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Actualités - CHRONOLOGIE

INTERVIEW - Le ministre de la Justice affirme que les prévenus sont traités comme doivent l’être des officiers Charles Rizk : Mehlis nous a réservé une première surprise, il y en aura peut-être d’autres

Dynamique, nerveux et souvent un peu bougon, le ministre de la Justice souhaiterait affronter l’étape actuelle avec sérénité. Mais la tension ambiante rend cette ambition difficilement réalisable et il travaille sans relâche, épuisant ses collaborateurs, tout en essayant de défendre son ministère et l’appareil qui en dépend. Charles Rizk commence d’ailleurs par expliquer que la commission internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri mène une enquête et ne peut pas prendre des initiatives sur le terrain sans l’accord des autorités libanaises. Selon lui, le numéro 2 de la commission s’est rendu lundi chez le procureur général de la République pour lui demander d’autoriser les forces de sécurité à épauler la commission dans une opération de perquisition et de recherche. Le ministre reconnaît que le procureur Mirza n’avait pas été informé de l’identité des personnes recherchées, mais selon lui, le juge Mehlis n’était pas tenu de le faire. Le procureur a donc donné son accord sans connaître les détails de l’opération. Seul le chef de la garde républicaine, le général Moustapha Hamdane, avait été notifié deux jours à l’avance de la nécessité de se présenter devant la commission d’enquête, mardi. M. Rizk insiste sur le fait que les généraux Jamil Sayyed, Raymond Azar et Ali el-Hajj sont en détention provisoire, dans les bâtiments de la direction générale des FSI, et ils sont traités comme doivent l’être des officiers. Charles Rizk ajoute que les dossiers des généraux Azar, Hamdane et Hajj ont été transmis au procureur général près la Cour de cassation, mais hier, dans l’après-midi, celui du général Sayyed était encore à Monteverde. Dans la matinée, le procureur Mirza a donc reçu plusieurs centaines de pages, qu’il doit lire et faire traduire, avant de prendre la moindre décision. Charles Rizk ne considère pas que cette démarche est une tentative d’atermoiement. « Au contraire, elle est la preuve qu’il s’agit d’un travail sérieux », dit-il. Le juge Mehlis a donc envoyé au procureur les dossiers des trois généraux et ce dernier doit prendre son temps pour les étudier. « La justice expéditive est la pire de toutes. Elle est la mère des erreurs judiciaires », précise le ministre. Selon lui, si l’examen des documents nécessite plus de temps, la garde à vue pourrait se prolonger et une procédure est prévue à cet effet. Mais l’essentiel est de ne pas faire de faux pas. Séparation de pouvoirs et coopération Le ministre de la Justice déclare qu’il ne sait pas comment les anciens responsables sont traités, mais il ne voit pas pourquoi ils subiraient de mauvais traitements. Cela ne fait-il pas partie des pressions psychologiques ? « Je suis ministre de la Justice, pas de la police », rétorque M. Rizk avec une pointe d’agacement. Lorsqu’il a déclaré dimanche que les Libanais doivent se préparer à un grand choc, était-il au courant de ce qui allait se passer dans la nuit de lundi à mercredi ? « Non, je pensais au rapport final qu’établira M. Mehlis. Il nous a réservé une surprise mardi. Il y en aura peut-être encore d’autres. Mais je crois que la société libanaise, qui a bien encaissé l’événement, est suffisamment solide pour encaisser tous les chocs. » Le ministre s’en prend ensuite aux médias et à ceux qui multiplient les rumeurs, rappelant que les suspects sont innocents jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie par un jugement. Le ministre espère qu’il y aura un procès. « C’est ainsi que l’on pourra vraiment désigner les coupables. Et non par le biais des commentateurs de télévision ou par la pression de la rue. » Il affirme ne pas avoir demandé de détails au procureur. « Je respecte l’indépendance de la justice et je ne me mêle pas de son travail », assène-t-il. Il s’est quand même rendu hier avec le procureur Saïd Mirza chez le président de la République. « Il s’agit d’une visite de routine. J’avais effectué la même la veille auprès du président du Conseil. Pour moi, la séparation des pouvoirs signifie leur coopération, et non une rupture totale entre eux. » Revenant sur la mission du juge Mehlis, Charles Rizk affirme que le rôle de ce dernier se situe entre le juge et le procureur, selon le système anglo-saxon, il est un « prosecutor ». Sa mission émane de la résolution 1595 du Conseil de sécurité, basée sur le rapport d’expert établi par M. Fitzgerald, qui avait constaté que les moyens libanais d’investigations sont insuffisants. Des collaborateurs de 14 pays M. Rizk tient à préciser que l’instruction effectuée par les autorités compétentes libanaises est très avancée et a servi de base aux investigations internationales, selon M. Mehlis lui-même. « De l’avis de la commission, le juge Élias Eid, chargé du dossier, a fait du très bon travail. Sans les rapports quotidiens qu’il envoyait à la commission, celle-ci n’aurait pas pu avancer dans ses travaux. » M. Rizk refuse de dire que la commission semble agir dans une seule direction, comme si elle avait déjà plus que des soupçons à l’égard d’une partie déterminée. « Mardi, la commission a donné une indication. Mais ce n’est pas la seule. De toute façon, c’est la justice libanaise qui aura le dernier mot. Le juge, ou le procureur, recueille les éléments que lui fournit M. Mehlis. Il écoute ses suggestions et ses recommandations, mais c’est à lui que revient la décision d’inculper ou d’arrêter. De plus, le juge libanais a le droit de convoquer un témoin déjà entendu par le juge Mehlis. La confidentialité ou le secret réclamés par le témoin devant le juge Mehlis tombent dès que les dépositions sont jugées assez graves pour aboutir à l’inculpation. Le juge libanais peut alors demander à voir le témoin et M. Mehlis s’est engagé à le faire venir, même s’il est à l’étranger. Le procureur a aussi le droit de demander les noms de témoins entendus sous le sceau du secret et même de les convoquer. » Pour le ministre, la commission internationale complète l’enquête libanaise, mais ne la remplace pas. Elle supplée aux déficiences de l’appareil d’investigations libanais, qui avaient été déjà constatées dans le rapport Mehlis. De fait, selon M. Rizk, le juge d’instruction libanais travaille avec des instruments qui ne dépendent pas de lui, mais du ministre de l’Intérieur. Il donne des instructions par le biais des commissions rogatoires. Or les services qui mènent les investigations disposent de moyens archaïques. « Si le crime utilise désormais une technologie de pointe, la lutte contre ce crime au Liban en est encore au Moyen Âge », lance M. Rizk. Il souligne aussitôt le fait que le juge Mehlis est aidé par 87 collaborateurs étrangers, venant de 14 pays différents, et 39 Libanais. Il peut aussi s’appuyer sur toute la structure des Nations unies. Il peut avoir recours à Interpol, aux ressources de plusieurs grands pays et au réseau judiciaire de l’Union européenne. Mais, le ministre ne cesse de le répéter, il est là pour aider la justice libanaise. « Dans son rapport, il n’est pas fait mention du recours à un tribunal international. Il évoque les moyens d’aider la justice libanaise, mais jamais il ne parle de transfert de compétence. » Le rapport mentionne toutefois le peu de confiance qu’éprouvent certains témoins à l’égard de la justice libanaise. « Mais il n’est nulle part question de laisser un tribunal international se saisir de l’affaire. De toute façon, nous sommes actuellement au début d’une réforme judiciaire et vous verrez que certains magistrats seront radiés de la magistrature sur décision du CSM. » Scarlett HADDAD
Dynamique, nerveux et souvent un peu bougon, le ministre de la Justice souhaiterait affronter l’étape actuelle avec sérénité. Mais la tension ambiante rend cette ambition difficilement réalisable et il travaille sans relâche, épuisant ses collaborateurs, tout en essayant de défendre son ministère et l’appareil qui en dépend.
Charles Rizk commence d’ailleurs par expliquer que la...