Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Le temps des factures

Déclaré non suspect par la commission internationale enquêtant sur l’assassinat de Rafic Hariri, le président de la République n’a guère consolidé sa position pour autant. Irrémédiablement ébranlée dès l’instant où survenait le séisme du 14 février, celle-ci devient même intenable : harcelé de plus belle hier par la majorité parlementaire, Baabda ne peut plus compter sur le soutien – tactique il est vrai, mais jusqu’ici agissant – de la minorité. Et ce déclin annoncé, tous les certificats légaux n’y pourront sans doute rien. Car blanchi au plan strictement judiciaire jeudi par le juge Mehlis, Émile Lahoud doit encore répondre de la responsabilité politique qui est la sienne dans le contexte qui a rendu possibles les terribles faits et méfaits reprochés à ces généraux de son proche entourage. Sans présumer du résultat de l’instruction menée par le parquet, le chef de l’État va inévitablement devoir s’expliquer sur ce point précis : et le faire devant le seul juge qualifié en la matière, c’est-à-dire le peuple. À l’heure où la justice libanaise, dopée aux vitamines d’importation, sort enfin de sa longue et honteuse léthargie, voilà ce qu’il faut bien appeler un juste retour des choses. Techniquement parlant, Lahoud n’est pas un suspect parce que les enquêteurs ont conclu qu’il n’a jamais lancé de contrat sur la vie de Hariri. Qu’il ne s’est livré à aucune sorte d’incitation. Qu’il ne se doutait même pas qu’une gigantesque machination visant à la liquidation physique de l’ancien Premier ministre était montée par ses collaborateurs les plus directs : ses fidèles d’entre les fidèles, ses barbouzes mousquetaires, sa garde rapprochée, les quatre piliers de son régime. De manière nullement accessoire, mais cela va sans dire, ces officiers se trouvaient être aussi les instruments redoutables et redoutés de la domination syrienne. Fort bien, le président ignorait à quelles extrémités pouvaient en venir ses trop zélés serviteurs. Il l’ignorait tellement d’ailleurs qu’il a continué de faire l’éloge du chef de la garde présidentielle alors même que celui-ci venait d’être placé sous les verrous. Or tant d’ignorance, quand bien même serait-elle innocente – non suspecte selon la conviction du juge Mehlis – c’est tout de même énorme, colossal. D’autant plus énorme que Lahoud ne pouvait absolument ignorer les autres et innombrables abus attribués, tout au long de son règne, à ses hommes de confiance. Attribués à mots couverts et à voix basse le plus souvent, faut-il reconnaître, si grande en effet était la peur qu’inspiraient ceux-ci. Dans sa presque totalité, l’establishment politique jouait alors le réalisme, la prudence. C’était le temps où on ne protestait pas trop haut, où on murmurait seulement à l’occasion ; ce n’est qu’avec la reconduction forcée du mandat présidentiel et les attentats criminels subséquents que devaient s’effondrer enfin les digues du silence. Dans l’affaire Hariri et en attendant le verdict du tribunal, ces galonnés bénéficient, comme il se doit, de la présomption d’innocence. Mais les arrestations arbitraires du passé, les tabassages de contestataires, les coups montés entraînant mort d’hommes, les écoutes et autres violations de la vie privée, les chantages, pressions occultes et menaces à peine voilées, c’était bien eux. C’est à travers eux que le régime s’est gagné un peu flatteur label ; c’est avec eux qu’en toute logique, il est voué à sombrer. De deux choses l’une, en définitive : ou bien ce quarteron de généraux appliquait bel et bien, toutes ces années durant, la consigne présidentielle. Ou bien le chef de l’État, gardien de la Constitution et garant des traditions démocratiques, se satisfaisait d’une charge virtuelle, se rendait coupable de négligence de commande, s’en remettait à d’aussi inquiétants personnages pour la conduite des affaires : c’est-à-dire l’instauration et l’entretien d’un système policier contrôlé, de surcroît, par l’étranger. Sur ce terrain pour le moins, l’excuse d’ignorance ne saurait avoir cours. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, dit l’adage de droit. Et ce n’est pas en plaidant l’irresponsabilité que peut espérer s’imposer tout responsable.

Déclaré non suspect par la commission internationale enquêtant sur l’assassinat de Rafic Hariri, le président de la République n’a guère consolidé sa position pour autant. Irrémédiablement ébranlée dès l’instant où survenait le séisme du 14 février, celle-ci devient même intenable : harcelé de plus belle hier par la majorité parlementaire, Baabda ne peut plus compter sur...