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Actualités - OPINION

Sur les Campus Le mouvement estudiantin appelé à développer une nouvelle culture de résistance

Il est toujours bon de dénoncer la barbarie, surtout quand elle finit par faire partie intégrante du quotidien. Il est vrai que condamner est en soi, pratiquement, insuffisant, inutile : la force du verbe ne saura jamais arrêter à elle seule la violence, même s’il ne faut pas pour autant en négliger les effets. La pensée, la parole peuvent s’avérer aussi assassines que des tonnes d’explosifs. Sinon, les criminels n’iraient pas jusqu’à éliminer physiquement quelqu’un pour sa pensée, sa plume, son audace, son franc-parler. Loin des condamnations le plus souvent creuses d’une bonne partie de la sphère politique désemparée, qui cherche à sublimer, par la parole, son impuissance face à la brutalité, il existe une dénonciation nécessaire de la violence, qu’elle se fasse par la parole ou par des actes. Une dénonciation bénéfique, dans la mesure où elle empêche cette violence de se banaliser, de se confondre justement avec la normalité. Le plus dangereux dans le processus continuel de « syrianisation » qui s’est étalé sur quinze ans (sinon plus) était la distillation progressive et sournoise d’une culture de la peur, de la servitude et de la banalisation dans les esprits et les mentalités. C’est un peu le même impact psychologique, mais à un degré bien plus horrible, que recherchaient ceux qui ont tenté de faire taire à tout jamais May Chidiac. L’objectif était de provoquer une terreur psychologique telle qu’elle tétaniserait tout le pays, d’installer la peur dans chaque foyer, de cloîtrer même les plus valeureux chez eux, de paralyser le pays, tout en jouant sur la traditionnelle fibre communautaire pour tenter, encore, de semer la discorde. Et, par-delà, dissuader l’opinion publique de réfléchir, de penser, d’analyser. Lui faire regretter son attitude. Dans cette optique, l’attentat contre May Chidiac visait les structures psychologiques, « l’esprit » même d’une bonne partie de la société libanaise, châtiée pour avoir courageusement pris position, place des Martyrs, et d’une manière des plus civiques, durant toute la durée du Printemps de Beyrouth. La journaliste était une cible de choix : coquette, pétillante, elle sourit tous les matins sur le petit écran pour annoncer une bonne journée à ses nombreux spectateurs. La télévision et ses vedettes peuvent parfois s’avérer être la courroie de transmission idéale pour terroriser la population. D’un point de vue anthropologique, May Chidiac est très certainement une « victime expiatoire », qui a payé dimanche les opinions exprimées par chacun de nous, depuis plusieurs mois. Elle paye pour chaque slogan lancé par chacun des manifestants à la place de la Liberté. Elle paye pour chaque réalisation de la défunte opposition plurielle. Elle paye pour l’action de Detlev Mehlis et de la commission internationale, pour cette exigence de vérité qui ne fut jamais aussi urgente pour délivrer un peuple de ses geôliers, de sa « grande prison ». Elle paye aussi, comme avant elle Michel Seurat, Sélim Laouzi, Riad Taha et Samir Kassir (pardon pour toutes les omissions), pour chaque phrase létale écrite par un journaliste ou lancée par une personnalité des médias durant toutes ces années, pour chaque témoignage au service de la vérité. Et si les coupables sont clairement établis dans les esprits, il reste qu’il faut quand même que nous ayons à l’esprit qu’en visant May Chidiac, les terroristes nous ont tous visés. Nous sommes donc tous concernés par ce qui s’est produit. Certes, la parole réprobatrice, contestatrice n’est pas suffisante face à la barbarie. Mais si on essaye de faire taire ceux qui en usent, c’est qu’elle doit être, quelque part, efficace. Tout aussi efficace est cet élan de solidarité, qu’il soit sociétaire, syndical, partisan ou estudiantin, avec la journaliste, place des Martyrs, à Adma, à l’Hôtel-Dieu, ou sur les campus des différentes universités. Pour faire face à une anticulture, il faut réagir par une culture de vie, par un hurlement de vie, par la solidarité et la civilité. Et il faut, aussi, trouver un moyen de confronter la mort, par la vie, et surtout ne pas se contenter de recevoir les coups. À ce niveau, Fouad Siniora a effectivement eu le ton qu’il fallait lundi, contrairement au ministre de l’Intérieur, quelques heures plus tôt. Il reste à développer ces méthodes de « confrontation » par la culture, cette nouvelle « résistance culturelle » qui n’est plus destinée à s’en prendre à un adversaire bien établi, bien défini – l’occupant syrien et ses méthodes –, mais à des spectres de l’ombre, sans visages, sans identité, jusque-là insaisissables, mais mortels. Le mouvement estudiantin craignait peut-être de se retrouver sans initiative, sans vocation, une fois la souveraineté retrouvée. Le voilà détrompé. Une tâche plus difficile encore, parce que nécessitant plus d’imagination, attend le mouvement. Le voilà obligé de se repenser, rapidement, de se mobiliser, en fonction des impératifs de la situation. Le voilà invité, une fois de plus, à initier, par une contestation culturelle et civique, une véritable résistance à ces tueurs d’hommes, d’indépendance… et d’espoir. Michel HAJJI GEORGIOU
Il est toujours bon de dénoncer la barbarie, surtout quand elle finit par faire partie intégrante du quotidien. Il est vrai que condamner est en soi, pratiquement, insuffisant, inutile : la force du verbe ne saura jamais arrêter à elle seule la violence, même s’il ne faut pas pour autant en négliger les effets. La pensée, la parole peuvent s’avérer aussi assassines que des tonnes...