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CIMAISES Le «Harem» dans l’imaginaire des peintres européens

Lascives, joyeuses, soumises, parfois brutalisées, les femmes du «Harem, secret de l’Orient», une exposition à Krems (nord de l’Autriche), témoignent d’abord des fantasmes des hommes et des artistes occidentaux du XIXe siècle. Les 80 toiles colorées des peintres orientalistes français, italiens, austro-hongrois, anglais, etc. font imaginer aux Européens de l’époque les plaisirs trouvés dans ce «réservoir de femmes», expliquent les organisateurs. Mais ce sont bien des œuvres d’imagination puisque, par définition, les «harems» (de l’arabe «haram»: sacré, protégé, défendu), les appartements des femmes de hauts dignitaires musulmans, étaient interdits aux hommes non castrés, a fortiori occidentaux. Les peintres passent des féeries sensuelles des Mille et Une Nuits – évoquées aussi par Mozart dans son Enlèvement au Sérail – aux faces sombres du rapt, des marchés aux esclaves, en tout cas de l’enfermement. Les femmes nues du Bain maure de Jean-Léon Gérôme voisinent avec des scènes de la vie au Maghreb d’Eugène Delacroix (Femme d’Alger) et avec une petite Odalisque de Jean-Baptiste Ingres. Les Odalisques étaient de jeunes esclaves chrétiennes, faisant partie des favorites du sultan ottoman dans son palais de Topkapi Saray, explique dans le catalogue de l’exposition Tayfun Begin, le directeur du Musée des beaux-arts de Krems (60 km de Vienne), un Allemand originaire d’Istanbul. Il rappelle que Topkapi compta aux XVIIe et XVIIIe siècles jusqu’à 1 200 femmes et jeunes filles, attendant les faveurs du sultan de Turquie, société avec ses codes, ses hiérarchies, ses intrigues, dans une véritable ville de 40 000 habitants, régie par la mère du souverain. Les femmes étaient gardées par jusqu’à 800 eunuques. L’écrivain français Pierre Loti, turcophile, écrit certes en 1910: «Je n’ai jamais vu des gens qui aient l’air plus heureux d’être au monde que les eunuques de Turquie.» Mais ces esclaves, généralement noirs, avaient subi de terribles mutilations sexuelles. La réalité fut, sans doute, différente de l’imagination des romantiques: «Le harem dut être au départ un lieu d’amour (...) de passions, mais ce n’était plus qu’une institution fausse, d’où la sensualité était partie», a écrit la princesse hongroise May Török, qui connut un harem du Caire en tant qu’épouse du dernier khédive d’Égypte au début du XXe siècle. Des historiens turcs ont cependant présenté le harem comme une «école de femmes», où les courtisanes les plus intelligentes purent se hisser au rang de reine mère. Des personnages, comme la sultane Roxelane, épouse préférée de Soliman le Magnifique au XVe siècle, ont ainsi fait leur apprentissage au sein du harem. L’exposition se clôt par une série de photos de femmes prosaïques, prises vers 1860 par le chah d’Iran dans son harem de Téhéran. Andrea Winkelbauer, conservatrice, estime pour sa part que les fantaisies projetées des «harems» ne sont finalement guère différentes des images voyeuristes de femmes «objets sexuels» que montrent la mode et le cinéma contemporains. Jusqu’au 13 novembre.
Lascives, joyeuses, soumises, parfois brutalisées, les femmes du «Harem, secret de l’Orient», une exposition à Krems (nord de l’Autriche), témoignent d’abord des fantasmes des hommes et des artistes occidentaux du XIXe siècle.
Les 80 toiles colorées des peintres orientalistes français, italiens, austro-hongrois, anglais, etc. font imaginer aux Européens de l’époque les plaisirs...