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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Clair-obscur

Quoi de plus normal quand on veut communiquer, émettre un message, se faire comprendre même à demi-mots, que de recourir… à la communication ? C’est ce que font couramment, d’ailleurs, les États autoritaires, en donnant la parole à leurs organes d’information et autres porte-parole officieux. Un bel exemple en était (c’est décidément le monde à l’envers) cette récente diatribe d’un journal de Damas contre la presse libanaise libre, accusée d’envenimer à dessein les relations fraternelles entre les deux pays. De citer nommément un de nos confrères devait sans doute ajouter du poids au message, si message il y avait. Plus appréciés étaient les signaux qu’a lancés le président Bachar el-Assad par le canal de l’hebdomadaire Der Spiegel pour faire part – publiquement, et non plus par la voie de quelque communiqué – de l’entière disposition de son pays, sans cesse rappelé à l’ordre par l’ONU, à coopérer avec l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri : tout cela dit en allemand dans le texte, comme pour s’assurer que le procureur Detlev Mehlis n’en perdrait pas une seule virgule. À son tour, c’est un message d’une grande subtilité, et d’une grande clarté néanmoins, que le chef des enquêteurs internationaux, dans sa conférence de presse d’hier, a adressé aux autorités de Damas. Ce message paraît bien être le suivant : pas plus que le président Émile Lahoud, du moins à ce stade, les Syriens ne sont des suspects dans l’affaire de l’attentat du 14 février. La différence, cependant, c’est que le pouvoir libanais, après s’être longtemps fait tirer l’oreille, coopère. Et que le pouvoir syrien ne le fait pas, quand il refuse que soient soumis à interrogatoire – à interview, pour reprendre le charmant euphémisme de Mehlis – ses généraux du renseignement. Leur témoignage serait précieux puisqu’ils exerçaient, au moment du crime, de hautes responsabilités sécuritaires au Liban ; leurs dires permettraient évidemment d’aller plus vite. Quoi qu’il advienne cependant, coopération ou pas, le puzzle géant sera tôt ou tard reconstitué : toutes les possibilités seront retenues ou éliminées, a promis Mehlis, les portes seront toutes refermées jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une seule. Terriblement, significativement, coupablement béante, aurait-il pu ajouter… Est-ce à dire pour autant qu’à la faveur de quelque obscur marché la recherche de la vérité, à Beyrouth comme à Damas, est vouée à plafonner à hauteur des étoiles de général ? D’accepter de se faire amputer un bras suffirait-il donc pour sauver des systèmes au passé chargé, soudain pris en faute ? S’en alarmer, c’est bien sûr jeter le doute sur l’indépendance et l’impartialité de la commission internationale. Mais par le plus grand des paradoxes, c’est surtout faire le jeu de ceux qui ont de fort bonnes raisons, eux, de redouter les conclusions des investigateurs. Et qui, de source ou par la bouche de leurs fidèles locaux, tantôt évoquent les manipulations étrangères exercées selon eux sur ceux-ci, et tantôt mettent en garde contre toute politisation de l’enquête. Quoi qu’il en soit, on peut se demander quel profit politique pourra tirer le régime du certificat qu’il s’est vu délivrer hier. En début de semaine, Émile Lahoud, confondant imprudemment amitié personnelle et devoir de retenue inhérent à sa charge, louait chaleureusement – et qui plus est, devant des congressmen américains – les qualités de soldat du chef de sa garde, qui venait d’être interpellé. Tant bien que mal, la bévue a été réparée hier par les services de la présidence : mais seulement pour faire de la place à une autre, non moins éclatante ; à savoir les recommandations de conformité aux procédures pourtant élémentaires que Baabda a cru bon adresser au pouvoir judiciaire. Pour Siniora, pour Saad Hariri, l’occasion était trop belle de dénoncer vertement ce genre d’interférences. Et en fait de recommandations, ce sont celles de Detlev Mehlis qui auront prévalu, avec les poursuites engagées dans la soirée, par le procureur de la République, contre les tristes vedettes de l’hécatombe de Aïn Mreïssé. Jusqu’à nouvel ordre, il faut croire qu’elle se porte plutôt bien, la vérité.
Quoi de plus normal quand on veut communiquer, émettre un message, se faire comprendre même à demi-mots, que de recourir… à la communication ? C’est ce que font couramment, d’ailleurs, les États autoritaires, en donnant la parole à leurs organes d’information et autres porte-parole officieux. Un bel exemple en était (c’est décidément le monde à l’envers) cette récente...