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Actualités - OPINION

Eclairage Un signe de bonne volonté dans une période assez confuse Le mufti Kabbani à Damas, une visite symbolique pour décrisper les rapports avec les sunnites

La visite du mufti de la République, Mohammed Rachid Kabbani, lundi à Damas est la première du genre depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février dernier. Si les positions du mufti lui-même sont restées modérées tout au long de cette période confuse et troublée, appelant au renforcement des liens entre les musulmans libanais et la Syrie, il est certain qu’à la suite de cet assassinat, un vent froid a soufflé sur les relations entre la communauté sunnite libanaise (entre autres), plus particulièrement le Courant du futur, et les autorités syriennes. Cette visite revêt donc aujourd’hui une importance capitale et pourrait être le début d’un réajustement et d’un certain rééquilibrage de ces mêmes relations. Selon des sources proches du Courant du futur, le mufti Kabbani, connu pour ses liens étroits avec la famille Hariri, n’a certes jamais voulu se laisser entraîner dans des prises de position hostiles à la Syrie, mais il n’aurait jamais pris l’initiative de se rendre à Damas sans consulter ses alliés politiques. Un timing contesté et sujet à débat La visite de lundi serait donc le fruit d’une concertation entre les forces en présence. Selon les mêmes informations, elle aurait même suscité un débat au sein du Courant du futur. Le Premier ministre, Fouad Siniora, ainsi que Mme Bahia Hariri y auraient été favorables, alors que d’autres membres de ce courant auraient souhaité qu’elle intervienne après la publication du rapport du juge Detlev Mehlis. Les mêmes sources ajoutent que les partisans de la visite auraient insisté pour qu’elle intervienne dans les délais les plus brefs, affirmant que la situation est devenue bien trop délicate pour que l’on attende encore un mois ou deux. De plus, cette visite intervient au moment où, selon des sources sécuritaires bien informées, les cellules islamistes se renforcent au Liban et où des informations de plus en plus précises circulent sur l’existence de noyaux intégristes un peu partout, au Nord, dans la Békaa et au Sud. Les mêmes sources laissent entendre que dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, la piste de l’attentat islamiste serait aussi sérieusement étudiée, et la matière explosive (du C4) aurait été importée d’Irak. Mais les hypothèses ne vont pas plus loin, pour l’instant, ouvertement du moins, sur l’identité réelle des coupables et celle des commanditaires. En fait, ces informations distillées au compte-gouttes à la presse semblent surtout destinées à montrer que la présence des groupes islamistes au Liban pourrait bien devenir un problème. Le Courant du futur, qui s’est fait le champion de la réclamation d’une amnistie pour les inculpés de Denniyé et de Majdel Anjar, voudrait à tout prix éviter qu’on en arrive là et que les sympathisants des courants fondamentalistes ne se transforment en cellules actives de déstabilisation, prises par une sorte de contagion irakienne. Après les accusations lancées par les autorités syriennes sur une éventuelle rencontre des Frères musulmans à Tripoli (certes démentie, mais les interrogations demeurent) et le cas d’Omar Bakri, cet islamiste libano-britannique, d’origine syrienne, opposant au régime bassiste et dont la Syrie a réclamé l’extradition aux autorités libanaises, il était donc temps de prendre une initiative destinée à assainir des relations assez confuses. Un signe de bonne volonté et une délégation bien étudiée C’est dans ce contexte qu’est intervenue la visite du mufti Kabbani en Syrie. La composition de la délégation qui l’a accompagné était d’ailleurs un indice de la volonté évidente du mufti – et de ceux qui l’appuient – de tendre la main à la Syrie et de calmer ses appréhensions déclarées. Le mufti de la Békaa, région soupçonnée actuellement d’être un foyer d’islamistes, cheikh Khalil Meiss, faisait ainsi partie de la délégation, mais non le mufti de Tripoli, cheikh Taha Sabounji, qui a joué un rôle actif au cours des dernières élections législatives contre les alliés traditionnels de la Syrie. À sa place, c’est l’ancien ministre proche du courant Hariri, Omar Meskaoui, qui occupe une fonction officielle à Dar el-Fatwa, qui a été choisi. En somme, selon des sources proches du courant Hariri, le message des Libanais était clair : il s’agissait principalement de tendre la main à la Syrie et de lui montrer que la communauté sunnite ne peut pas devenir un foyer d’agitation antisyrienne. D’ailleurs, selon les informations qui ont filtré sur la visite, le tête-à-tête entre le président syrien Bachar el-Assad et le mufti Mohammed Rachid Kabbani aurait été très positif et franc. Les deux hommes auraient passé en revue les relations libano-syriennes en général, et celles entre la Syrie et les musulmans libanais en particulier. La situation en Irak aurait été aussi longuement évoquée, notamment les risques de combats fratricides entre les sunnites et les chiites, et la tendance vers la création d’une fédération en Irak, tendance vivement condamnée par le président syrien et le mufti. De plus, le président syrien aurait fait, devant le mufti, l’éloge du Premier ministre Fouad Siniora, affirmant qu’il avait sa confiance et que les autorités syriennes sont prêtes à l’appuyer. Ce qui peut être interprété comme l’appréciation par le régime syrien de la main tendue par les sunnites, représentés par leur mufti et appuyés par le Premier ministre Fouad Siniora. Les Syriens auraient aussi apprécié le fait que cette visite soit intervenue avant la publication du rapport Mehlis et avant la réunion de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, comprenant que les Libanais ont voulu ainsi leur montrer que les relations libano-syriennes ne dépendent pas des considérations régionales. Mais cet échange de bonnes dispositions suffira-t-il pour régler le lourd contentieux qui entache aujourd’hui les relations entre le Liban et la Syrie ? Et aussi bien le mufti que le Premier ministre sont-ils en mesure de calmer les voix qui, au Liban, refusent le moindre rapprochement avec la Syrie avant que la vérité ne soit faite sur l’assassinat de Rafic Hariri ? La situation est encore confuse et le vide laissé par le retrait des Syriens du Liban sur le plan de la stratégie à adopter n’a pas encore été comblé, les Libanais n’ayant pas défini leurs options au sujet de la 1559, de la 1614 et des grandes questions qui se posent aujourd’hui à eux. Dans un tel contexte, la visite du mufti à Damas, pour importante qu’elle soit, reste avant tout essentiellement symbolique. Le centre de décision est ailleurs. Scarlett HADDAD
La visite du mufti de la République, Mohammed Rachid Kabbani, lundi à Damas est la première du genre depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février dernier. Si les positions du mufti lui-même sont restées modérées tout au long de cette période confuse et troublée, appelant au renforcement des liens entre les musulmans libanais et la Syrie, il est...