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Actualités - OPINION

En attendant Mehlis, un théâtre politique étreint d’inquiétudes larvées

Plus ça va, moins ça va. Cette devise du comique Aldo Maccione s’applique parfaitement à la déliquescence ambiante. Les jours, les semaines et les explosions se succèdent sans que le pays politique ne parvienne à prendre son essor, en se dégageant de ses innombrables, de ses multilatérales contradictions. C’est ce qui pousse certains pessimistes à craindre que le rapport Mehlis, qui devrait bouleverser les donnes locales (et peut-être régionales) ne donne le coup d’envoi d’une période encore plus difficile, plus heurtée, plus embrouillée que l’actuelle. Ce qui n’est pas peu dire. C’est aujourd’hui même que le magistrat allemand doit remettre au secrétariat général de l’ONU son avant-rapport. Une formalité préparatoire qui consiste à rendre compte en détail des investigations menées par la commission internationale d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri. En exposant donc ce qui a été accompli ainsi que ce qui n’a pas (encore) été fait. Et l’on songe plus particulièrement, à ce propos, au cas des responsables syriens, sécuritaires et politiques (ou qui ont les deux qualités à la fois) dont les enquêteurs n’ont pu recueillir les dépositions. Damas n’a en effet pas donné libre accès au ministre de l’Intérieur, Ghazi Kanaan (« fondateur », si l’on peut dire, de l’ancien système) et à son successeur de tutelle directe, Rustom Ghazalé. Même cloisonnement pour d’autres cadres que les enquêteurs aimeraient entendre, comme le chef des observateurs syriens au Liban, Mohammed Khallouf, ou son bras droit, l’officier Jameh Jameh. Or Mehlis ne cache pas que ce volet du dossier est extrêmement important. Et il semble vouloir demander à Kofi Annan une rallonge d’un mois, à dater du 1er septembre, pour tenter de compléter en Syrie sa collecte d’informations. Intox On le sait, et l’ONU s’en est d’ailleurs montrée courroucée, des parties déterminées font courir les bruits les plus fantaisistes sur les faits découverts par les enquêteurs internationaux. Ces rumeurs, lancées à des fins aussi évidentes que différentes selon les sources d’origine, visent à exploiter politiquement l’enquête. Soit pour attaquer des cibles données. Soit, tout au contraire, pour tenter de s’armer d’un bouclier, d’une ombrelle, contre les effets des révélations à venir. Ces efforts, ce brassage d’assertions parfois farfelues, et souvent confessionnalisées à dessein, contribue beaucoup à la tension qui marque actuellement le climat politique libanais. Nombre de professionnels de la politique (pas tous, heureusement) se rendent de la sorte lourdement responsables d’irresponsabilité, si l’on peut dire. Car leur agitation empêche tout traitement préventif visant à protéger le Liban des secousses, peut-être même de la tempête, que la publication des conclusions de Mehlis pourrait provoquer. De plus, comme le relève avec amertume un ancien responsable, au lieu de chercher à consolider les défenses immunitaires du pays par une unification des rangs internes, nombre de pôles majeurs multiplient provocations et frictions. L’esprit de discorde se développe au point qu’il gangrène de l’intérieur les blocs constitués, la majorité parlementaire notamment. On voit ainsi, exemple frappant, des haririens s’en prendre à Siniora, dont l’action de rassemblement national est contrée par des surenchères, parfois sectaires, émanant de la coalition qui l’a porté au pouvoir. Ce qui, on s’en doute, élargit le fossé avec Damas. Alors que pour le moment, selon les modérés, il aurait mieux valu calmer le jeu car le pays a besoin de stabilité. Les atouts du régime Siniora fait de son mieux à cette fin. Le mufti Kabbani a visité, pratiquement en son nom, le palais des Mouhajirine. Et lui-même s’est rendu auprès du roi Abdallah d’Arabie saoudite. Dans l’espoir que le souverain wahhabite dirait un mot aux Syriens. Sur le plan strictement local, et comme l’indique l’ancien responsable cité, il est évident que les « déclarations de guerre » et les campagnes menées contre le régime par les radicaux néoloyalistes brident le travail même du gouvernement qui ne peut ni procéder aux nominations ni développer des projets dans le climat de suspicion et de polémique actuel. Car tout rendement gouvernemental est étroitement tributaire de relations pleinement confiantes entre les deux têtes de l’Exécutif. Les tiraillements au sein de la majorité, note encore la même source, profitent sans doute au régime. Le président Lahoud a pu ainsi marquer facilement des points, selon cette personnalité, en prenant l’initiative de proposer l’examen des nominations ce jeudi en Conseil des ministres, hors ordre du jour. Le chef de l’État paraît de la sorte, aux yeux de l’opinion, plus soucieux de normalisation étatique et de relance du travail administratif que les vainqueurs des dernières élections législatives qui ont accédé au pouvoir. Du même coup, et toujours selon le même observateur, le président Lahoud risque de forcer le camp d’en face à révéler au grand jour les profondes divergences qui le déchirent au sujet des nominations. Philippe ABI-AKL

Plus ça va, moins ça va. Cette devise du comique Aldo Maccione s’applique parfaitement à la déliquescence ambiante. Les jours, les semaines et les explosions se succèdent sans que le pays politique ne parvienne à prendre son essor, en se dégageant de ses innombrables, de ses multilatérales contradictions.
C’est ce qui pousse certains pessimistes à craindre que le rapport Mehlis,...