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Actualités - CHRONOLOGIE

RÉFLEXION - Une culture ludique qui vient du pays du Soleil Levant La magie manga crève les écrans (Photo)

Véritable phénomène du siècle, ces bandes dessinées nippones, longtemps méconnues et même décriées en Occident, ont réussi finalement à s’implanter dans l’imaginaire collectif des générations et à se tailler la part du lion. C’est ainsi que la littérature pour jeunes, les cartoons, les films d’animation ou les longs métrages cinématographiques ont subi insidieusement l’influence de cette culture qui demeure pour certains ambiguë et… différente Rien qu’en observant les jeunes de cinq à vingt-cinq ans (il y en a même qui tardent à sortir de l’adolescence), il est facile de constater combien les mœurs asiatiques sont entrées dans leur quotidien. Tant à travers les bandes dessinées qu’ils absorbent goulûment que les jeux sur consoles électroniques qui les mobilisent. La magie manga a opéré. S’agirait-il plutôt d’hypnose, de galvanisation ? Ce style qui a tardé à entrer dans les coutumes occidentales a été introduit au Liban par l’intermédiaire de séries télévisées dans les années 80: d’abord Goldorak connu au Liban sous le nom de Grindizer puis Les Chevaliers du Zodiaque pour les jeunes fanas du club Dorothée et ensuite Dragon Ball, avec son héros Sandoku, garçon haut comme trois pommes, à la queue de singe et qui incarne aux yeux de la majorité des jeunes Libanais les principes de loyauté, d’amitié et de courage. Les sujets novateurs s’articulant autour de thèmes tels que: sauver la terre ou entrer dans la peau d’un robot et lui donner vie ne tardent pas à subjuguer des milliers d’adolescents qui délaissent vite les «Superman», «Batman» et autres héros d’outre-Atlantique. Les valeurs universelles Mais s’il faut revenir à l’origine de cet engouement, il faudrait citer Jacques Glénat, éditeur français, toujours à l’affût de nouveaux concepts dans l’univers de la BD et qui a découvert les mangas en 1988, lors d’un voyage au Japon. C’est Akira, chef-d’œuvre de Katsuhiro Otomo, qu’il ramène dans ses bagages et qui fera l’effet d’une bombe en France. Malgré des débuts difficiles et une parution en kiosque qui peine à trouver son public en 1990, la sortie du long métrage en 1991 va changer la donne. Il aura donc fallu l’appui de la pellicule afin que ces héros aux valeurs de samouraïs, mais à l’allure totalement occidentale (pas d’yeux bridés ni de teint jaune), crèvent l’espace culturel. Akira, qui acquiert vite le statut de film culte, est un véritable triomphe. C’est immédiatement l’effet boule de neige: tout adolescent va vite se retrouver dans un personnage de chevalier du Zodiaque, ces preux au service de la déesse Athéna qui se battent contre le Mal. Dragon Ball diffusé, à son tour, devient la coqueluche des jeunes. Profitant de cette occasion, Glénat va encore frapper et éditer le manga dont ce dernier est tiré. Avec, à l’époque plus de cent vingt mille exemplaires vendus par tome (la série en compte 42), la voie est lancée et chaque éditeur se mettra à faire du manga. Ce sera pour le bonheur d’une jeunesse qui, depuis longtemps déjà, avait enterré la notion simpliste de la lutte entre gentils et méchants et pour qui le nouveau héros, tout en étant loyal, courageux et obstiné était aussi capable de violence et de cruauté. À l’image du Yin et du Yang, celui-ci passe du noir au blanc et peut, à tout instant, montrer la face sombre de sa personnalité. Ainsi, un manga comme «Ken le Survivant», jugé ultraviolent pour son fort taux d’hémoglobine, se verra interdit des écrans à la demande des parents. Un assaut sur l’univers de la BD Certains adolescents affirmeront que «les mangas diffèrent des autres bandes dessinées parce que très proches de la réalité, une réalité que les parents aiment parfois à camoufler, du moins à déguiser». Alors que les BD françaises et les cartoons américains se cantonnent généralement à certains thèmes majeurs comme l’humour, le fantastique, le drame et le policier, au Japon, tous les sujets sont permis. Fantaisie, rêve, cauchemar et philosophie, le manga démultiplie la réalité à travers une infinité de regards. Véritable vecteur d’émotions, il véhicule des passions exacerbées et, pour arriver à ses fins, use d’artifices visuels percutants. Le découpage (différent de la tradition franco-belge et américaine), les lignes de vitesse dynamiques (toujours épurées) et la priorité donnée à l’aspect physique des héros ainsi que leur place centrale dans l’intrigue et la banalisation du décor qui l’entoure. Autant de facteurs qui facilitent l’identification du lecteur à ces héros. Désormais, sensibilisé à cette nouvelle approche, il voit s’offrir à lui un vaste éventail de jeux électroniques, de films animés et de longs métrages qui s’inspirent directement de l’univers manga. Vers le cinéma Ce sont les films d’animation qui vont assaillir les têtes d’affiche, et les chiffres d’entrée sembleront insolents pour les cinéastes comme James Cameron, qui a battu le record d’entrées avec Titanic. En effet, après Porco Rosso en 1995 et Princesse Monoké en 2000, c’est au tour du Voyage de Chihiro d’inscrire, à son registre, plus de 20 millions d’entrées au Japon et de remporter le prestigieux Ours d’or du Festival international du film de Berlin, exploit qu’aucun autre film d’animation n’avait obtenu jusqu’alors. Cela prouve combien le phénomène manga a dépassé le stade de simples bandes dessinées pour devenir un art à part entière. Par ailleurs, ce sont les cinématographes, jaloux de l’impact dont jouit cette technique auprès des jeunes générations, qui vont l’utiliser et l’intégrer aux films d’action. Si l’influence s’est fait ressentir à plus d’un titre dans Aliens de James Cameron, Le Pacte des loups de Christophe Gans, Le cinquième élément de Luc Besson et The Matrix, c’est au génial réalisateur Quentin Tarantino qu’on doit des séquences de Kill Bill I, dignes des plus grands mangakas. Alors les mangas, un dixième art ? Puisque le neuvième revient aux bandes dessinées. Ou simplement une nouvelle vision de la réalité importée du pays du Soleil Levant et vite propulsée au rang d’incontournable dans le monde de l’art? Colette KHALAF Petit lexique Manga: terme inventé par le caricaturiste Katsushika Hokusai (1760-1849) et qui signifie image dérisoire. Les mangas d’Hokusai étaient des estampes montrant des personnages populaires de l’époque sous des dehors comiques. Au Japon, le terme manga désigne tout simplement la bande dessinée au sens large, alors qu’en Occident il a une signification et une connotation spécialement nippones. E-makimono: considérés comme les ancêtres des mangas, les e-makimono étaient de larges rouleaux peints que l’on dépliait et qui narraient toutes sortes de récits (aventures, guerres, contes). Des prototypes de manga et ce dès le IXe siècle Mangaka: dessinateur de manga. Osamu Tesuka, considéré comme le dieu des mangakas, était un créateur hors norme puisqu’il compte à son actif plus de trois cents histoires différentes et qu’il concevait scénarios et dessins à une vitesse considérable. Il laisse après sa mort des titres fabuleux qui restent dans la mémoire de tous les jeunes: Astro Boy, Métropolis, Phénix et autres.
Véritable phénomène du siècle, ces bandes dessinées nippones, longtemps méconnues et même décriées en Occident, ont réussi finalement à s’implanter dans l’imaginaire collectif des générations et à se tailler la part du lion. C’est ainsi que la littérature pour jeunes, les cartoons, les films d’animation ou les longs métrages cinématographiques ont subi insidieusement...