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Actualités - CHRONOLOGIE

Candidates malgré la tradition et les menaces

Gheida Tavaen Afif ne connaissait pas le numéro apparu sur son téléphone portable : « Laissez tomber ou vous êtes morte », a grogné une voix. Mais la jeune candidate aux élections parlementaires afghanes a refusé de se plier aux menaces. « Pourquoi devrais-je abandonner ? Parce que je suis une femme ? Jamais ! » s’insurgeait, peu avant le scrutin, cette célibataire de 26 ans, candidate à un poste de député à Hérat, la grande ville de l’Ouest afghan, proche de la frontière iranienne. Gheida, soutenue financièrement par son père ainsi que par un frère et une sœur émigrés, connaît la passivité de la police et n’a même pas pris la peine de dénoncer la série de coups de fil anonymes qui lui ont enjoint de se soumettre à la tradition afghane confinant les femmes à un rôle strictement domestique. « Même si je risque d’être tuée, je continuerai à me battre et à avancer parce que quelqu’un doit bien mettre un terme à ces stupidités », expliquait-elle à l’AFP dans son petit bureau de campagne de Hérat, au domicile familial. Elles sont des centaines comme Gheida à avoir défié les menaces, l’insécurité et le poids d’une tradition millénaire pour participer à un scrutin parlementaire historique, nouvelle étape d’un retour de l’Afghanistan à la démocratie. Depuis la chute du régime des talibans, la situation des femmes ne s’est guère améliorée en Afghanistan. Pour les réintégrer dans la vie sociale, la loi électorale leur a réservé 68 des 249 sièges de la Wolesi Jirga (Chambre basse) et 30 % des sièges aux 34 conseils de province. Les candidates n’ont pourtant pas répondu en nombre à cette invitation à rejoindre la vie politique : selon les dernières statistiques de la commission électorale publiées avant le scrutin, 582 femmes sont candidates, soit 10 % des 5 800 candidats aux élections de l’Assemblée (328 candidates) et des conseils de province (247). Il est ainsi d’ores et déjà acquis que cinq sièges réservés aux femmes dans les conseils provinciaux resteront vacants, faute de candidates, dans des provinces du sud et du centre du pays, les plus conservatrices, anciens fiefs des talibans. Comme Gheida, Shukria Barikzai, 33 ans, qui se présente à Kaboul, a reçu son lot de menaces par téléphone ou par mail. Alors, plutôt que d’organiser des réunions publiques, elle a parcouru la ville en voiture et improvisé des rencontres avec ses électeurs aux arrêts d’autobus et sur les marchés. Mahboba Jamshidi, 28 ans, également candidate à Hérat, a pu se rendre dans les villages proches d’Hérat accompagnée de son père ou d’un frère, mais d’autres candidates n’ont pas cette chance : Gharghashta Katawazai n’a pas pu faire campagne dans la province de Paktika, frontalière du Pakistan, où la rébellion des talibans reste vive. Dans cette province, une candidate s’est d’ailleurs retirée à la suite de menaces. C’est le cas d’une cinquantaine de femmes dans l’ensemble du pays, selon la commission électorale. La participation des femmes sera également cruciale pour leur succès, souligne Mahboba Jamshidi. « Beaucoup d’hommes ne peuvent pas imaginer être représentés par une femme. Dans un village, les anciens nous ont posé une seule question : pourquoi voter pour une femme alors qu’il y a des hommes candidats ? » Waheedullah MASSOUD (AFP)
Gheida Tavaen Afif ne connaissait pas le numéro apparu sur son téléphone portable : « Laissez tomber ou vous êtes morte », a grogné une voix. Mais la jeune candidate aux élections parlementaires afghanes a refusé de se plier aux menaces.
« Pourquoi devrais-je abandonner ? Parce que je suis une femme ? Jamais ! » s’insurgeait, peu avant le scrutin, cette célibataire de 26 ans,...