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Soixante-dix émigrés ont disparu au Maroc Un diplomate guinéen sillonne le désert à la recherche de ses compatriotes

Le premier conseiller près l’ambassade de Guinée au Maroc est désemparé. Il a perdu la trace de 70 compatriotes, des clandestins. À Bouarfa, ville du Sud-Est, ils n’ont laissé derrière eux que des chaussures, des vêtements et des bouteilles d’eau éparpillés. Aboubakar Sylla, accompagné du premier secrétaire près l’ambassade, s’avance doucement dans la cour de la clinique vétérinaire, un vaste bâtiment aux murs d’enceinte ocre de cette ville située à quelques 100 km de l’Algérie. « Jusqu’à une heure du matin, j’étais au téléphone avec l’un d’eux. Il m’avait dit qu’ils étaient tous là. » Le temps pour les diplomates d’arriver dimanche matin, les 70 clandestins avaient disparu. Deux vieux Marocains, rencontrés dans la cour, assurent que les Africains sont montés vers 05h00 GMT dans des camions militaires. Mais vers où ? Et dans quelles conditions ? Les deux Guinéens sont inquiets. Ils ne comprennent pas pourquoi le sol est jonché de dizaines de chaussures, pantalons, et manteaux d’homme, ainsi que de bouteilles à moitié pleines, de paquets de gâteaux entamés... « Il y avait une femme ici », lâche Aboubakar Sylla, le regard posé sur un soutien-gorge mélangé au reste des affaires. « C’est inquiétant... Oh là, c’est inquiétant... Mais je ne peux rien dire... j’attends de voir le gouverneur », se contente-t-il de dire. Son collègue perd son sang-froid. « Mais c’est évident... regardez... On les a déshabillés... On les a déchaussés... Dépourvus d’eau, on les a envoyés mourir. » Les deux diplomates ont peur que leurs compatriotes aient été abandonnés en plein désert, à quelques centaines de kilomètres de là. Les ONG présentes dans la région, dont Médecins sans frontières, et des témoins racontent que, depuis quelques jours, des centaines d’Africains y sont envoyés par les autorités marocaines sans eau, ni nourriture. Selon ces mêmes sources, des camions militaires sont allés rechercher samedi soir ces clandestins, dont certains avaient trouvé refuge dans des villages, pour les ramener à Bouarfa. Les responsables guinéens finiront par apprendre, par des policiers rencontrés dans la ville, que les 70 Guinéens ont été transportés « vers Agadir, en direction de la frontière mauritanienne ». Toutes les nationalités ne sont pas logées à la même enseigne. Les ambassadeurs du Mali et du Sénégal ont négocié avec les autorités marocaines le rapatriement par avion de leurs ressortissants. Selon une source officielle de Bouarfa, 350 Sénégalais et 800 Maliens devaient avoir gagné dimanche soir Oujda, ville plus au nord, dotée d’un aéroport. En revanche, lors d’une réunion dimanche avec le gouverneur, M. Sylla s’est vu signifier qu’il s’y était pris trop tard. « On nous a dit qu’il fallait attendre pour récupérer nos ressortissants. » C’est ainsi que, dans la matinée, les deux diplomates guinéens ont assisté, impuissants, au départ de Bouarfa de quatre autobus, remplis de migrants africains, menottés les uns aux autres. L’écrasante majorité des quelque 200 Africains était des hommes jeunes, originaires de divers pays de l’ouest du continent. Et parmi eux, il y avait des Guinéens. « J’en ai reconnu certains du pays », raconte M. Sylla. Un Bissau-Guinéen a hurlé sa colère, penché par la fenêtre. « Je n’ai rien volé ! Pourquoi me traite-t-on ainsi ? » Dans un autre bus, une Nigériane pleurait. Ses larmes, énormes, tombaient à quelques millimètres d’une caméra de télévision qui la filmait. Aboubakar Sylla a tenté de convaincre les policiers « de leur enlever leurs menottes au moins ». En vain. Les diplomates n’ont pas pu savoir où étaient partis les quatre véhicules, escortés par des voitures de police. Claire SNEGAROFF (AFP)
Le premier conseiller près l’ambassade de Guinée au Maroc est désemparé. Il a perdu la trace de 70 compatriotes, des clandestins. À Bouarfa, ville du Sud-Est, ils n’ont laissé derrière eux que des chaussures, des vêtements et des bouteilles d’eau éparpillés.
Aboubakar Sylla, accompagné du premier secrétaire près l’ambassade, s’avance doucement dans la cour de la clinique...