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Actualités - CHRONOLOGIE

« Lahoud n’est pas suspect », affirme le président de la commission d’enquête de l’ONU Mehlis : Si la Syrie ne coopère pas, nous aboutirons quand même à la vérité, mais cela prendra plus de temps(photos)

Le poids des mots et le choix de la terminologie ont pesé bien lourd hier lors de la conférence de presse du chef de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri, Detlev Mehlis. Jonglant habilement avec les réponses par souci de ne pas violer la confidentialité de l’investigation, le procureur allemand a toutefois révélé quelques points importants, notamment le fait que le président de la République, Émile Lahoud, « n’est pas un suspect » dans cette affaire, disculpant ainsi le chef de l’État, mis en cause par les ténors du Bristol. Affirmant qu’au stade actuel de l’enquête, « il n’y a pas de suspect syrien », M. Mehlis a précisé que « l’interview » des anciens responsables syriens de la sécurité (au Liban) est utile pour obtenir un complément d’information sans lequel la clôture de l’enquête sera toujours possible, mais sera « rendue plus difficile » et prendra plus de temps. L’enquêteur allemand a tenu à préciser dès le début de la conférence que la demande « d’une assistance légale auprès de pays tiers, en vue notamment d’interviewer certains de leurs citoyens, n’est qu’une tentative d’élucider certaines questions plutôt qu’une ingérence dans les affaires internes d’un pays membre (de l’ONU) ou une accusation directe », une allusion directe à la position de Damas qui avait vu d’un mauvais œil la demande de soumettre ses officiers à un interrogatoire. La commission souhaite notamment entendre l’ancien chef des services de renseignements militaires syriens au Liban, Rustom Ghazali, et deux de ses anciens principaux collaborateurs à Beyrouth, Mohammed Makhlouf et Jameh Jameh. Selon M. Mehlis, « quelque 240 à 250 témoins » ont déjà été interrogés. « Nous espérons entendre d’autres témoins au Liban et en Syrie », a ajouté le magistrat, tout en appelant toute personne qui possède des informations sur cette affaire à les lui communiquer. M. Mehlis profitera de l’occasion pour lancer à plusieurs reprises un message subtil – parfois avec humour – aux rumeurs et interprétations politiques colportées ces derniers temps dans la presse. Il précisera à maintes reprises qu’il n’a pas fondé ses suspicions « sur de simples rumeurs », réfutant une multitude d’informations véhiculées par les médias à ce propos. Il a en outre rassuré tous ceux qui craignent « une exploitation politique ou des pressions qui seraient exercées sur lui ou sur son équipe ». « Aucun membre de notre équipe n’est lié de près ou de loin à la politique, a-t-il souligné. Nous sommes d’origines et de religions différentes et œuvrons ensemble pour résoudre l’énigme du crime. C’est d’ailleurs l’avantage d’avoir une équipe internationale », a-t-il dit, avant d’ajouter : « Si certaines parties essayent d’exploiter notre travail, cela ne nous ne concerne pas. En même temps je ne peux les empêcher de le faire. Il faut toutefois savoir que je ne les soutiens pas. » M. Mehlis est catégorique : « Personne n’a jamais exercé de pressions sur moi ou sur les autres. » Une partie du puzzle Le procureur allemand refusera plusieurs fois de répondre à des questions politiques se contentant de rappeler uniquement l’essence de son rôle. À un journaliste qui lui demandait si le fait que le chef de l’État, Émile Lahoud, ait pris la défense du général Moustapha Hamdane l’avait « dérangé », M. Mehlis a répondu que ce dernier est toujours « suspect », donc « innocent » jusqu’à preuve du contraire, et le président a « tout simplement voulu clarifier ce point, ce qui est tout à fait compréhensible ». M. Mehlis a rappelé qu’il s’est déjà entretenu avec M. Lahoud à plusieurs reprises « avant » et non pas « après » l’arrestation des cinq suspects. Il a clairement laissé entendre à cet égard que le chef de l’État « n’est pas suspect ». Selon lui, les cinq suspects qui ont été convoqués « sont toujours innocents jusqu’à preuve du contraire et leurs droits sont préservés ». M. Mehlis ne réfute pas cependant le fait qu’il a recommandé aux autorités libanaises l’« arrestation » de quatre des cinq témoins « du fait de leur implication dans la préparation de l’assassinat ». « Les cinq suspects sont une partie du puzzle » en base duquel l’équipe poursuivra son enquête d’autant que M. Mehlis reste convaincu qu’« il y a d’autres personnes qui sont liées à l’opération ». Le procureur allemand a indiqué, par ailleurs, que les témoins déjà interrogés et ceux qui le seront à l’avenir sont exclusivement de nationalités « libanaise et syrienne ». M. Mehlis a « recommandé aux autorités judiciaires libanaises de maintenir les suspects en détention (...) pour les besoins de l’enquête et pour leur propre sécurité ». Certes, dira le juge, « j’ai déjà une certaine idée sur la manière dont le crime a été commis », mais l’enquête n’est pas terminée, rappelle-t-il. « C’est un peu comme si l’on entrait dans une maison à laquelle on accède par une dizaine de portes. Petit à petit, le nombre de portes se réduit. L’investigation nous permet de fermer les portes l’une après l’autre. Actuellement, il nous en reste quelques-unes d’ouvertes dans l’espoir de n’en avoir qu’une seule », dit-il. « Nous pensons que d’autres personnes sont impliquées dans l’attentat dont la préparation a demandé beaucoup de temps », a ajouté M. Mehlis. Le refus de la Syrie de coopérer Une question reviendra sans cesse et sous différentes versions, sur « la non-coopération de la Syrie » et les conséquences qu’elle pourrait entraîner. Et c’est de différentes manières que tentera de répondre l’enquêteur. « L’absence de coopération de la part de la Syrie a provoqué un retard dans l’enquête », a souligné M. Mehlis. Rappelant qu’il y avait eu des « problèmes » avec la Syrie sur sa coopération dans l’enquête, il a insisté sur la nécessité pour Damas de les résoudre car « sans (sa) coopération nous n’aurons pas une image complète » de l’assassinat de Hariri. « Je suis prêt à aller en Syrie » pour poursuivre l’enquête, a insisté le magistrat allemand. Il a mis l’accent sur l’importance d’« un interrogatoire en face à face » avec les responsables syriens et « non par écrit » tel que proposé par Damas. Si la Syrie ne coopère pas « il sera plus difficile d’aboutir à la vérité, mais il nous sera possible d’arriver aux mêmes informations par le biais d’autres parties ». « Si la Syrie ne coopère pas, nous aboutirons à la vérité par d’autres voies, même si cela prendra plus de temps », a-t-il souligné. À la question de savoir si, au cas où Damas persisterait dans son refus, il pourra se contenter des interviews obtenues par écrit, l’enquêteur répond que ce type d’exercice doit être fait « en face à face », sur base d’une interaction personnelle avec l’interlocuteur. «Nous devons vérifier si le témoin nous dit la vérité. Une interview écrite ne peut nous apporter une vision globale. » Prié de dire s’il a réussi à confronter les résultats de son investigation avec les enquêtes effectuées en parallèle par les services de sécurité libanais sur les autres attentats perpétrés après l’assassinat de Rafic Hariri, le procureur allemand affirme qu’il « n’a ni le temps, ni les moyens, ni les prérogatives » pour se pencher sur ces événements. Toutefois, dit-il, « si au cours de notre enquête, nous découvrons un indice quelconque en relation avec les autres attentats, cela permettrait de faire la lumière sur les autres assassinats. Il est bien possible que les attentats soient liés ». À la question de savoir s’il existe un lien quelconque entre la maison perquisitionnée par « erreur », dans la banlieue sud de Beyrouth et le Hezbollah, le procureur allemand a répondu par la négative en précisant que des « erreurs comme celles-ci peuvent se produire ». Interrogé sur le passage du rapport Fitzgerald (sur les circonstances de l’attentat du 14 février) qui avait fait état de menaces proférées par le président Bachar el-Assad contre Rafic Hariri parce que ce dernier refusait l’idée d’une prorogation du mandat Lahoud, le procureur allemand a répondu : « Je suis conscient du passage de ce rapport. Nous n’avons pas encore une vue globale sur ce plan. » Enfin, M. Mehlis a affirmé que « la question de la constitution d’un tribunal international » pour juger les responsables de l’attentat est « prématurée ». Jeanine JALKH
Le poids des mots et le choix de la terminologie ont pesé bien lourd hier lors de la conférence de presse du chef de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri, Detlev Mehlis. Jonglant habilement avec les réponses par souci de ne pas violer la confidentialité de l’investigation, le procureur allemand a toutefois révélé quelques points importants,...