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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE Barbara Tucholski: «La peinture, c’est créer le présent…»

Un nom aux sonorités russo-polonaises. Barbara Tucholski en a tout le profil et les origines. Elle est née en 1947 à Loitz, mais a vécu à Schleswig-Holstein tout en étant un membre actif, au pays du Bauhaus, de Schiller et de Heinrich Heine de la « neue deutsche malereï ». Cheveux châtains lisses à niveau d’épaule, silhouette frêle, pantalon jeans marron, chemisette jaune paille lâchée baba cool, chaussures à lacets de modèle presque masculin, nez mutin et des yeux habités d’une grande curiosité mobile. « Je suis dessinatrice et non peintre », clame-t-elle d’office et avec une certaine véhémence. D’ailleurs, l’œuvre atteste le témoignage et les propos. Mais ne vous fiez pas aux apparences, Barbara Tucholski manie aussi bien les pinceaux que le fusain, les huiles et les mixed media que l’art de capter l’essence d’un être ou d’une ville par quelques incisifs coups de crayon à mine. Petite rencontre impromptue à côté de ses œuvres, une trentaine d’aquarelles exposées sous les spots de la galerie Sfeir-Semler, mais aussi des huiles expressives et d’un expressionnisme surprenant par leur sérénité, dans une antichambre de l’immense galerie. Première visite au Liban et retour, ce jour-là, d’une visite à Baalbeck. Détail amusant mais non innocent quand on sait que Barbara Tucholski a allègrement « croqué » Rome, Amiens, Vienne… L’architecture et l’histoire sont bien ses créneaux et ses chevaux de bataille. Non pas une vision à la David Roberts, mais des dessins éthérés, parfois minimalistes, pleins de finesse, d’une décapante modernité. Des dessins où l’artiste, à travers un tracé délicat mais ferme, commente la réalité et la vie sur un ton touchant mais aussi souvent pince-sans-rire. « Je travaille en cycle, confie-t-elle, dans un environnement pour en faire part ! Mon impression de Beyrouth ? C’est d’abord le déroutant contraste en tout… Le hublot de l’avion m’avait déjà offert cette image saisissante entre mer bleue et cimes de montagnes, monolithes massifs narguant le ciel et des maisonnettes à leur pied, lumière douce et chaleur torride… » Pourquoi a-t-elle choisi de «croquer » Rome ? Plus d’une interprétation, plutôt banale, donne déjà une explication, car qui n’est pas en état d’envoûtement devant la Ville Éternelle ? «Tout d’abord parce que c’est la ville de Goethe», dit-elle aimablement en souriant tout en se reférant avec enthousiasme à la manière de voir de l’auteur des Souffrances du jeune Werther. «Pour Goethe, enchaîne-t-elle, penser était plus important que savoir, mais pas plus important que voir! Pour lui qui a passionnément aimé Rome, il faut s’immerger du regard… J’ai vécu un an à Rome pour en cerner une certaine essence… Puis j’ai choisi Vienne parce que ma famille y habite : j’y ai exposé à l’Albertina. Quant à Amiens, où j’ai été emballée par les “ jardins flottants” que j’ai d’ailleurs couchés sur le papier, c’est parce que j’y ai été invitée pour un atelier de dessin… » Voir est important Fervente admiratrice de Caravage et de Cézanne, Barbara Tucholski, élève de Joseph Beuys, a de toute évidence, selon ses propres aveux, une attirance pour « l’espace et l’essence des choses ». Elle définit volontiers la peinture comme « l’art de créer le présent et de capter l’instant… mais, souligne-t-elle, je reste définitivement une dessinatrice, tel est mon regard ». Pourquoi avoir exposé à la galerie Sfeir-Semler, surtout ses aquarelles. Largement habitées d’un blanc silencieux ? Parcimonie délibérée ou style d’expression ? « Ni l’un ni l’autre, répond-elle, mais ces dessins ont été exécutés rapidement avant l’ouverture de l’expo et je n’avais pas beaucoup de temps. Je me suis contentée de voir du toit de l’immeuble de la galerie l’environnement avec une promenade le long de la corniche, en bord de mer et une pause au Café Rawda. Et voilà le résultat!» Joli résultat mêlant fraîcheur et fausse naïveté, sur fond d’un blanc aéré et de couleurs claires. Beyrouth, ou du moins certains coins de la capitale (pas vraiment les plus avantageux), vue par une artiste qui sait prendre ses distances avec son modèle, pour en dire tous les contrastes et toutes les déviances. Même les plus insoupçonnables ou les moins décoratives ! Plus de 70 expositions à l’actif de Barbara Tucholski, et le désir de peindre et de dessiner est encore intact : « Oui, j’aimerais beaucoup peindre une ville orientale, Delacroix en ceci est mon initiateur. » Et que fait Barbara Tucholski quand elle n’est pas devant son chevalet ou un fusain à la main avec son cahier de dessin sur ses genoux ? « J’aime la nature, dit-elle. J’aime regarder par la fenêtre, j’ai besoin de rêver, j’ai besoin d’air... Je suis à la fois romantique et réaliste, comme Goethe. Avec la priorité de toujours mieux voir. Voir est si important !... » Edgar DAVIDIAN

Un nom aux sonorités russo-polonaises. Barbara Tucholski en a tout le profil et les origines. Elle est née en 1947 à Loitz, mais a vécu à Schleswig-Holstein tout en étant un membre actif, au pays du Bauhaus, de Schiller et de Heinrich Heine de la « neue deutsche malereï ». Cheveux châtains lisses à niveau d’épaule, silhouette frêle, pantalon jeans marron, chemisette jaune paille...