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Actualités - REPORTAGE

Reportage « Kilomètre zéro », un road-movie pour faire avancer la cause kurde

Un soldat kurde, un chauffeur arabe et, sur le toit de leur taxi, le corps d’un martyr enveloppé dans le drapeau irakien : avec Kilomètre zéro, road-movie présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, Hiner Saleem donne la parole au peuple kurde, opprimé sous la dictature du président déchu Saddam Hussein. « Je voulais raconter ce qui s’est passé avant l’explosion du pays, avant la tempête », explique Hiner Saleem, un Kurde âgé de 41 ans qui a quitté l’Irak au début des années 1980 et vit à Paris. Février 1988, en pleine guerre Iran-Irak et peu avant le gazage de populations kurdes par « Ali le chimique », cousin de Saddam, Ako, jeune Kurde qui veut quitter le pays, est enrôlé de force dans l’armée irakienne pour se battre sur le front iranien, alors même que les violences des soldats arabes envers les Kurdes sont quotidiennes. Il est bientôt chargé de faire le voyage inverse dans le taxi d’un Arabe pour ramener la dépouille d’un martyr à sa famille. La relation entre les deux hommes, faite de tension et de brefs moments de rapprochement, symbolise le gouffre entre les deux communautés, selon M. Saleem. « Saddam a placé l’Irak sous l’hégémonie arabe, explique-t-il. Les Kurdes doivent étudier la culture et la langue arabes, les Arabes, eux, ne connaissent rien des Kurdes. » Le réalisateur (récompensé dans la section contre-courant à la Mostra de Venise en 2003 pour son précédent film, Vodka Lemon) a décidé d’aller tourner au Kurdistan irakien après la chute de Saddam en 2003, malgré les difficultés logistiques que cela soulevait. Il n’était jamais revenu là-bas, hormis pour un bref séjour, clandestin, après l’invasion du Koweït en 1991. « J’ai pleuré de joie de voir les Kurdes heureux, se souvient-il, ému. En même temps, j’étais bouleversé par leur naïveté, le fait qu’ils croient que cela intéresse les autres pays qu’ils ne soient plus exterminés, qu’ils connaissent la démocratie. » Bien qu’établi en Europe, M. Saleem dit ne pas pouvoir échapper au sort de son peuple : « Depuis un siècle, les Kurdes utilisent toute leur énergie et leur créativité à se défendre. Il y a plein d’autres thèmes sur lesquels j’aimerais faire des films, mais je ne peux fuir ce problème. » « C’est un réflexe naturel, animal : quand on assiste à un accident de voiture, on doit aider les blessés », ajoute-t-il, soulignant qu’il n’a « jamais considéré le problème kurde comme un problème politique, mais comme un problème moral ». « J’ai été choqué par l’unanimité soviétique qui régnait en France envers l’intervention américaine en Irak, lance-t-il. On me dit : “Les États-Unis sont impérialistes et capitalistes.” Évidemment, mais mon problème, c’était : “Comment se débarrasser d’un fou qui extermine des gens ?” » Saddam est un personnage à part entière de Kilomètre zéro (titre symbolisant le fait que « l’Irak n’a pas avancé » depuis sa création), même s’il n’apparaît pas physiquement. Le culte de sa personnalité est constant, ses portraits reviennent tout au long du film ainsi qu’une immense statue qu’Ako croise à plusieurs reprises. L’humour est cependant très présent, comme quand le gros Sami, l’ami d’Ako, mime Anita Ekberg dans La Dolce Vita, ou quand Ako laisse dépasser sa jambe d’une tranchée, en plein bombardement, dans l’espoir d’être amputé, puis démobilisé. Un humour du désespoir résumé par la dernière phrase du film, qu’avait coutume de répéter le grand-père de M. Saleem : « Notre passé est triste, notre présent est tragique, mais, heureusement, nous n’avons pas d’avenir. » Paul RICARD (AFP)

Un soldat kurde, un chauffeur arabe et, sur le toit de leur taxi, le corps d’un martyr enveloppé dans le drapeau irakien : avec Kilomètre zéro, road-movie présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, Hiner Saleem donne la parole au peuple kurde, opprimé sous la dictature du président déchu Saddam Hussein.
« Je voulais raconter ce qui s’est passé avant l’explosion du...