CINÉMA - Stockholm commémore demain le 100e anniversaire de la diva, à grand renfort d’expositions et de projections de films Pour Greta Garbo, l’icône mystérieuse venue de Suède

Greta Gustafsson. Père videur de latrines, mère occasionnellement couturière ou femme de ménage. Voilà les racines à partir desquelles Greta Garbo, star hollywoodienne s’il en fut, fit son chemin. Devenue icône mystérieuse et adulée ne se laissant que rarement approcher par les médias, la gamine du Sud ouvrier de Stockholm, née en 1905, était joviale et même drôle, selon Tin Andersén Axell, auteur d’un récent roman inspiré de lettres écrites et reçues par la divine, intitulé Sacrée môme tant aimée. Dimanche 18 septembre, la Suède fêtera, à coups d’expositions et de festivals de films, le 100e anniversaire de la naissance de l’actrice qui quitta son pays natal en 1925 pour les États-Unis, où elle décéda le 15 avril 1990 (ses cendres reposent toutefois à Stockholm). Bien que courte, la période suédoise est essentielle dans sa vie, estime Jan Göransson, de l’Institut suédois de cinématographie, car l’expérience de la pauvreté lui donna l’ambition de réussir, et sa solide formation théâtrale lui ouvrit des portes. C’est dans un appartement d’une seule pièce que Greta Gustafsson grandit avec ses parents, son frère Sven et sa sœur Alva, avec qui elle partage un lit. Après sept années d’école, elle est embauchée chez un barbier. Jusqu’au jour où prend place dans le fauteuil Kristian Bergström, fils de Paul U. Bergström, le fondateur du grand magasin PUB à Stockholm. Sous le charme, il l’a fait embaucher et, en 1920, âgée de quinze ans et désormais orpheline de père, la jolie Greta gagne sa vie au rayon des chapeaux, un accessoire récurrent sur les photos de la star. Aujourd’hui encore, l’enseigne met fièrement en avant sa rencontre avec la première Suédoise devenue étoile mondiale du cinéma et raconte l’épisode sur son site Internet. La beauté de Greta n’échappe à personne et on lui demande bientôt de poser pour le catalogue de PUB puis de jouer un rôle dans un film publicitaire intitulé M. et Mme Stockholm font des courses. « Elle était drôle, elle faisait rire les gens. Elle faisait le pitre ! » raconte Mme Andersén Axell. Selon le scénario du film, la jeune femme apparaissait en effet à l’écran très mal habillée, avant de dégoter les tenues à la mode dans le grand magasin. « Elle n’était pas du tout comme son image à Hollywood », celle d’une belle inaccessible, assure l’écrivain. Déterminée à devenir actrice, Greta joue dans son premier film de cinéma en 1922 (Peter le vagabond, du Suédois Erik Petschler), avant d’être admise à la très prestigieuse académie royale de théâtre de Stockholm, Dramaten, dont elle suit les classes pendant deux ans. Mauritz Stiller, qui est alors l’un de ses professeurs, lui offre un rôle dans « La légende de Gësta Berling », oeuvre majeure de la littérature et du septième art suédois. La rencontre et le film ont l’effet d’un tremplin pour Greta devenue Garbo en 1925, année de son départ pour Hollywood alors qu’elle avait à peine 20 ans, en compagnie de Mauritz Stiller. C’est là le début d’une grande carrière, récompensée en 1955 par un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son oeuvre qui compte notamment « Le roman de Marguerite Gautier » de George Cukor (1937). L’éloignement de sa Suède natale ne fut pas sans douleur pour l’actrice qui débarqua aux États-Unis sans parler un mot d’anglais. Elle laissa derrière elle famille et amis, et aussi Mimi Pollak, rencontrée à Dramaten et « dont elle était folle amoureuse », raconte Tin Andersén Axell, qui a fondé son roman sur une trentaine de lettres échangées entre les deux femmes de 1923 jusqu’en 1984 et publiées dans le livre. Plus de soixante ans après l’arrêt de la carrière de l’actrice à l’âge de 36 ans, les Suédois lui portent toujours un grand intérêt, à en croire l’Institut de cinématographie dont les premières soirées de la rétrospective pour le centenaire sont déjà archipleines.