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Actualités - REPORTAGE

Épidémie - Les États-Unis et la France appellent à une mobilisation mondiale contre une « nouvelle urgence » Le Liban épargné par la grippe aviaire, mais des recommandations officielles seront publiées la semaine prochaine

Au moment où les États-Unis et la France appelaient, au cours de la séance d’ouverture du sommet de l’ONU, à une mobilisation internationale contre la grippe aviaire, une « nouvelle urgence » qui pourrait déboucher sur une pandémie mondiale, les autorités libanaises compétentes intensifiaient les réunions pour prendre les mesures de prévention adéquates. Au ministère de la Santé, il a été décidé de tenir des réunions hebdomadaires pour suivre l’évolution de la situation de près et pour se préparer à faire face à une éventuelle épidémie. Des recommandations en ce sens seront publiées officiellement la semaine prochaine. De son côté, le ministère de l’Agriculture demeure vigilant, effectuant un contrôle strict sur les différentes fermes, publiant des notes administratives interdisant l’importation de volailles des pays où le virus a déjà été signalé et remettant à jour la liste des zones infectées. Pourquoi ce virus donne-t-il tant la chair de poule ? Hong Kong, 1997. Dix-huit personnes souffrent d’une affection respiratoire sévère. Six d’entre elles décèdent. Le virus grippal A (H5N1) est mis en cause. Cette infection coïncide avec une épidémie de grippe aviaire, provoquée par la même souche et affectant les volailles à Hong Kong. Les autorités sanitaires s’alarment. Et pour cause ! C’est la première fois qu’un virus grippal aviaire se transmet à l’homme, provoquant des maladies graves avec une mortalité élevée. Six ans plus tard, les inquiétudes des autorités sanitaires se ravivent. En février 2003, toujours à Hong Kong, deux membres d’une famille sont atteints de la grippe aviaire, à la suite d’un voyage en Chine du Sud. Un troisième membre de la même famille décède. C’est la genèse d’une épidémie de grippe aviaire. Le virus A (H5N1) est en fait signalé, en décembre 2003, dans des fermes de volailles domestiques dans huit pays d’Asie du Sud-Est. L’épidémie asiatique est loin d’être contrôlée, puisqu’en juillet et août derniers, elle s’est déplacée vers le Kazakhstan et vers la Russie où des élevages dans quarante-sept villages sont touchés. Quatre-vingts autres villages sont placés sous observation. Au stade actuel, le virus ne semble pas avoir dépassé la Russie. Pour l’heure, il sévit au Vietnam, en Thaïlande, en Corée du Sud, au Japon, à Taïwan, au Cambodge, en Indonésie, au Laos, au Pakistan, à Hong Kong et en Chine. Le virus a fait à ce jour 61 morts en Asie du Sud-est depuis décembre 2003. Un état d’alerte général est enregistré dans le monde. La grippe s’étendra-t-elle à d’autres pays ? L’espèce humaine est-elle menacée d’une tragédie sanitaire semblable à la pandémie de la grippe espagnole de 1918, qui a provoqué plus de quarante millions de décès aux quatre coins de la planète ? Le virus A (H5N1) mutera-t-il pour devenir transmissible entre humains ? Réussira-t-on à trouver un vaccin contre cette souche du virus grippal ? L’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint le pire : si le virus A (H5N1) se combine au virus de la grippe humaine, il faut s’attendre à une catastrophe mondiale, semblable – voire pire – à la pandémie de 1918. En cette année, la grippe espagnole a fait plus de morts que quatre années de guerre mondiale : au total, près de 40 millions de personnes ont péri. Se félicitant de la prise de conscience internationale autour du risque posé par la grippe aviaire, l’OMS semble convaincue que la pandémie frappera bientôt le monde. C’est ce que sous-entendent d’ailleurs les propos du Dr Klaus Stohr, responsable du département de l’OMS chargé de la lutte contre la future pandémie de grippe aviaire. Le Dr Stohr a déclaré mercredi dernier, dans le cadre de la deuxième conférence européenne sur la grippe, que selon tous les indicateurs scientifiques, « la prochaine pandémie peut sévir dans les prochains mois ou les prochaines années ». Un événement qui peut provoquer, en très peu de temps, des dizaines de millions de morts, selon le responsable de l’OMS, qui a exhorté les gouvernements à élaborer des plans nationaux susceptibles de prévenir au mieux les principales conséquences que provoquerait le passage dans l’espèce humaine du virus A (H5N1). Les ministères libanais compétents sur le qui-vive Le Liban est jusqu’à présent épargné par le virus de la grippe aviaire A (H5N1). Celui-ci risque toutefois d’y être introduit vu que notre pays constitue un important passage pour les oiseaux migrateurs. « Il est illusoire de croire que la grippe aviaire ne pourra pas entrer au Liban, d’autant qu’il s’agit d’un virus transporté par les oiseaux migrateurs, explique un éleveur de volailles sous le sceau de l’anonymat. Mais ce sont les animaux de basse-cour qui constituent un foyer important de la grippe aviaire parce qu’ils sont en contact avec les animaux sauvages. Malheureusement, les éleveurs particuliers et ambulants assurent 25 à 30 % de la production locale. » « Le secteur du poulet est un secteur agricole entier, poursuit-il. C’est un gros enjeu économique et il faut réagir le plus tôt possible. » Les requêtes des éleveurs ne se sont pas fait attendre. En effet, les ministères de la Santé et de l’Agriculture sont sur le qui-vive, élaborant une série de recommandations qui seront publiées officiellement dans les prochains jours. Contacté par L’Orient-Le Jour, le directeur général du ministère de la Santé, Walid Ammar, indique que des réunions hebdomadaires sont tenues pour suivre l’évolution de l’épidémie de près et pour se préparer à faire face à une éventuelle épidémie. « Des réunions conjointes sont également tenues avec le ministère de l’Agriculture, note-t-il. Une décision relative aux mesures préventives sera conjointement signée par les ministres de la Santé et de l’Agriculture. » En ce qui concerne les recommandations qui seront annoncées, le Dr Ammar signale qu’elles porteront sur les mesures adéquates à prendre dans les fermes pour isoler les volailles du monde extérieur. « Nous savons que le virus pourrait être introduit par l’importation ou les oiseaux migrateurs, remarque-t-il. Puisque l’importation des volailles des pays infectés est déjà interdite, il faut être vigilant et prendre les précautions nécessaires pour éviter le contact des volailles avec le monde extérieur, surtout avec les canards qui sont des porteurs sains du virus. » Provisions d’antiviraux Précisant qu’aucune restriction concernant les voyageurs ne sera émise, d’autant qu’il n’y a pas de preuves que le virus de la grippe aviaire A (H5N1) est transmis d’un homme à un autre, le Dr Ammar signale que des circulaires seront distribuées aux établissements hospitaliers afin de prévoir des unités isolées en cas d’épidémie. « Nous avons de même demandé aux importateurs de médicaments d’assurer un stock suffisant des antiviraux qui ont prouvé leur efficacité dans le traitement et la prévention de l’influenza ou la grippe humaine, constate-t-il. Nous allons de même demander aux populations à risque, notamment les éleveurs, de se faire vacciner contre le virus de l’influenza. C’est un vaccin peu coûteux, dont le prix ne dépasse pas les 8 000 LL et que tout le monde peut acquérir. Quant aux petits éleveurs, nous leur conseillons d’éviter que leurs volailles ne soient en contact avec le milieu extérieur. Il faudrait qu’ils gardent leurs animaux dans des cages bien isolées. » « En ce qui concerne les oiseaux migrateurs, ajoute le Dr Ammar, ils ne vont pas nous attaquer si nous les laissons tranquilles. Malheureusement, les férus de chasse ne se conforment pas aux lois interdisant cette activité. Mais il est important d’être conscients du fait qu’il faut laisser les oiseaux en paix et éviter de les chasser. Ces oiseaux se dirigent vers l’Afrique, où la grippe aviaire ne pourra pas se développer vu le climat chaud. Nous n’exportons donc pas le problème à un autre pays, mais nous évitons de nous faire du tort. » Un avis d’ailleurs partagé par la Société de protection de la nature au Liban (SPNL) et SOS vétérinaires qui déplorent la chasse. « Le carnage des oiseaux migrateurs bat son plein, déplore M. Nabil Khairallah, chercheur scientifique à la SPNL. Les chasseurs ont trouvé une excuse pour abattre les oiseaux. Ils estiment qu’ils ont le droit de le faire parce qu’ils sont susceptibles de porter le virus de la grippe aviaire. » Or les oiseaux migrateurs ne semblent pas constituer une vraie menace pour le Liban, d’autant qu’ils viennent du Nord-Est de l’Europe. « Le Liban n’est menacé que si le virus atteint la mer Caspienne », insiste-t-il. « Les chasseurs tirent sur tous les oiseaux qui passent, reproche Mme Hoda Nassif de SOS vétérinaires. Londres a déjà publié un communiqué interdisant la chasse. Il faut que de mesures similaires soient prises au Liban. Pour plusieurs raisons. D’abord, nous n’avons pas la possibilité de mener les tests adéquats pour voir si les animaux portent le virus de la grippe aviaire ou non. De plus, les vétérinaires du Liban ne sont pas familiers avec ce problème et ne sauront pas, par conséquent, traiter un tel problème. » Et Mme Nassif de lancer un appel à ne pas chasser le gibier, « au moins cette année », pour éviter que des oiseaux contaminés ne restent pas « sur notre sol ». Et de se demander : « Est-ce que le plaisir de la chasse vaut-il vraiment la peine de risquer de contracter le virus au Liban ? » Nada MERHI
Au moment où les États-Unis et la France appelaient, au cours de la séance d’ouverture du sommet de l’ONU, à une mobilisation internationale contre la grippe aviaire, une « nouvelle urgence » qui pourrait déboucher sur une pandémie mondiale, les autorités libanaises compétentes intensifiaient les réunions pour prendre les mesures de prévention adéquates. Au ministère de la...