autre, notre complément, avec sa différence ou sa ressemblance et j’ai compris que notre salut dans ce pays ne pouvait venir que de leur respect. » Aujourd’hui, le plus profond désir de maître Pharès Zoghbi reste de transmettre à des générations de libanais, à travers la bibliothèque, ces valeurs qui nous permettront de recréer notre pays : « Le respect de l’autre dans sa différence, l’amour de l’autre dans sa différence. »

« Je suis très ému. » C’est en ces termes succincts mais éloquents que maître Pharès Zoghbi, président de la Fondation culturelle éponyme, a reçu les insignes de chevalier de la Légion d’honneur des mains de l’ambassadeur de France, Bernard Émié, au nom du président français, Jacques Chirac, au cours d’une réception à la Résidence des Pins.
Avocat tenace,...