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Actualités - OPINION

Les nominations, une affaire traditionnellement politique

Un ancien président du Conseil note que les nominations, administratives, sécuritaires et judiciaires ont de tout temps été politiques et partisanes. Dès le départ, dès l’indépendance, cheikh Béchara el-Khoury avait fait sauter les grands commis de l’État qui ne sympathisaient pas avec le Destour, pour les remplacer par des hommes à lui. Même chose avec Chamoun. Ce président a particulièrement fait attention au commandement de l’armée, à celui de la gendarmerie, à la Sûreté générale, au procureur de la République et à la direction de la police. Tous ou presque changés ensuite par Chéhab qui, comme on sait, a favorisé le pouvoir parallèle puissant du Deuxième Bureau. Bref, et l’opinion l’admet volontiers, la logique de la confiance veut que chaque régime dispose de son propre staff. Pendant 15 ans, sous Hraoui puis sous Lahoud, les Syriens ont eu la haute main en matière de désignations. Comme Chamoun ou Chéhab, ils prenaient soin des cadres sécuritaires et judiciaires en tant qu’instrument efficace de pouvoir. Les changements successifs de gouvernement dans les derniers mois ont entraîné des variations également successives dans ces postes. Notamment au niveau de la direction générale des FSI ou du commandement de la gendarmerie. Ainsi, Sleimane Frangié, prenant en charge l’Intérieur dans le cabinet Karamé, à la place d’Élias Murr, avait procédé à des désignations et à des mutations, en déclarant qu’il ne lui était pas possible de travailler avec les instruments d’autrui. Cette devise avancée par un ministre appartenant à la même ligne dite alors « nationale » que son prédécesseur se trouve encore plus justifiée aujourd’hui, du fait que la majorité parlementaire et gouvernementale appartient à une ligne politique différente. Il faut donc qu’elle prenne en charge la sécurité, par le biais de cadres qui lui soient acquis. Mais ce n’est pas facile. Car on pourrait lui reprocher de violer la règle indispensable du consensus, en imposant des nominations dont la minorité ne voudrait pas. Avec des retombées redoutables dans la délicate situation présente. La majorité se verrait également accuser de pratiquer une politique de vainqueur et de vaincu. Cette même politique d’abus appliquée pendant 15 ans sous la tutelle syrienne. Dès lors, l’ancien président du Conseil estime que le cabinet Siniora se trouve confronté aux trois options suivantes : – La majorité parlementaire et gouvernementale se voit reconnaître de désigner les cadres qui lui inspirent confiance, pour qu’à travers eux elle assume la responsabilité de la sécurité et de la justice, sur base de la devise précitée, qui veut que chaque pouvoir dispose de son propre staff. Comme cela se fait dans nombre de démocraties évoluées. – La minorité parvient à faire valoir que la majorité issue des élections ne représente pas en réalité la majorité effective des Libanais. Partant de là, elle exigerait des nominations par consensus. Dans ce cas, la sélection devrait favoriser les éléments loyaux, avant tout, à l’État, non à des partis ou à des communautés. Et la sécurité serait considérée comme la responsabilité de tous ensemble. – Les ministres présenteraient des listes de postulants, chacun pour son département, après avis des organismes de contrôle. Il y aurait vote, au cas par cas, à la majorité des deux tiers du Conseil. Ce mécanisme est prévu dans la Constitution. Mais il implique quand même un consensus préalable. Faute de quoi, il y aurait des secousses, des remous, une crise politique car les ministres déçus pourraient claquer la porte. Du reste, sans un accord préliminaire, il est possible que le président de la République, dirigeant les débats, refuse le recours à l’urne. Et il pourrait lever la séance si la majorité insistait pour procéder au vote. Dans le même sens, si les nominations devaient être abordées au cours d’un Conseil que présiderait le chef du gouvernement, et non le chef de l’État, le quorum pourrait faire défaut au moment du vote. Qui nécessite, rappelons-le, une majorité des deux tiers. Pour le fond du problème, la fonction reste politisée. Il est en effet difficile d’empêcher un fonctionnaire, qui est un citoyen parmi d’autres, d’avoir ses propres convictions politiques. Mais la dérive a été aggravée, affirme un ancien haut fonctionnaire, quand l’État a autorisé les membres affiliés à des partis à décrocher des fonctions publiques. Ces éléments sont généralement plus attachés à leurs partis qu’à l’État. Et c’est encore pire pour ce qui est des fonctionnaires qui doivent leurs postes à l’intervention de leurs communautés. Car cela produit ce danger dénoncé par le patriarche Sfeir sous le nom de « fédéralisme communautaire ». Émile KHOURY
Un ancien président du Conseil note que les nominations, administratives, sécuritaires et judiciaires ont de tout temps été politiques et partisanes. Dès le départ, dès l’indépendance, cheikh Béchara el-Khoury avait fait sauter les grands commis de l’État qui ne sympathisaient pas avec le Destour, pour les remplacer par des hommes à lui. Même chose avec Chamoun. Ce président a...