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Actualités - CHRONOLOGIE

Fondation, par un groupe de politiques et d’intellectuels, d’un comité national à la mémoire du journaliste assassiné Samir Kassir, figure de proue de la liberté d’opinion(photos)

Le vide laissé par Samir Kassir est énorme, on ne le répétera jamais assez. Un vide qui grandit de jour en jour, au fur et à mesure que le monde politique, la société civile et les milieux intellectuels prennent conscience de l’importance, de la valeur de ce qui n’est plus. Ou plutôt de celui qu’on a condamné au silence éternel par la barbarie, celui qui n’est plus là pour accompagner, sinon initier les mutations au sein de la société, qui ne pourra plus aider à forger activement et au quotidien l’avenir du Liban et du monde arabe. La plaie est béante, l’absence se fait ressentir de jour en jour. C’est dire si l’hommage à la mémoire et au parcours académique et militant de Samir Kassir, un long cri de vie en faveur du respect de la dignité humaine, de l’égalité, du droit des peuples à l’autodétermination, des libertés publiques et de la démocratie, n’en devient pas d’autant plus nécessaire, sinon urgent. Face à cette immanence, à cette imminence, une idée, longuement mûrie, a émergé chez les compagnons de route de l’éditorialiste défunt : fonder un comité national de suivi pour honorer la mémoire de Samir Kassir, aider à démasquer les auteurs du crime, et continuer la lutte avec les forces vives des deux sociétés civile et politique pour défendre les valeurs et les idéaux démocratiques prônés par l’intellectuel. Un moyen comme un autre, surtout, pour la société civile désemparée de sortir de sa torpeur et de réagir à l’acte terroriste qui consiste à éliminer physiquement une personne (qui plus est un journaliste) en raison de la seule force de ses idées, pour la puissance – autrement irréductible – de son témoignage. Ce comité, qui compte dans ses rangs les députés Boutros Harb, Misbah el-Ahdab, Élias Atallah, Samir Frangié, Sélim Salhab, Bassem es-Sabeh et Akram Chéhayeb, les journalistes Ghassan Tuéni, Rafic el-Khoury, Nawaf Salam et Élias el-Khoury, ainsi que Mme Fadia Kiwan et MM. Chakib Cortbawi, Ziyad Baroud, Gabriel Murr, Mohammed Matar et Ziyad Majed, a tenu hier une conférence de presse à l’Ordre de la presse, mais les membres du comité n’ont pas tous fait acte de présence. Manquaient à l’appel MM. Ahdab, Salhab, Sabeh et Baroud. La conférence s’est par ailleurs déroulée en présence de l’épouse du journaliste assassiné, Gisèle Khoury, de son frère Walid Kassir, du président de la Gauche démocratique, Nadim Abdel Samad, et d’un des proches compagnons de Kassir, Jad Akhawi. Le cri de colère de Baalbacki Après l’hymne national, une minute de silence a été observée à la mémoire du journaliste assassiné. C’est ensuite le président de l’Ordre de la presse, Mohammed Baalbacki, qui a pris la parole pour axer son allocution de bienvenue sur la relation historique entre la presse libanaise et le martyr et la préservation de la liberté de la presse. Une liberté à laquelle le Liban reste malgré tout attaché, comme l’atteste, selon lui, l’amendement par la Chambre des députés de l’article 68 de la loi électorale, qui a pavé la voie à la réouverture de la MTV. M. Baalbacki a souhaité, dans l’esprit même de Samir Kassir, que cette liberté de la presse qui prévaut au Liban contamine le monde arabe. S’adressant ensuite à l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats, Chakib Cortbawi, présent dans l’assistance, M. Baalbacki a mis en évidence la convergence de missions entre l’avocature et la presse au service du droit et de l’établissement de l’État de droit. Le président de l’Ordre de la presse a ensuite lancé un véritable cri de colère : « Jusqu’à quand le crime va-t-il continuer à sévir souverainement dans ce pays ? Jusqu’à quand le droit de l’homme à la vie et le témoignage de vérité des journalistes continueront-ils à être menacés à chaque instant ? » Et d’évoquer le sang déjà versé, de l’attentat contre Marwan Hamadé à l’assassinat de Samir Kassir. « Nous ne permettrons pas que cela se poursuive, et c’est par le biais d’une lutte à l’instar de celle du comité national de suivi pour Samir Kassir qu’il faut agir, pour que les criminels aient le châtiment qu’ils méritent », a-t-il ajouté. Le communiqué fondateur Le député Boutros Harb a, pour sa part, donné lecture du communiqué fondateur du comité national de suivi dans l’affaire de l’assassinat de Samir Kassir. « Le 2 juin 2005, le journaliste et écrivain Samir Kassir a été assassiné. Une charge avait été placée dans sa voiture face à son domicile à Achrafieh. L’assassinat de l’intellectuel a été perçu comme un message visant à instaurer la loi du silence, et comme le prix du sang à payer pour les esprits libres du Liban en échange de la souveraineté et de l’indépendance retrouvées. L’assassinat de Kassir était l’une des étapes du climat criminel prévalant au Liban depuis le 1er octobre 2004, lors de la tentative d’attentat contre le député Marwan Hamadé, qui a donné le coup d’envoi à un processus sanglant dont l’apogée a été l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, du député Bassel Fleyhane et de leurs compagnons, dans une explosion le 14 février 2005 », a indiqué le communiqué. « La série criminelle ne s’est pas arrêtée après la grande réaction populaire qui a initié l’intifada de l’indépendance, expression de la décision sans appel du peuple à libérer le Liban de la tutelle exercée par le régime syrien, par le biais du pouvoir commun des services libano-syriens. Depuis la mi-mars, le Liban connaît une nouvelle série ininterrompue d’attentats qui ont touché des centres commerciaux, industriels et médiatiques. Avec l’assassinat de Samir Kassir, le 2 juin, une nouvelle vague d’attentats a coûté la vie à l’ancien secrétaire général du Parti communiste libanais, Georges Haoui (21 juin). Une tentative d’assassinat du ministre Élias Murr a suivi (12 juillet), puis les attentats de Monnot (28 juillet) et de Zalka (22 août) », a poursuivi M. Harb. « La condamnation des assassinats et le rejet du terrorisme font partie intégrante de la lutte pour l’établissement d’horizons de démocratie et d’indépendance pour le Liban. Ces affaires criminelles qui se succèdent et le climat ambiant de terreur ont pour but de saper le moral des Libanais, de briser leur volonté nationale, de les sanctionner et de diffuser un climat de désespoir qui permet au spectre de la dictature de réapparaître. C’est pourquoi nous nous sommes mobilisés, députés, avocats, journalistes et intellectuels, pour former un comité national de suivi de l’assassinat du martyr Samir Kassir », a-t-il ajouté, avant de citer les noms des membres du comité. « En suivant attentivement l’affaire de l’assassinat de Samir Kassir, ce comité luttera contre le climat de peur et de terreur et œuvrera pour mettre en évidence l’attachement strict aux valeurs de l’indépendance et de la liberté pour la défense desquelles les martyrs sont tombés. Il œuvrera également pour que Beyrouth, capitale libre, soit le “Printemps des Arabes”, comme l’avait écrit Samir Kassir », a noté le communiqué. Trois objectifs Poursuivant la lecture du texte, Boutros Harb a ensuite énuméré « les trois objectifs principaux du comité : 1 – Suivre le cours de l’enquête libanaise sur l’affaire Kassir et faire pression pour qu’elle se déroule rapidement, démasque et sanctionne les coupables, quels qu’ils soient. Faire la lumière sur cette affaire et forcer les assassins à sortir de leurs repères sont des moyens essentiels de protéger la vie des citoyens libanais, d’ôter le spectre de la menace de mort qui plane au-dessus de la vie politique libanaise et de protéger les journalistes libres qui font leur devoir moral en disant la vérité. Ces journalistes constituent un exemple du courage de la plume face au despotisme. Le comité suivra également l’enquête française, en collaboration avec les instances internationales pour la défense des journalistes et des intellectuels, dans le but d’établir un climat international qui dissuadera les criminels. 2 – Œuvrer en coordination avec la Fondation Samir Kassir pour diffuser les écrits du martyr et traduire ses livres en arabe. Samir Kassir appartient, de par ses livres, ses articles de presse et son travail académique, à la ligne des penseurs de la Nahda qui ont fait de Beyrouth l’une des capitales de la renaissance et de la modernité dans le monde arabe. Partant, la diffusion de cette pensée des lumières et laïque qui est la sienne constitue une mission noble, imposée par la perspective libératrice née de l’intifada de l’indépendance. 3 – Lutter avec les instances de la société civile pour consolider les valeurs de la liberté, de la démocratie et de la défense des droits de l’homme au Liban et dans le monde arabe. L’assassinat de Kassir fait partie d’une tentative d’attenter à une posture politique qui milite pour la démocratie. Il s’agit d’un épisode d’un feuilleton noir qui se venge de la pensée et de la culture au Liban et dans le monde arabe. » Le communiqué évoque, pour illustrer ce qui précède, les martyrs de la presse et de la liberté du 6 mai, les martyrs de la presse libanaise (Nassib Metni, Fouad Haddad, Kamel Mroué, Riad Taha, Sélim Laouzi), les penseurs libanais (Hussein Mroué et Mahdi Amel), égyptien (Faraj Fawda) et algériens assassinés. Il évoque ensuite les intellectuels arabes qui ont fait l’objet de tentatives de meurtre (Néguib Mahfouz) ou qui ont été contraints à l’exil (Nasr Hamed Abouzeid et Saadi Youssef). Appel au sit-in le 1er septembre « Notre comité œuvrera dans le cadre de ces trois objectifs, avec le concours de toutes les forces vives de la société libanaise, pour révéler l’identité des assassins, non seulement dans l’affaire Kassir, mais dans tous les cas d’assassinats politiques et d’agressions contre la liberté de penser », a ajouté le communiqué, qui a enfin appelé la justice libanaise à accélérer l’enquête pour que toute la lumière soit faite sur ces affaires. « Comme la justice constitue une garantie pour la vie et la liberté des Libanais, la société libanaise libre est une garantie de l’indépendance de la justice et de son intégrité », a conclu le communiqué, en appelant « l’ensemble des Libanais à œuvrer pour le recouvrement du climat de liberté et d’audace généré par le 14 mars, pour que les fils de la liberté réconfortent les martyrs en prouvant que leur sang n’a pas été versé en vain ». Ghassan Tuéni devait ajouter que « le comité ne met pas en doute l’action de la justice », et que les avocats Cortbawi, Matar et Salam ont été reçus par le ministre de la Justice, où il leur a été dit que « l’affaire suit son cours en silence pour respecter le secret de l’enquête ». Le comité a par ailleurs appelé à un rassemblement jeudi 1er septembre à 18h30 sur le lieu de l’attentat qui a coûté la vie à Samir Kassir à Achrafieh, pour marquer le souvenir (trois mois déjà) de l’assassinat du journaliste. Un olivier sera planté dans le cratère provoqué par l’explosion. Michel HAJJI GEORGIOU

Le vide laissé par Samir Kassir est énorme, on ne le répétera jamais assez. Un vide qui grandit de jour en jour, au fur et à mesure que le monde politique, la société civile et les milieux intellectuels prennent conscience de l’importance, de la valeur de ce qui n’est plus. Ou plutôt de celui qu’on a condamné au silence éternel par la barbarie, celui qui n’est plus là pour...