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Actualités - OPINION

perspectives - Poser les problèmes sans complaisance pour aboutir à la paix civile et la réconciliation nationale De Béchir Gemayel à Rafic Hariri, une même vérité

En juin 1995, la Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FI. ACAT) a tenu à Münster, en Allemagne, un colloque ayant pour thème « Impunité, pardon et réconciliation ». Les intervenants ont notamment planché sur les conditions de la réconciliation dans les pays ayant subi la guerre civile, l’occupation ou l’oppression de régimes totalitaires et militaristes. Plusieurs conférenciers ont mis l’accent sur la nécessité à cet égard de « connaître la vérité » sur les motivations et les prétendues justifications des atteintes aux droits de l’homme, notamment les assassinats et les actes de torture. Cette connaissance impérative de la vérité – perçue comme une condition sine qua non à la réalisation de la paix et de la réconciliation – implique aussi de faire toute la lumière sur le contexte politique qui a marqué les périodes de répression. Dévoiler la vérité. Depuis le 14 février, l’essentiel de l’actualité locale est focalisé sur ce leitmotiv. Dans son émission hebdomadaire de samedi matin, la Voix du Liban a rediffusé, à quelques jours du 14 septembre – date de la commémoration de l’assassinat de Béchir Gemayel –, des extraits d’un discours prononcé par le président martyr, quelques mois avant son élection à la magistrature suprême. Évoquant sa conception de l’édification d’un État fort et moderne qui permettrait de « relibaniser » le pouvoir central en lui restituant son autonomie de décision, Béchir Gemayel avait alors appelé, implicitement, la classe politique à jouer cartes sur table et à faire preuve de transparence dans son action, soulignant que les Libanais ne devraient pas « avoir peur de la vérité, aussi rude soit-elle ». Vingt-trois ans après l’assassinat de Béchir Gemayel et sept mois après l’attentat du 14 février, et alors que Detlev Mehlis s’apprête à prendre, aujourd’hui même, la route de Damas pour parachever son enquête sur le meurtre de Rafic Hariri et ses compagnons, la recherche de la vérité reste plus que jamais de mise. Les Libanais désirent, certes, connaître en priorité la vérité sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre. Mais parallèlement, la commémoration, mercredi, de l’attentat du 14 septembre 1982 fournit aussi l’occasion de rappeler la nécessité de tirer définitivement au clair les circonstances de l’acte terroriste qui a emporté Béchir Gemayel et ses compagnons. Cette recherche de la vérité sur ces deux attentats, comme sur tous ceux qui ont jalonné la guerre libanaise – de Kamal Joumblatt à Samir Kassir et Georges Haoui, en passant notamment par le mufti Hassan Khaled et le président René Moawad –, pourrait, en toute vraisemblance faire apparaître au grand jour un même fil conducteur, un même commanditaire. Auquel cas, c’est à une autre forme de vérité – dans le sens évoqué par Béchir Gemayel – que le pays sera confronté. Les Libanais réaliseront alors, avec le recul, à quel point les forces de l’ombre ont tenté au fil des ans de modifier profondément, et de manière systématique, les pratiques et la physionomie sociopolitiques du Liban en éliminant tous les leaders forts, attachés à leur autonomie de décision et réellement représentatifs des réalités locales. Cette vérité devrait en entraîner une autre : celle des failles du système politique libanais, qui ont précisément facilité la tâche à ceux qui se sont obstinés à vouloir changer la face de l’entité libanaise, à éliminer sa raison d’être. Et sur ce plan, les responsables et l’intelligentsia du pays ne devraient pas avoir peur de la vérité, comme le soulignait Béchir Gemayel. Comme le faisait parfois, dans une certaine mesure, Rafic Hariri, ils ne devraient pas avoir peur de poser les problèmes tels qu’ils sont, sans détour ni complaisance, en appelant « un chat un chat ». En clair, il ne faudrait pas qu’ils craignent de sortir du cercle vicieux du « mensonge mutuel » afin de permettre à chaque composante communautaire d’exposer – loin de tout terrorisme intellectuel – ses appréhensions, ses attentes et sa vision du contrat social appelé à gérer les rapports entre communautés pour les décennies à venir. Faire toute la vérité sur le travail de sape de ces trente dernières années, et affronter la vérité sur les réelles attentes des divers éléments constitutifs de la société libanaise : deux conditions sine qua non pour aboutir à la paix civile et à la véritable réconciliation nationale, dans l’esprit des débats du colloque de Münster. Dans cette phase fondatrice que traverse le Liban – comme l’a rappelé, samedi soir, Samir Geagea –, la classe politique apparue dans le sillage du retrait syrien a une responsabilité historique à assumer sur ce plan. Maintenant que la tutelle de Damas est levée, les leaders du pays n’ont plus droit aujourd’hui à l’erreur. Michel TOUMA
En juin 1995, la Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FI. ACAT) a tenu à Münster, en Allemagne, un colloque ayant pour thème « Impunité, pardon et réconciliation ». Les intervenants ont notamment planché sur les conditions de la réconciliation dans les pays ayant subi la guerre civile, l’occupation ou l’oppression de régimes...