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Actualités - CHRONOLOGIE

Le « Nowheristan » au service de la paix, demain mercredi, au palais de l’Unesco L’utopie de Michel Éléftériadès : Au commencement était la dynamique identitaire

La chute du Mur de Berlin, il y a seize ans, a sans aucun doute précipité la fin de la politique systématique des blocs, et, dans un élan irréversible, la chute de l’Union soviétique, stimulant par le fait même l’accession d’un grand nombre de peuples à la liberté et au droit à l’autodétermination, qui leur avait été longtemps interdit. Mais loin des analyses en termes de relations internationales, la chute du Mur de Berlin a également rompu un certain équilibre mondial qui reposait sur la bipolarité. L’un des effets déstabilisants de cette rupture a été la résurgence du phénomène identitaire, dopé par le simili nouvel ordre international et la dynamique de la mondialisation. Michel Éléftériadès est un homme de spectacle, un artiste, avec tout ce que ce mot peut connoter sur le plan de la liberté absolue de penser. Juste ce qu’il faut de subversif et de provocateur, mais avec – et c’est pour lui l’essentiel – une bonne dose d’humour caustique, qui n’est pas sans lui poser parfois certains problèmes. Partant, Michel Éléftériadès a « mauvaise réputation » et passe souvent pour un excentrique. On l’aura compris, ce n’est donc certainement pas les mutations internationales sous leur angle politique qui l’intéressent. Mais ce producteur-compositeur-arrangeur-concepteur, qui s’est créé son petit monde pluriculturel du spectacle au Music Hall, possède une sensibilité à fleur de peau. Grec de Turquie (de Smyrne), arabe de culture chrétienne, libanais, francophone, inspiré dans sa jeunesse par l’image de Che Guavara, imprégné de culture cubaine et de la joie de vivre serbe, il a l’âme d’un gitan et le flamenco dans la peau. C’est donc tout naturellement qu’il s’est retrouvé interpellé par le problème de l’identité culturelle, même s’il avoue ne pas s’être penché sur la question dans une perspective philosophique. En ce sens, Michel Éléftériadès est, d’une certaine manière, fils de son temps. Il n’a pas lu les Identités meurtrières d’Amine Maalouf, ouvrage de référence sur la notion d’identité composite et complexe dans un monde en pleine implosion. Mais il a rêvé d’un monde fondé sur l’acceptation de l’Autre tel qu’il est, sans processus de « purification » culturelle, sans frontières identitaires, dans la droite lignée de l’humanisme universel du « Che ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’on apprend que l’homme est aussi post-communiste et athée. Le promoteur de spectacle est conséquent avec lui-même : Cabet avait son Icarie, Campanella sa Cité du soleil… Michel Éléftériadès, lui, vit dans le « Nowheristan », son utopie personnelle, son monde idéal. En fait, tout a commencé par une plaisanterie, l’un de ces jeux de rôle que l’homme affectionne, dans son côté provocateur. Lorsqu’on lui demandait, à l’étranger, « d’où il vient », il répondait : « Je suis libanais. » Passé le cap des explications géographiques pour situer le Liban sur la carte, il lisait l’étonnement dans les yeux de ses auditeurs, qui tentaient de comprendre comment un Libanais, arabe, pouvait avoir un nom aussi grec (en plus, Grec d’Anatolie…) Un problème qu’un grand nombre de Libanais ont dû un jour se poser, quelle que soit leur origine. Finalement, l’humour sauve. Michel Éléftériadès a pris le pli de répondre qu’il venait du « Nowheristan », son pays « de nulle part », perdu quelque part aux confins de l’Afghanistan, du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan. « Nous sommes plusieurs à nous sentir de nulle part. Je suis sûr qu’à travers le monde, nous sommes très nombreux », dit-il. Et l’idée du Nowheristan a pris forme dans son esprit, de plus en plus sérieusement, mais avec toujours l’œil amusé de l’homme de spectacle. Michel Éléftériadès a fait un itinéraire personnel qui l’a conduit vers le « Nowheristan » : il a pris part aux « événements » pour la cause nationale au Liban, puis il a été vivre en France pour voir si sa francophonie lui permettrait de se sentir pleinement Français. Il a ensuite été vivre à Cuba, se sentant l’âme du « Che », puis en Serbie, sous Milosevic. Chacune de ces expériences lui a beaucoup apporté. Aucune n’a pleinement répondu à sa quête essentielle de lui-même. Il a donc opéré un syncrétisme entre toutes ses appartenances, en forgeant une citoyenneté à part entière. « Dans tous les pays, on commence par définir son territoire et édifier des institutions. Chez moi, il n’y a pas de territoire, donc pas de volonté expansionniste, et pas encore d’institutions. La première institution que j’ai créée, c’est la dernière à laquelle on pense généralement : l’orchestre national », indique-t-il. Allusion à la troupe du Music Hall, qui compte dans ses rangs des Cubains, des Palestiniens, des Hongrois, des Roumains, des Tziganes, des Libanais, des Grecs, des Anglais et des Brésiliens, et qui se produira en concert demain, mercredi 21 septembre, au palais de l’Unesco, à 20h, à l’occasion de la Journée mondiale de la paix, sous l’égide de l’ONU et du ministère de la Culture (entrée gratuite). Michel Éléftériadès cherche, dans son « Nowheristan », à réussir une intégration sans aucune distinction de race, de religion ou de culture. La religion de son État utopique est l’athéisme, même si chacun a le droit de conserver sa propre culture et de pratiquer le culte qu’il veut. Il est convaincu que son pays imaginaire – qu’il cherche actuellement à légaliser (des avocats, dit-il, planchent sur le dossier, en collaboration avec l’ONU, pour trouver un statut juridique à l’État, et il tente aussi de créer un www.nowheristan.gov) – peut œuvrer pour la paix dans le monde. « En tant que pays neuf, qui n’a pas de sang sur les mains, qui est débarrassé des convoitises qui naissent du territoire, et qui n’a pas de volonté d’épuration ethnique ou identitaire mais au contraire un souci d’intégration, le Nowheristan a peut-être une vocation pour la paix », souligne-t-il. Et il entend en donner la preuve déterminante, demain mercredi, au palais de l’Unesco. Michel HAJJI GEORGIOU

La chute du Mur de Berlin, il y a seize ans, a sans aucun doute précipité la fin de la politique systématique des blocs, et, dans un élan irréversible, la chute de l’Union soviétique, stimulant par le fait même l’accession d’un grand nombre de peuples à la liberté et au droit à l’autodétermination, qui leur avait été longtemps interdit. Mais loin des analyses en termes de...