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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Peinture, sculpture, maison d’édition, une même exigence Simone Fattal, un retour nécessaire aux sources (Photo)

Cet été, comme chaque été, lorsque son emploi de temps le lui permet, Simone Fattal revient se désaltérer aux paysages libanais. Y retrouver ses montagnes, son coucher de soleil qui vacille entre les blancs, les bleus et les rouges. Ses hommes «debout», ses «voyageurs», éternels soldats d’une guerre qui ne finira jamais. Et des souvenirs que nous avons partagés, un instant, avant un nouveau départ… La maison qu’elle possède depuis vingt-cinq ans, frôlant l’ancien phare de Beyrouth, surplombe la mer. Autrefois, on pouvait distinctement voir les montagnes et les dessiner. Les toiles de tous les blancs et de tous les roses-rouges, accrochées sur les murs, sont là pour le confirmer et témoigner de ce lien entre Simone Fattal, son pays et la peinture. Car bien avant de créer sa maison d’édition Post-Apollo Editions, bien avant de s’adonner à la sculpture, elle avait choisi la peinture pour exprimer ses révoltes et sa nostalgie. Et bien avant la peinture, c’est de philosophie que la jeune femme rêvait. La peinture «Quand j’ai terminé mes études de philosophie en France, j’ai décidé de rentrer au Liban. Je voulais créer un système d’éducation adapté au Liban, qui donne naissance à un “nouvel homme”. Un homme qui oublierait cette envie d’émigrer qu’on lui avait inculquée depuis le mandat français.» Après avoir «un peu peint à Paris», sans jamais avoir «pris ça au sérieux», Simone, de passage chez un ami artiste, se met à peindre quelques aquarelles, qui étaient, avouera-t-elle, «de “vraies” aquarelles et pas un amusement». «Tu es passée, lui dira-t-il, témoin des premières esquisses, du rêve social à quelque chose de précis.» Suivront dix ans de paysages abstraits. Des formes spontanées, et l’arbre, sous toutes ses formes. Et des expositions collectives et individuelles, la première devant avoir lieu à la Gallery One. Elle y exposera une série d’huiles et les illustrations du livre 5 senses for one death de sa complice Ethel Adnan. Nous sommes le 4 octobre 1973. Deux jours plus tard éclatera la guerre. Deux ans plus tard, la longue guerre qui va l’obliger à un premier exil en France, ponctué d’allers-retours au Liban. «En 1980, en vacances en Californie, j’ai compris que la guerre était loin d’être finie et que je perdais ma vie en attendant de rentrer.» La décision de rester à San Francisco s’impose. «L’attrait du neuf», précise-t-elle. «Je suis rentrée emballer mes affaires. J’ai rangé mes tableaux. Ça a dû être un traumatisme. Je n’ai plus jamais peint depuis…». Silence. Les yeux s’embrument. Pudiques émotions, comme une absence qui se fait ressentir. «J’étais arrivée à une fin, une impasse, un blanc presque blanc.» Les mots C’est à Sausalito, dans cette «maison parfaite», que l’artiste va installer son bureau et ses nouvelles activités démarrées en 1982. Une maison d’édition presque improvisée qui verra défiler de grands noms. D’Ethel Adnan et son fameux Sitt Marie-Rose à Fouad Gabriel Naffah et Jalal Toufic, en passant par des traductions de pièces de théâtre de Marguerite Duras, Claude Royer-Journoud, Dominique Fourcade ou encore Lyn Hejinian et Tom Raworth. Bien qu’au début elle se soit consacrée aux femmes, sa palette va très vite s’élargir et inclure des auteurs arabes, américains et français. «Je ne voulais pas d’étiquettes. J’ai choisi ce nom en référence au programme d’Apollo qui envoyait des hommes sur la lune. Il y aurait un avant et un après Apollo, comme un avant et un après Jésus-Christ! (toute proportion gardée évidemment)». Simone Fattal s’occupe de tout. Du choix des poètes à la couverture, qu’elle illustre à partir de ses dessins ou photos. «Je suis fière de la reconnaissance des autres. Quand Post-Apollo s’était bien installée… j’ai pu commencer la sculpture.» La sculpture «Après la peinture, j’avais fait quelques collages… Puis j’ai pris quelques cours. J’ai choisi la terre, pour son contact. C’est vivant, tellement proche de soi. Le dialogue est si profond.» Dix ans durant, elle va travailler, s’émouvoir, donner naissance à des personnages inspirés de cette archéologie qui la passionne. «J’ai toujours eu en tête l’image de guerriers, de personnages debout qui parlent de cette région.» Elle les exposera pour la première fois au Liban, en décembre 2000, à la galerie Janine Rubeiz. Puis à Paris, en 2003, à la Cité des arts. Simone Fattal, une femme libre, une artiste accomplie, au sourire retenu, a laissé échapper une phrase qui lui ressemble tant: «La liberté ne se donne pas, elle se prend.» En toute discrétion, ajouterait-on. Carla HENOUD
Cet été, comme chaque été, lorsque son emploi de temps le lui permet, Simone Fattal revient se désaltérer aux paysages libanais. Y retrouver ses montagnes, son coucher de soleil qui vacille entre les blancs, les bleus et les rouges. Ses hommes «debout», ses «voyageurs», éternels soldats d’une guerre qui ne finira jamais. Et des souvenirs que nous avons partagés, un instant, avant un...