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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - Maestro Gholmieh dirige l’OSLN en l’église Saint-Joseph de l’USJ Déferlements romantiques, entre trompette et folie nervalienne…

L’église Saint-Joseph (USJ) de la rue Monnot est illuminée et relativement remplie malgré l’inquiétude ambiante et une chaleur automnale d’une moiteur étouffante. Fidèle à ses rendez-vous, d’une grande ponctualité, l’Orchestre symphonique national libanais, placé sous la houlette de maestro Walid Gholmieh, ouvre la saison musicale en fanfare et trompette, offrant aux amateurs de musique classique un programme intéressant, concis mais dense. Au menu, deux œuvres seulement, de Haroutiounian et de Berlioz. La trompette à l’honneur et les grandes tourmentes romantiques de la Symphonie fantastique sous les feux d’une baguette à l’affût de la moindre émotion. Ouverture donc avec le Concerto pour trompette et orchestre d’Alexandre Haroutiounian avec, en instrumentiste soliste, le trompettiste hongrois Zoltan Kovacs. Narration aux timbres cuivrés, d’une harmonie souvent «orientalisante» avec des accents d’un lyrisme suave. Interprétée d’une traite, cette œuvre, originale déjà par l’emploi de la trompette si rarement utilisée malgré ses innombrables ressources sonores, appartient beaucoup plus au patrimoine romantique qu’aux audaces modernes. Entre mélodies fluides et moments dramatiques, entre brio de la trompette rejointe par des envolées orchestrales de toute beauté marquées par une tristesse arménienne si caractéristique, ce concerto, d’une vitalité absolue, a tout pour séduire. Sans entracte, juste un moment pour accorder les instruments, et voilà maestro Gholmieh dirigeant la somptueuse, bouillonnante et inquiétante Symphonie fantastique d’Hector Berlioz, un des joyaux symphoniques du répertoire romantique. Romantique, Berlioz l’est à l’extrême et à part entière. Dans son comportement et son style comme le témoigne cette lettre envoyée à Victor Hugo le 10 décembre 1831: «Oh, vous êtes un génie, un être puissant, un colosse : à la fois tendre, impitoyable,élégant, monstrueux, rauque, mélodieux, volcanique, caressant et méprisant.» Mais c’est aussi Berlioz lui-même, toujours partagé entre besoin de violence et soif de tendresse, pourtant aussi toujours à la recherche d’absolu et de justice. L’argument de la Symphonie fantastique, épisode de la vie d’un artiste, est une histoire de folie nervalienne, mais en musique… Tout ici se rapporte à l’infernale passion de Berlioz pour Harriett Smithson. Un jeune artiste, d’une sensibilité maladive, s’empoisonne avec de l’opium dans un accès de désespoir amoureux. La dose de narcotique, trop faible pour lui donner la mort, le plonge dans un lourd sommeil accompagné d’étranges visions qui se traduisent en images musicales. La femme aimée, elle-même, est devenue pour lui une mélodie, et comme une idée fixe qu’il retrouve et entend partout. Le thème de l’idée fixe parcourt toute la narration dans de brefs rappels, déformé rythmiquement et soutenu par des harmonies nouvelles en seconde partie; ce même thème est associé au contrepoint de la quatrième partie tout en étant caricaturé dans la dernière «vision» par une clarinette insolente. Ce thème délibérément obsessionnel représente dans l’esprit du musicien l’image charmante puis contrefaite de celle qu’il aime. La forme des mouvements rappelle la coupe classique des sonates, notamment le premier mouvement intitulé Rêveries, passions. Plus salonnarde sur un air de scherzo-valse est la scène du bal. Bucolique et d’un paysage d’aquarelle foncé est le tableau aux champs avec ses bergers. La marche au supplice, c’est-à-dire le quatrième mouvement, est un épisode réaliste où les cuivres scandent la montée à l’échafaud du condamné qui a tué sa bien-aimée, où les roulements de tambours soulignent l’accomplissement de la sentence de mort. Et bien sûr, comme un rai de lumière en pleine tempête, l’idée fixe réapparaît un instant comme une dernière pensée d’amour, interrompue par le coup fatal. Le cinquième et dernier mouvement, Songe d’une nuit de sabbat, évoque une troupe affreuse d’ombres, de sorciers, de monstres de toute espèce réunis pour les funérailles. Bruits étranges, gémissements, éclats de rire, cris lointains auxquels d’autres cris semblent répondre… La mélodie aimée se mêle à l’orgie diabolique. Glas funèbre, parodie burlesque du Dies Irae, deux mondes qui s’interpénètrent comme l’ombre envahit la lumière. Dans cette partition aux richesses sonores inouïes, d’une grande puissance d’évocation, incantatoire et incendiaire, habitée de tous les démons, les démesures, les fantasmes et la folie de la passion, baigné de larmes et ivre de sang, Berlioz en sort aussi touché par la grâce d’un ange…Une œuvre musicale, certes étrange, construite de manière désordonnée, mais de dimension monumentale où, des beautés de la harpe éolienne aux orageux déferlements de l’orchestre, la musique maintient un langage d’une rare éloquence. Merci maestro Gholmieh pour ce choix judicieux et splendide en ces temps de chaos et d’anarchie. Il n’y a que la musique, comme une plongée d’Orphée, pour détourner de tout enchantement périlleux et ramener l’âme à ses profondeurs réelles. Edgar DAVIDIAN
L’église Saint-Joseph (USJ) de la rue Monnot est illuminée et relativement remplie malgré l’inquiétude ambiante et une chaleur automnale d’une moiteur étouffante. Fidèle à ses rendez-vous, d’une grande ponctualité, l’Orchestre symphonique national libanais, placé sous la houlette de maestro Walid Gholmieh, ouvre la saison musicale en fanfare et trompette, offrant aux amateurs...