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ÉCLAIRAGE - Les douces revanches d’une Chambre libre

Plus douce, plus sereine, plus apaisée et mille fois plus forte que la vengeance, aussi glacée, donc goûteuse soit-elle : la revanche. C’est déjà à consonance nettement plus sportive. En amendant hier en dix secondes et à une écrasante majorité l’insensé article 68 de la loi électorale, le politique, par la voix des élus du peuple, a administré une belle leçon de démocratie à un judiciaire qu’on ne voudrait plus jamais voir comme il était, comme il prospérait, avant le 14 mars. Le décryptage de cette revanche fait plaisir, certes, mais, surtout, donne espoir. Le Parlement libanais a été soumis, depuis 1992 et d’une façon absolument ininterrompue, au bon plaisir du tuteur syrien et de ses (toutes-puissantes) marionnettes libanaises. Deux exemples suffisent : la prorogation du mandat Lahoud en septembre 2004, et la gifle suprême, infligée par le même Lahoud quelque deux ans plus tôt, avec le code de procédure pénale dont la Chambre avait pourtant voté, presque la veille, un (tout relatif) salutaire amendement. Le Parlement libanais, sur lequel repose le système du pays, n’était, depuis treize ans, qu’une potiche, une espèce de Marie couche-toi là cheap, avachie, docile et silencieuse ; des députés qui levaient la main parce qu’un coup de téléphone ou un fax de Anjar (ou même de Baabda), sans oublier les menaces dont ils étaient flanqués, leur avait enjoint de la lever. Bien sûr, il y avait cette petite poignée d’irréductibles, de braves, de mini-liste d’honneur avant l’heure, et que tuteur et son pupille toléraient pour la galerie, les ambassadeurs, parce qu’elle était follement anachronique, folklorique. Aujourd’hui, libéré de (presque) toutes ces chaînes et malgré cette loi 2000 crétine qui l’a engendré, l’hémicycle place de l’Étoile commence à ressembler à un vrai Parlement, même présidé pour la quatorzième année consécutive – quelle drôle d’ironie du sort – par un Nabih Berry, reconnaissons-le, un peu new look. Il commence à ressembler à un vrai Parlement tout simplement parce qu’il est en train d’exhiber, depuis la loi d’amnistie de Samir Geagea et avec une délicieuse ostentation, cet attribut sans lequel il est condamné à errer dans les limbes de l’inutile, du stérile, du ridicule : la souveraineté. Le message à Émile Lahoud, l’un des parrains de la prohibition de la MTV, est clair. Et si l’éternel locataire de Aïn el-Tiné continue, bon gré mal gré, de tenir parole et d’organiser chaque mardi une vraie séance de questions au gouvernement, le meilleur pourrait être à venir. Même le blanchiment de Chahé Barsoumian peut être lu, un peu de biais certes, sous l’angle de la revanche sur les brimades, les menottes et les muselières made in Damascus. Si Chahé Barsoumian a été le seul à être soupçonné et poursuivi, à avoir été sur le point de payer, et ce, en pleine tutelle syrienne, en pleine mafiattitude, c’est qu’il avait sans doute mécontenté, d’une façon ou d’une autre, ce tuteur syrien, ou l’un de ses proconsuls, Ghazi Kanaan par exemple. Et c’est peut-être cela, quelque part, que les députés ont refusé. Il y a 1 000, 10 000 suspects qui continuent de circuler en toute liberté, et le jour où ces hordes seront (devront être) jugées pour tous les vols qu’elles ont commis, l’ancien ministre du Pétrole pourrait, de nouveau, faire partie du lot. Parce qu’autant une amnistie sur le sang, sur la guerre, peut être souhaitable et souhaitée au nom de la réconciliation et de l’unité nationale, autant une grâce sur le larcin, le pillage, la corruption, l’abus de biens sociaux ou le détournement de fonds serait une insulte retentissante faite au Liban et aux Libanais. Mais en attendant, si un seul homme avait été sanctionné alors que tant d’autres restent tout aussi suspects, et à l’heure où la nouvelle justice libanaise se doit impérativement d’être la même pour tous, loin de tout arbitraire, cela aurait pu laisser de drôles d’arrière-goûts. Il n’en reste pas moins que ce qui s’est passé hier place de l’Étoile devrait décupler la vigilance des députés. Parce que, finalement, cette nouvelle maturité, cette émancipation, cette acceptation de soi libre, majeur et vacciné, seule la Chambre elle-même pourrait désormais les faire avorter. Seul antidote, encore et toujours le même : la révolution des mentalités. Ziyad MAKHOUL

Plus douce, plus sereine, plus apaisée et mille fois plus forte que la vengeance, aussi glacée, donc goûteuse soit-elle : la revanche. C’est déjà à consonance nettement plus sportive.
En amendant hier en dix secondes et à une écrasante majorité l’insensé article 68 de la loi électorale, le politique, par la voix des élus du peuple, a administré une belle leçon de démocratie...