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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Auteur de l’« Histoire de la Grande Maison » Charif Majdalani, ou le plaisir d’écrire (photo)

Tee-shirt bleu marine, jeans délavé, baskets noires, tempes sel et poivre, lunettes aux verres fumés, Charif Majdalani a l’allure décontractée, le geste simple, la conversation fluide. Rencontre impromptue dans un café de la capitale, à côté de son lieu de travail, c’est-à-dire l’Université Saint-Joseph, où il dirige le département des lettres françaises, avec un auteur libanais qui signe un premier roman écrit, avec brio et virtuosité, en français. Entrée par la grande porte pour Charif Majdalani qui, édité au Seuil, raconte avec verve et lyrisme l’ Histoire de la Grande Maison (321 pages). À peine rentré dans la cour des grands, le voilà déjà sélectionné pour la course au prix Renaudot. Les mots, la littérature, la langue de Molière c’est bien son domaine. Il ne faut pas l’oublier, avant d’exercer ses talents de conteur sur les pages d’un roman, Charif Majdalani est d’abord docteur en lettres françaises (Aix-en-Provence) professant à l’université depuis plus d’une décade. L’attrait pour la littérature ne date pas d’aujourd’hui. En souriant, il confesse: «Cela me passionne depuis que j’ai commencé à lire. J’étais porté d’abord vers l’histoire, ensuite ce fut le roman. D’ailleurs, mon premier opus en est une évidente conciliation. Mes premiers éblouissements littéraires remontent à bien loin. Tenez, la comtesse de Ségur (grand éclat de rire !) mais par la suite il y a Camus, Kafka, bien sûr Schéhadé et Proust. Je savais que j’allais écrire depuis l’âge de huit ans. Je ne me concevais pas autrement…» Phrase proustienne justement dès l’ouverture de cette baroque saga familiale, les Nassar, haute en couleurs et rebondissements, traçant avec force et tragique un destin bien libanais. «Non, rectifie Majdalani, c’est seulement la première phrase qui est de cette longueur… Ensuite c’est différent ! Pourquoi j’écris en français? Parce que c’est ma langue maternelle, l’arabe c’est ma langue paternelle…» Précisions malicieuses pour souligner toutes les influences et les appartenances au sein même de la maison où il a grandi. Quatre ans de travail, par intermittence, pour ce roman brassant des événements historiques occultés mais rapportés un peu par le film de Feyrouz, Safarbarlek, et certains textes de Tewfic Youssef Awad. Dans cette mouvante fresque historique, largement romancée, mêlant adroitement fiction et réalité, Charif Majdalani parle de la grande famine au début du XXe siècle qui a ravagé la région, avec l’arrivée de nuées de sauterelles et l’exil de certains Libanais en Anatolie. Ces Llibanais installés dans les maisons abandonnées par les Arméniens qui venaient justement de subir le génocide en 1916. «Ce n’est pas un livre à message, dit l’auteur, cela permet simplement d’introduire une partie de l’histoire du Liban dans la littérature. J’ai voulu raconter une histoire libanaise , un peu “épique”(entre guillemets, insiste-t-il), bien modestement épique. Pour moi, c’est un travail sur la mémoire qui se construit… Ce serait, pour résumer un peu l’œuvre, les travaux et les jours des Libanais, et aussi la conciliation entre la grande routine des jours et la grande histoire… Si je devais définir ce roman, je pourrais me référer à l’exergue, tirée de Saint John Perse : c’est là le train du monde… Je ne sais pas si mes personnages sont truculents (c’est au lecteur de le découvrir), mais j’ai mélangé des figures héroïques et des calamiteux esthétiques… Pas de manière réaliste, mais plutôt abondamment romanesque. Si mes personnages sont occidentalisés, il n’en reste pas moins le souci de marier les modes de vie occidental et oriental. La poésie est sans nul doute sous-jacente dans mon écriture (j’enseigne la poésie, mais je n’en ai jamais écrit) car il ne faut pas l’oublier, le roman, comme on le dit, réunit tous les genres… Écrire pour moi est un plaisir. Bien sûr j’ai opéré un travail sur la langue, tout en me débarrassant de toutes les influences sophistiquées. J’aime raconter, certes, des histoires, mais par contre je déteste l’écriture pour l’écriture. J’ai été inspiré pour ce livre par mon grand-père. Sur un canevas narrant l’évolution d’une famille, les Nassar, fuyant Beyrouth vers la banlieue, en l’occurrence ici Aïn Chir, s’imbriquent, autour des plantations d’orangers, fiction et réalité où, Première Guerre mondiale, exil, troubles sociaux, comportements de “zaïm” et frasques humaines ont des échos et des répercussions sur le destin des vivants. J’aime l’histoire, j’aime la généalogie. Écrire, oui, mais tout en racontant des histoires.» Pour cette rentrée littéraire, de Paris à Beyrouth, l’Histoire de la Grande Maison de Charif Majdalani est en devanture des librairies. Un roman qui a de fortes chances de décrocher un prix. Pour grossir la liste d’écrivains libanais francophones qui ont un apport certain et une richesse toute méditerranéenne à la langue pratiquée dans l’Hexagone. De nouveaux projets littéraires pour Charif Majdalani? Car une fois qu’on a mordu à l’hameçon de l’écriture, on en devient facilement accro. En toute quiétude, avec un petit sourire qui en dit long sur cette incurable passion de tenir la plume, Charif Majdalani répond: «Qui vivra verra…» Edgar DAVIDIAN

Tee-shirt bleu marine, jeans délavé, baskets noires, tempes sel et poivre, lunettes aux verres fumés, Charif Majdalani a l’allure décontractée, le geste simple, la conversation fluide. Rencontre impromptue dans un café de la capitale, à côté de son lieu de travail, c’est-à-dire l’Université Saint-Joseph, où il dirige le département des lettres françaises, avec un auteur...