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Actualités - OPINION

LE POINT L’ombre de Sartawi

Appelez cela le syndrome de Beyrouth ou, mieux encore, le syndrome d’Amman. Essayez de lui trouver une explication politico-psychanalytique, du genre : les hommes sans patrie ont presque toujours tendance à se comporter en territoire conquis dans le pays d’accueil. Cela vous convainc-t-il ? Bien sûr que non, d’autant plus que le Hamas et les autres formations militaires qui paradent dans les rues de la bande de Gaza, cherchant à y faire la loi et ne parvenant à faire régner que l’insécurité et le désordre, se trouvent là chez eux. Difficile d’autre part de prétendre que la route de Jérusalem passe par un territoire que les Israéliens viennent de quitter après avoir démantelé les colonies de peuplement qu’ils y avaient installé il y a trente-huit ans. Il ne s’agit nullement, on l’aura compris, de prendre la défense de l’État hébreu. Plutôt de relever, amer et déçu comme on peut l’imaginer, que certains groupes palestiniens donnent la désolante impression de s’acharner autant que leur ennemi héréditaire à détruire économiquement, socialement, sécuritairement, politiquement une construction que l’Autorité – piètrement aidée, on en convient, par la communauté internationale – tente tant bien que mal de mettre en place. Les élections, vous dira-t-on, comme si un tel argument pouvait à lui seul expliquer le chaos qui s’installe depuis quelque temps dans ce qui est devenu un chaudron prêt à tout moment à exploser. Un scrutin vient de se dérouler, prélude à la grande confrontation de janvier prochain, dont les résultats n’ont fait que rendre le tableau plus opaque encore. Vrai, le Fateh de Mahmoud Abbas a enlevé 61 des 104 conseils municipaux qui étaient en jeu, contre 28 au Mouvement de la résistance islamique pour un taux de participation particulièrement élevé (près de 70 %). Mais la confrontation concernait 82 instances seulement, les 22 autres ayant été pourvues grâce à un arrangement entre les diverses fractions qui a laissé les héritiers de Yasser Arafat pratiquement seuls maîtres du terrain. Pour sa part, le mouvement de cheikh Ahmed Yassine n’ayant présenté des candidats que dans 56 circonscriptions, il peut se targuer d’avoir enlevé la moitié des sièges municipaux pour lesquels il concourait. L’échéance qui se profile à l’horizon ne saurait, à elle seule, tout expliquer. Ce sont deux visions de la confrontation avec Israël qui s’inscrivent en filigrane aussi bien dans les actes que dans les prises de position des uns et des autres. La trentaine de policiers qui ont fait irruption lundi dans la salle où siégeaient les élus de la nation réclamaient « des armes, des munitions et un soutien politique » pour mener à bien leur mission. « Donnez-nous au moins des balles pour défendre les citoyens et nos commissariats », ont-ils lancé à l’adresse des députés, après avoir vu leur chef tomber devant eux, dimanche en soirée, tué d’une rafale de kalachnikov tirée par un combattant du Hamas. Les députés ont jugé avoir fait preuve d’autorité en exigeant la formation d’un nouveau gouvernement et il est probable qu’ils obtiendront satisfaction. Toutefois, ce n’est pas en remplaçant quelques ministres, tout en conservant le premier d’entre eux, qu’Abou Mazen rétablira l’ordre dans la maison. Le brave Ahmed Qoreï fait ce qu’il peut, avec des moyens de bord forcément limités pour tenter de contourner les mines que l’on a multipliées sur sa route. Mais ce n’est pas Abou Ammar qui veut, et d’ailleurs la conjoncture, tant palestinienne qu’israélienne et internationale, a grandement changé depuis la mort du vieux chef. Hier, un parlementaire de la majorité a jugé bon de lancer un cri d’alarme. « Si la situation n’est pas maîtrisée, a dit Kaddoura Farès, nous allons tout droit à la guerre civile. » On pourrait lui rétorquer que la révolution, on y est déjà avec le chaos dénoncé le jour même par Abbas. Lequel n’a d’autre choix, pour l’heure présente, que de temporiser, en attendant que les circonstances lui soient plus favorables. C’est-à-dire qu’il retrouve un peu de cette autorité qui chaque jour lui manque un peu plus et que ces adversaires perdent de leur ascendant sur leurs troupes. Déjà le faux pas du 23 septembre, quand ils avaient rejeté sur Tel-Aviv la responsabilité du carnage qui avait fait dix morts dans leurs rangs à l’occasion d’une parade militaire, avait été, pour eux, lourd de conséquence. Jadis, le malheureux Issam Sartawi, au lendemain d’un énième communiqué de l’OLP annonçant un bien hypothétique succès militaire, avait lâché cette réflexion : « Encore une victoire comme celle-ci et nous finirons réfugiés, dans une lointaine île du Pacifique. » Peu après, il tombait sous les balles d’un Palestinien qui croyait ainsi punir ce qu’il qualifiait de défaitisme naissant. Qu’est-ce donc qui a changé depuis ? Christian MERVILLE
Appelez cela le syndrome de Beyrouth ou, mieux encore, le syndrome d’Amman. Essayez de lui trouver une explication politico-psychanalytique, du genre : les hommes sans patrie ont presque toujours tendance à se comporter en territoire conquis dans le pays d’accueil. Cela vous convainc-t-il ? Bien sûr que non, d’autant plus que le Hamas et les autres formations militaires qui paradent dans...