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Actualités - CHRONOLOGIE

RENCONTRE Astour Kirichian: «La musique, c’est comme une conversation humaine…»

Des cheveux noirs annelés tenus en queue-de-cheval à ras de nuque, lunettes de myopie ovales à la Tchekhov pour un regard noir un peu rêveur, chemisette de cow-boy à carreaux, moustache fine de toréador et des ongles longs (la main droite) comme un vénérable mandarin chinois. La trentaine un peu romantique, mais parfaitement dans le vent ! Arrivé en droite ligne de Madrid, Astour Kirichian a un profil d’aficionado ou d’hidalgo. Mais il n’est ni l’un ni l’autre. Il s’agit tout simplement d’un maître de la guitare. Un vrai «workhouse» qui ne craint ni gammes interminables ni partitions périlleuses. La guitare, confidente et amie, est la compagne de sa vie. Une guitare (il joue sur un instrument Rodriguez, hand made, confectionné à Madrid, en bois canadien rouge pour le tapa et palissandre indien pour le dos) qui l’a fasciné depuis l’âge de douze ans. Et, depuis plus de vingt ans, l’histoire d’amour se prolonge… De passage au Liban, ce guitariste concertiste, né à Beyrouth en 1974, tient des propos simples qui ne s’animent que lorsqu’on évoque la musique et notamment le flamenco et ses flamboyants dérivés… «La musique est déjà dans ma famille, confie-t-il. Mes parents chantaient et mon cousin, Hagop Kirichian, est violoniste à Radio France. Pourquoi j’ai choisi la guitare et pas un autre instrument de musique? Je ne sais pas, mais ni le piano ni les autres instruments ne m’ont captivé ni exercé sur moi le même effet de séduction. Le piano a déjà les notes toutes faites tandis qu’une guitare, il faut doser et sonder ses sonorités. Elle permet d’aller en profondeur des choses… Comme je suis têtu et un peu obstiné, la guitare convenait probablement davantage à mon tempérament. J’ai été longtemps l’élève de Joseph Ishkhanian. J’étais hypnotisé lorsqu’il plaquait un accord ou pinçait les cordes. C’est lui qui m’a fait aimer la musique…» Petit flash-back pour retrouver l’historique d’une carrière. Après le bac, il arrête ses études. Entre-temps, il s’inscrit au Conservatoire national supérieur de musique de Beyrouth et décroche haut la main un diplôme et un premier prix d’un concours organisé par l’institut Cervantès. Par la suite, il obtient une bourse pour se rendre en Espagne et suivre un cours de spécialisation avec les professeurs Rodrigo et Georges Arrissa à Madrid où, depuis plus de six ans, il a élu résidence. La guitare, c’est la douceur Aujourd’hui, Astour Kirichian compte à son actif plus de 50 concerts donnés à travers le monde. Mais cela sans oublier l’indéniable sens pédagogique qui caractérise un artiste aussi passeur de son talent que de son savoir. De toute évidence, la quête de la perfection pour un son pur et mélodieux chez ce guitariste chevronné est intacte. Quelles partitions ont les faveurs d’Astour Kirichian? «Actuellement, mes préférences vont aux compositeurs ibériques, dit-il. Bien sûr Rodrigo avec qui j’ai travaillé, mais aussi Albenitz, Granados, Falla, Torina, Torroba, Ascension, El Sabio, Casanovas, Mompou et Bocarisse. Quand j’étais étudiant, j’aimais les choses populaires, simples. Mais actuellement je suis sur une voie de recherche sonore combinant l’orgue et la guitare. Après tout, la culture musicale est infinie et il faut puiser dans toutes ses possibilités et ses potentialités…» Quelle est la définition de la musique pour Astour Kirichian? «La musique, dit-il après un bref moment de réflexion, c’est comme la conversation humaine… elle m’est familière. Elle raconte la vie des hommes. À chacun sa manière de la raconter. La musique, c’est l’amour, la joie. Elle touche le cœur des hommes. Et la guitare, c’est ma richesse. Les biens de la terre s’en vont, ceux de la musique restent!» Et que pense l’artiste des études de guitare et de l’état de l’enseignement (et de l’écoute) de cet instrument au Liban? «C’est assez bien au Liban, mais sans nul doute guère à comparer avec l’étranger où le niveau de pratique et de l’utilisation de la guitare est nettement supérieur… En Espagne, par exemple, on est toujours dans un mouvement créatif et innovateur.» Quelles sont les «idoles» de ce guitariste. «Elles sont assez nombreuses, dit-il, et je pourrais aisément nommer Segovia, Yepes, Lagoya, Signs et Masa… Pour le Liban, je trouve que Jad Azkoul est un bon guitariste.» La musique classique, au sens conventionnel du terme, trouve-t-elle une place dans son répertoire? «Il est évident que Bach est une grande école pour tout musicien, dit-il. Plusieurs de ses œuvres pour luth ont été retranscrites pour guitare. Il faut ici comprendre chaque mesure, chaque phrase, car le sens de la musique est surtout dans le détail. Bien sûr Mozart et Beethoven ont une très belle présence, mais c’est si puissant que la guitare ne peut restituer toute cette force. Quoique cela se soit déjà produit à travers certains opus. Il ne faut pas se tromper, la guitare c’est la douceur…» Lauréat à trois reprises du prix «Camarca del contado», Astour Kirichian est très heureux d’avoir accompli ce qu’il aime le plus au monde: être guitariste concertiste et professeur de musique. Ceux qui l’ont applaudi cet été entre des prestations à Beyrouth et Zahlé comprennent sans nul doute la passion qui l’habite. Edgar DAVIDIAN

Des cheveux noirs annelés tenus en queue-de-cheval à ras de nuque, lunettes de myopie ovales à la Tchekhov pour un regard noir un peu rêveur, chemisette de cow-boy à carreaux, moustache fine de toréador et des ongles longs (la main droite) comme un vénérable mandarin chinois. La trentaine un peu romantique, mais parfaitement dans le vent ! Arrivé en droite ligne de Madrid, Astour...