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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Auteur d’un catalogue du Louvre «Estampilles, dénéraux, poids forts et autres disques en verre» Souraya Noujaim décrypte des textes arabes inédits

Historienne de l’art, chercheuse indépendante, Souraya Noujaim Le Garrec a appris à regarder avant de voir. À observer avant de comprendre. Chose extrêmement importante pour une spécialiste en épigraphie arabe qui vous déchiffre, avec une facilité déconcertante, une inscription koufie qu’un témoin lambda prendrait pour un gribouillage enfantin sans grande importance. C’est donc tout naturellement qu’elle s’est retrouvée à décrypter les lettres arabes gravées sur quelque 350 objets faisant partie de la collection du Louvre. Résultat : une étude publiée sous forme de catalogue du département des arts de l’islam du grand musée parisien. Mais aussi une identité retrouvée pour ces Estampilles, dénéraux, poids forts et autres disques en verre (Éditions de la Réunion des Musées nationaux de France). Et, aussi, un bel accomplissement pour cette jeune Libanaise qui a voulu faire ses preuves dans un sujet aussi aride qu’inexploré. Si, selon la sagesse populaire, la musique adoucit les mœurs, pour elle, ce sont les arts qui polissent les esprits. Partant de cette croyance profondément ancrée en elle, Souraya Noujaim a fait des études en histoire de l’art. Avec une double spécialisation en arts islamiques et en épigraphie arabe. Elle a complété ses connaissances universitaires – qu’elle considérait trop théoriques – par des cours assidus à l’École du Louvre où elle a pu acquérir «une formation, sur le terrain, très visuelle qui m’a surtout appris à très bien regarder les objets». Après ses études, elle a intégré l’équipe du Louvre où elle a eu l’occasion de participer au réaménagement des salles consacrées à l’art islamique en 1993. Elle a également collaboré à la mise en place de plusieurs expositions, dont celle dédiée à Souleiman le Magnifique. Mais, depuis, elle a quitté le grand musée parisien pour suivre son mari à Londres où elle effectue un travail de chercheuse indépendante. En toutes lettres Des petits disques en verre portant des inscriptions en arabe, conservés au département des arts de l’islam du musée du Louvre, étaient considérés il y a quelques années comme des objets archéologiques non identifiés ou plutôt des «objets non grata». Avec beaucoup de patience et de ténacité, Souraya Noujaim s’est attelée à la tâche de déchiffrer les inscriptions qu’ils portent, d’en analyser le matériau, d’en dater l’origine. Bref, de faire son travail de chercheuse. L’étude de ce matériel lui a été confiée par Marthe Bernus-Taylor, conservateur général honoraire du patrimoine, dans le cadre d’un mémoire de recherche de l’École du Louvre. Elle a été suivie par Ludvik Kalus, professeur à l’Université de Paris IV. C’est ensuite, grâce à Sophie Makariou, conservateur au département, que ce projet de publication a été relancé. Une version enrichie a ainsi vu le jour. Sur cet ouvrage, son nom n’est indiqué nulle part en couverture. Il apparaît en première page. «L’auteur s’efface devant le sujet. C’est la politique du Louvre, précise la jeune femme. À laquelle j’adhère complètement.» Près de 350 estampilles, poids monétaires, poids forts commerciaux et autres petits disques en verre nous sont donnés à découvrir dans ce catalogue très complet. Souraya Noujaim livre une étude passionnante sur ces témoins de l’écriture arabe. Comment la jeune femme explique-t-elle son intérêt pour les arts islamiques? «Ces arts exercent sur moi une véritable fascination et cela depuis mon enfance, explique-t-elle. Avec mes parents, j’ai beaucoup voyagé, surtout dans les pays islamiques (comme la Turquie). La calligraphie et l’architecture de ces lieux sont restées marquées dans mon esprit.» Bercée dans cet univers, elle a aussi été influencée par des parents collectionneurs d’objets d’art et antiquaires. Plus tard, elle a voulu explorer plus en profondeur ce domaine, pour mieux comprendre cet univers, cette civilisation qui «font partie de notre passé, donc de nous-mêmes. Je suis originaire de la Békaa, donc c’est un peu mes racines que je retrouve là». Véritables documents épigraphiques, ces sources publiées dans le catalogue intéressent non seulement l’archéologue, mais également le numismate et, bien sûr, l’historien. Ce sont des pans entiers de l’histoire économique et sociale des premiers siècles de l’islam jusqu’à la période médiévale qui nous parviennent par le biais de ces précieux témoignages. Sur ce terrain pratiquement inexploré, peu de gens se sont penchés. D’ailleurs la bibliographie du catalogue en témoigne. Elle contient très peu de références. Matière aride certes mais, pour la chercheuse, c’était un passage obligé. Pour se faire un nom, pour faire ses preuves et pour acquérir la rigueur. Pour voir et mieux comprendre. Maya GHANDOUR HERT * Souraya Noujaim Le Garrec, Catalogue raisonné, département des arts de l’islam du musée du Louvre, 284 pages, 384 illustrations, Éditions de la Réunion des Musées nationaux, 2004.

Historienne de l’art, chercheuse indépendante, Souraya Noujaim Le Garrec a appris à regarder avant de voir. À observer avant de comprendre. Chose extrêmement importante pour une spécialiste en épigraphie arabe qui vous déchiffre, avec une facilité déconcertante, une inscription koufie qu’un témoin lambda prendrait pour un gribouillage enfantin sans grande importance. C’est donc...