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Actualités - CHRONOLOGIE

CINÉMA - Son film, « Dans les champs de bataille », déjà en salles Danielle Arbid: «On est ce qu’on a vécu» (photo)

«Dans les champs de bataille», son dernier film, Danielle Arbid se joue des nerfs comme sur les mots. Les véritables batailles ne sont pas celles vécues à l’extérieur, dans la rue, dans cette guerre qui a ensanglanté le pays, mais plutôt celles qui sont logées dans nos têtes. Une guerre intérieure beaucoup plus violente, plus insidieuse et qui laisse, sans aucun doute, des traces indélébiles. Pour ce premier long-métrage de fiction, Danielle Arbid livre au public une œuvre noire, sombre, mais réelle comme s’il s’agissait de l’aboutissement naturel de ses œuvres précédentes. L’actrice principale, choisie parmi 450 fillettes, incarne Lina qui vit du haut de ses onze ans l’état de guerre au sein d’une famille en déconfiture. Le seul refuge de l’adolescente et sa seule évasion, elle les retrouve auprès de la domestique de sa tante. Car on s’ennuie durant la guerre, les activités se limitant à observer les voisins et à descendre dans l’abri lors des bombardements. La «bonne» (comme on l’appelle en libanais), rôle très bien rendu par Rawia el-Chab, va entraîner la petite Lina dans des aventures amoureuses qui vont l’extraire de cet environnement monotone. Expériences, déceptions, toutes exacerbées par la guerre, sont autant de facteurs qui la feront sortir de l’enfance pour la catapulter dans la réalité de la vie. Danielle Arbid s’inspire là d’une réalité vécue. Une conteuse Un quotidien dur et cruel qu’elle a expérimenté et qu’elle voudrait transformer par la magie de la pellicule en merveilleuse image cinématographique. «On est ce qu’on a vécu, affirme la cinéaste, au regard pas encore sorti de l’adolescence. Dès mon jeune âge, j’aimais raconter des histoires. Histoires fabuleuses, imaginaires ou réelles, que je transformais à ma guise, selon mes humeurs ou celles de mon imagination. Plus tard, après des études de littérature en France et m’étant exercée au métier de journaliste pendant cinq ans, je demeurais frustrée de ne parler que des autres et de ne raconter que leurs histoires. C’est par hasard, à la suite du scénario de Raddem (Démolition), que j’avais écrit en 1998, que je me tournais vers la caméra. Je réalisais ainsi mon premier film. Et l’idée, qui se matérialisait soudain en image, était de la pure magie.» Une magie qui allait désormais ne plus l’abandonner puisque Danielle Arbid va enchaîner, l’un après l’autre, courts et moyens métrages, documentaires et vidéos. Le miracle se produit à nouveau pour cette autodidacte de la pellicule lorsqu’elle voit chacun de ses films primé aux différents festivals et bien accueilli par la presse. Prix du meilleur film et de la mise en scène à Mideast pour Raddem, prix du jeune jury européen au Festival d’Angers en 1999 pour le Passeur. Léopard d’argent vidéo au Festival de Locarno pour Seule avec la guerre en 2000, Grand prix du festival de Vendôme 2002 pour Étrangère. Autant de trophées qui expriment l’estime du public pour les œuvres de la jeune réalisatrice. Près de ses personnages Avec Dans les champs de bataille, œuvre sensuelle et charnelle, Arbid frappe à nouveau. L’adolescence mal comprise et mal cernée au Liban, l’amour, la famille, l’habitude du jeu (qui tenait une grande place dans sa famille) sont autant de thèmes récurrents et chers à la cinéaste. Exploités sur fond de guerre, ils explosent à la face du public. La reconnaissance ne tardera pas à venir. Avec le prix Europa décerné au film, l’an dernier, lors de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Danielle Arbid occupe désormais une place à part dans l’univers cinématographique. Une fois encore, l’autrice-réalisatrice déconcerte par son regard individuel et très personnel. Un regard à la fois juste, empreint de naïveté, authentique, libre, clair et qui exprime avec sincérité l’amour que l’artiste porte à ses projets: «J’entends apporter à mes films de l’amour, pas de l’aigreur. C’est pourquoi j’aime travailler avec mes acteurs et partager avec eux cette expérience unique qu’est le cinéma. De l’écriture au tournage, je m’aperçois toujours avec autant d’émerveillement que mon film grandit et se transforme. Tel un enfant, il me surprend à chaque fois.» Une fois le tournage de Dans les champs de bataille achevé, la cinéaste s’est vite empressée de s’atteler à trois autres projets: un long-métrage de fiction, l’adaptation d’un roman ainsi que la suite de Conversation de salon (vidéo). «J’aime les travaux en croisé, car les projets se nourrissent d’eux-mêmes et s’enrichissent», dit-elle. Vivre en parallèle et créer son propre monde loin des règles préétablies. Revivre de nouveau les mêmes histoires en versions différentes, garder l’authenticité et la liberté du regard, tels sont les «motos» de Danielle Arbid qui n’en finit pas de faire son cinéma. Colette KHALAF

«Dans les champs de bataille», son dernier film, Danielle Arbid se joue des nerfs comme sur les mots. Les véritables batailles ne sont pas celles vécues à l’extérieur, dans la rue, dans cette guerre qui a ensanglanté le pays, mais plutôt celles qui sont logées dans nos têtes. Une guerre intérieure beaucoup plus violente, plus insidieuse et qui laisse, sans aucun doute, des traces...