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Actualités - CHRONOLOGIE

ENVIRONNEMENT - Un projet de la SPNL dans le cadre d’une action plus vaste de Bird Life International De la nécessité de réglementer la chasse pour une protection locale et globale des oiseaux

Pour protéger des oiseaux migrateurs qui ne connaissent pas les frontières, il est indispensable de concevoir des programmes globaux. L’association écologique SPNL (Société de protection de la nature au Liban) prend part actuellement à un projet mis au point par Bird Life International pour sécuriser tout le corridor qui va d’Europe jusqu’en Afrique, au sein duquel est situé le Liban. Mireille Atallah, responsable de ce projet du SPNL au Liban, explique que la chasse, les conséquences de l’agriculture (utilisation de pesticides, occupation du sol…) et la perte des habitats naturels sont les principaux dangers qui guettent les populations d’oiseaux migrateurs. « Mais la chasse non contrôlée est l’une des menaces les plus pressantes », souligne Mme Atallah. Dans cette région du monde, deux projets pilote seront implantés, l’un au Liban (pour le Moyen-Orient) et l’autre en Tunisie (pour l’Afrique du Nord). « Ce que nous allons y exécuter servira d’exemple pour d’autres pays, souligne-t-elle. Pour commencer, nous travaillons en collaboration avec le ministère de l’Environnement pour l’adoption de décrets d’application de la loi-cadre sur la chasse. » Cette loi a été adoptée en 2004, sans pour autant que la chasse soit ouverte. L’interdiction de la chasse est renouvelée depuis neuf ans. Bien que la SPNL ait été l’un des instigateurs de l’interdiction de la chasse à une certaine époque, l’association pense aujourd’hui qu’une organisation de cette activité pratiquée par des milliers de Libanais est préférable au chaos qui règne et qui a, en définitive, un impact négatif sur les populations d’oiseaux, notamment ceux qui empruntent cette route pour migrer, et sur les chasseurs. « Il y a eu des cas d’abus de pouvoir, de corruption, explique Mme Atallah. Les mécanismes de suivi et de contrôle sont inexistants. Les mesures de sécurité ne sont pas appliquées, et des méthodes illicites comme les machines qui imitent le son de l’animal continuent d’être employées. Toute une nouvelle génération de chasseurs se développe dans ces mauvaises conditions, même s’il y a toujours de vrais chasseurs qui respectent l’éthique et l’interdiction. » D’où l’intérêt de ce projet qui a été implanté cette année, qui durera jusqu’en 2007 et dont le budget global de 700 000 euros (245 000 euros pour le Liban) est assuré en grande partie par l’Union européenne (UE) ainsi que par une ONG allemande, Euro Nature. L’association compte travailler avec la communauté des chasseurs eux-mêmes qui, dans le monde, a déjà fait ses preuves en mettant en place des sortes de police interne. Mais elle interviendra également au niveau des commerçants, et du ministère des Finances et des douanes pour obtenir l’interdiction de l’importation d’équipements néfastes. « Nous entreprenons actuellement de rédiger avec les chasseurs et les associations de chasse une charte éthique de cette activité, poursuit Mme Atallah. Nous allons expliquer que l’image du chasseur “ viril” est conforme à celui qui sait viser, qui connaît sa proie, la poursuit tout en lui donnant une chance, connaît les espèces, contribue à la protection de la nature… » Elle ajoute que la saison qui leur importe le plus est le printemps, période de reproduction. « Certains chasseurs se disent que les oiseaux exténués sont une proie facile. Ils tuent les individus jeunes et les adultes qui s’apprêtent à se reproduire, au risque de décimer la colonie entière. Le pire, c’est quand les chasseurs se disent que ce ne sont pas des oiseaux libanais. Il est important, dans ce cadre, de leur expliquer le concept de globalité. » Plus de 70 accidents graves par an Mme Atallah explique que la filière du syndicat des commerçants d’équipements de chasse permet d’entrer en contact avec la quasi-totalité des chasseurs pour les sensibiliser à de telles informations. « Collaborer avec les écoles nous sera également utile, souligne-t-elle. Notre rapport national sur le statut de la chasse montre que les enfants commencent à chasser de 8 à 12 ans. » Selon l’une des recommandations essentielles de l’association, il faudrait que le système mis en place par le ministère permette de jumeler le permis de port d’armes et le permis de chasse pour mieux contrôler le port de permis en général. Il y a officiellement 14 000 chasseurs détenteurs de permis au Liban, mais Mme Atallah est convaincue que leur nombre serait bien plus élevé. « C’est vrai qu’il y a des écologistes qui préfèrent l’interdiction pure et simple, dit-elle. Dans le principe, notre position n’est pas si différente de la leur, même si nous prônons la réorganisation du secteur. Mais chacun sera appelé à jouer son rôle. Leur action nous procure une marge de manœuvre. » Les questions de sécurité seront également prises en considération. Certaines parties de chasse finissent par des blessures ou même par des cas de décès (impliquant les chasseurs eux-mêmes, ou des randonneurs ou autres utilisateurs de la nature). On estime les accidents graves de chasse à plus de 70 par an, ce qui est particulièrement élevé pour un pays comme le Liban. « Certaines pratiques doivent être changées, explique Mme Atallah. À titre d’exemple, il faudrait interdire que les chasseurs se promènent avec des carabines chargées. Ils doivent également changer de mode vestimentaire. Il est important qu’ils s’identifient très clairement en portant un gilet de couleur. » Elle n’écarte pas l’idée de mesures incitatives, comme celle de savoir s’il est utile de créer des réserves de chasse par exemple. Mais sera-t-il possible d’appliquer effectivement une loi sur la chasse au Liban ? « Il est vrai qu’il y a la corruption, les amendes encore trop basses, les procès traités de manière laxiste, reconnaît-elle. Nous tentons de trouver des solutions à tout cela. À titre d’exemple, nous travaillerons à la formation de gardes forestiers (avec le ministère de l’Agriculture) et de gardiens de réserves naturelles (avec le ministère de l’Environnement) au sein des Forces de sécurité intérieure (FSI). » Un rapport du statut de la chasse Le projet se fera évidemment en collaboration avec les pays voisins, la Syrie, la Jordanie et l’Égypte, parce qu’il est bien connu que les chasseurs voyagent beaucoup. La coopération aux niveaux législatif et de formation est importante, selon Mme Atallah. Entre-temps, quelques mois après le début du programme, le travail avance. « Nous avons récolté toutes les informations nécessaires pour rédiger notre rapport national sur le statut de la chasse (espèces chassées, sites, nombre approximatif de chasseurs, industries en relation…), poursuit-elle. Le rapport est presque prêt. Il sera composé de six feuilles de position : la valeur économique de la chasse, les valeurs culturelles et sociales qui y sont attachées, l’impact écologique, le facteur institutionnel et d’application de la loi, les alternatives viables et les solutions possibles. » D’autre part, l’équipe en charge du projet a déjà effectué une analyse de la loi sur la chasse adoptée en février 2004 (la saison de la chasse n’a pas été ouverte pour autant), notamment les décrets d’application nécessaires. « Nous sommes tributaires actuellement de la création du Haut Conseil de la chasse, prévue dans la loi, souligne Mme Atallah. En effet, c’est lui qui devrait approuver la version finale des décrets d’application de la loi avant qu’ils ne soient transmis au Conseil des ministres. » Par ailleurs, les écologistes ont également mené un sondage d’opinion à l’aide de questionnaires dans plusieurs régions libanaises, dont les résultats restent à analyser. Ils ont obtenu beaucoup d’informations sur la population des chasseurs et ont sondé leur vision des alternatives viables. « Nous nous sommes aperçus que les connaissances des chasseurs étaient souvent très lacunaires, précise Mme Atallah. D’autre part, il semble que l’amour de la chasse ne soit pas la principale motivation d’une grande partie des chasseurs. » Par ailleurs, elle s’est rendu compte d’une réalité troublante : l’âge moyen des apprentis chasseurs ne cesse de rajeunir. Cela explique, selon elle, le peu d’application des règles de sécurité et le nombre élevé d’accidents de chasse. Une réalité dont il faudra tenir compte. Suzanne BAAKLINI
Pour protéger des oiseaux migrateurs qui ne connaissent pas les frontières, il est indispensable de concevoir des programmes globaux. L’association écologique SPNL (Société de protection de la nature au Liban) prend part actuellement à un projet mis au point par Bird Life International pour sécuriser tout le corridor qui va d’Europe jusqu’en Afrique, au sein duquel est situé le...