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Actualités

Sur les Campus Pour qu’entre la lumière…

« Ring the bells that still can ring Forget your perfect offering There is a crack in everything That’s how the light gets in ». « Sonne les cloches qui peuvent encore sonner Oublie ton offrande parfaite La fêlure est dans tout C’est ainsi que la lumière pénètre ». Leonard Cohen, Anthem, The Future, 1992. En 1992, Leonard Cohen, poète et chanteur visionnaire et éternel perdant magnifique, délivrait, après quatre ans de silence dans son monastère bouddhiste de Los Angeles, une vision apocalyptique et postmoderne du monde. « J’ai vu l’avenir, baby, et c’est le meurtre », disait-il, annonçant à la planète « la fin du règne de l’Ouest » et « l’explosion de la vie privée ». The Future, devenu album-culte, avait été pensé et écrit après la chute du mur de Berlin, en 1989, un événement que Cohen avait perçu comme un facteur certain de déséquilibre, plutôt que de rééquilibrage, dans le monde à venir. Cependant, vers la fin de cette sombre parabole de chaos et de destruction qu’est The Future, le chanteur canadien reconnaissait le pouvoir rédempteur de l’amour, qui est « le seul engin de survie ». C’est ainsi que dans une chanson appelée Anthem, un hymne lumineux qui émerge de la désolation ambiante de l’album, il avoue que « chaque cœur viendra finalement à l’amour, mais comme un réfugié ». Signe que tout est finalement récupérable, que la rédemption est de ce monde, et que « des ténèbres peut jaillir la plus formidable des lumières », comme l’avait dit auparavant un autre troubadour des années 70, Nick Drake. Au moment où tout craque, où l’esprit se fissure, où tout semble désespérément perdu, la lumière jaillit à travers les fêlures. Inutile de dire que c’est un peu le même sentiment, le même souffle de vie que Detlev Mehlis et son équipe ont insufflé à la société libanaise en interpellant, mardi, quatre des grands seigneurs sécuritaires de l’après-guerre. Il s’agit d’une brèche supplémentaire dans ce mur psychologique de la terreur, patiemment construit au fil des années par le système sécuritaire libano-syrien. Et c’est la lumière de la liberté qui filtre enfin, malgré toutes les tentatives de l’étouffer durant des années, à travers la dynamique négative de répression sous ses différents aspects. Pour le mouvement estudiantin, l’interpellation des généraux Jamil Sayyed, Moustapha Hamdane, Ali el-Hajj et Raymond Azar n’est que justice, compte tenu de toutes les vexations que les jeunes ont subies de la part du système sécuritaire, incarné par cette hydre à quatre têtes. La honte, pour ces personnes, de la mise en accusation morale et politique (mais pas judiciaire, puisqu’elles ne sont pas encore coupables et que la présomption d’innocence reste sacrée, comme l’a si bien rappelé Detlev Mehlis, hier) a certainement un goût de consolation pour les étudiants. Et pour cause : les jeunes ont longtemps été soumis à une chasse aux sorcières systématique de la part des services de renseignements en raison de leur aspiration, jugée bien trop subversive, à rétablir la souveraineté et l’indépendance de leur pays. Force est de reconnaître aujourd’hui que la « chute » – au moins sur le plan symbolique, puisqu’il ne faut pas présumer de la capacité de nuisance du système répressif, même sérieusement affaibli – de l’hydre sécuritaire est aussi l’aboutissement de la dynamique souverainiste, dont la principale fonction, durant quinze ans, aura été de tenter de détruire, par les moyens pacifiques, toutes les structures de la peur, à travers notamment l’appropriation de l’espace public, de la rue, pour briser le silence à travers certains slogans libérateurs. Dans ce sens, les jeunes ont été les premiers à œuvrer, patiemment, et au prix de grands efforts, pour contribuer à la fissuration des murailles de la peur. Et pour qu’enfin entre la lumière… Michel HAJJI GEORGIOU

« Ring the bells that still can ring
Forget your perfect offering
There is a crack in everything
That’s how the light gets in ».

« Sonne les cloches qui peuvent encore sonner
Oublie ton offrande parfaite
La fêlure est dans tout
C’est ainsi que la lumière pénètre ».

Leonard Cohen, Anthem, The Future, 1992.

En 1992, Leonard Cohen, poète et chanteur visionnaire et...