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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE Le premier chef d’État arabe devant les juges

Saddam Hussein est devenu hier le premier dirigeant déchu du monde arabe à être jugé dans son pays au lieu d’être poussé à l’exil ou sommairement exécuté. Aux quatre coins du monde, des despotes ont comparu devant des juges, comme le président serbe Slobodan Milosevic, ou risquent toujours de l’être, comme les dictateurs chilien Augusto Pinochet ou cambodgien Pol Pot. Jamais avant Saddam Hussein aucun chef d’État du monde arabe, monarque ou autocrate, ne s’est retrouvé jugé, malgré les accusations officielles de dictature, d’illégitimité et de violation des droits de l’homme et la multiplication des coups d’État depuis les indépendances nationales d’après la Seconde Guerre mondiale. En Syrie, qui détient un record en la matière au Proche-Orient, les chefs d’État déchus ont été emprisonnés, parfois libérés, mais jamais jugés. En Algérie, le premier président de la République Ahmed Ben Bella, renversé par son ministre de la Défense, le colonel Houari Boumédiène en 1965, a été placé pendant près de quinze ans dans un cachot et libéré seulement après la mort de son tombeur. En Tunisie, le « père de l’indépendance », Habib Bourguiba, destitué par le chef de l’État actuel Zine el-Abidine Ben Ali en 1987, a été placé en résidence surveillée pratiquement jusqu’à sa mort, 13 ans après. En Libye, le roi Idriss 1er déchu par le colonel Mouammar Khadafi en 1969, alors qu’il se trouvait en cure thermale en Grèce, est mort en exil. Avant de prendre le pouvoir, Saddam Hussein s’était lui déjà fait condamner à mort par contumace en 1959 après une tentative d’assassinat du chef d’État en exercice le général Abdel Karim Qassem, qui avait, un an plus tôt, renversé la monarchie. Qassem fut finalement tué en 1963 lors d’un complot baassiste. Après bien des vicissitudes et nombre de liquidations, Saddam allait s’emparer du pouvoir en 1979 ouvrant une ère de purges sanglantes et de massacres en Irak. « Cela a valeur d’exemple. Jamais un dirigeant arabe, dont aucun n’est élu démocratiquement, n’a quitté le pouvoir de lui-même ou n’a été jugé », a dit à l’AFP Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes, basé à Paris. Mais, « le fait que ce procès ait lieu dans un pays occupé par les Américains réduira son importance aux yeux de l’opinion arabe », a aussi relevé Mohammed Kamal al-Sayyed, professeur à l’Université américaine du Caire. Revenant sur les images de Saddam Hussein lors de sa capture par les Américains en 2003, l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun a noté leur « effet terrible sur certains dirigeants arabes, dont la légitimité n’est pas tout à fait certaine ». Pour les monarchies qui, de l’Atlantique au Golfe, ont échappé ou résisté aux révolutions nationalistes, l’idée de rendre des comptes à la justice nationale est encore aujourd’hui totalement incongrue. Pour celles qui ont succombé, comme en Irak ou en Égypte, l’alternative a été pour les familles royales déchues la mort ou l’exil : la famille royale hachémite irakienne a été exécutée en 1958 et le roi Farouk d’Égypte a été contraint à l’exil en 1952. Quant aux tombeurs de rois, issus de castes militaires, comme en Égypte, en Irak ou en Libye, certains ont pu être victimes à leur tour d’un putsch mais aucun n’a jamais été jugé. En Égypte, depuis la prise du pouvoir par les « officiers libres », Gamal Abdel Nasser est mort d’une crise cardiaque, Anouar el-Sadate assassiné par un islamiste et Hosni Moubarak, nouvellement élu, est au pouvoir depuis un quart de siècle. Kadhafi, à la longévité record, est hors de portée d’une justice nationale ou internationale depuis le renversement du roi Idriss. En Syrie, Hafez el-Assad, après l’établissement de la dictature baassiste en 1963, est mort au pouvoir en 2000 après avoir ouvert la voie à un régime inédit, « la République héréditaire », en intronisant son fils Bachar de son vivant pour lui succéder. Alain NAVARRO (AFP)
Saddam Hussein est devenu hier le premier dirigeant déchu du monde arabe à être jugé dans son pays au lieu d’être poussé à l’exil ou sommairement exécuté.
Aux quatre coins du monde, des despotes ont comparu devant des juges, comme le président serbe Slobodan Milosevic, ou risquent toujours de l’être, comme les dictateurs chilien Augusto Pinochet ou cambodgien Pol Pot. Jamais...