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Actualités - CHRONOLOGIE

Le député CPL du Metn appelle la majorité parlementaire à organiser des élections anticipées Kanaan à « L’Orient-Le Jour » : « Il n’y aura plus de tabous dans la politique libanaise » (Photo)

La nouvelle opposition issue des dernières élections législatives semble être prisonnière de son paradoxe. Le discours politique du Courant patriotique libre (CPL) et de ses alliés paraît en effet séduisant exactement là où il génère le plus de questionnements et d’inquiétude : des principes généraux infaillibles, des idées claires, simples et belles, mais aussi une politique systématique de dénonciation de la plupart des éléments de la vie politique libanaise. Le contact de cette masse ambitieuse de projets avec la réalité parlementaire présente un intérêt particulier, puisque le chantier socio-législatif annoncé à maintes reprises par le général Aoun et son bloc pourrait être, si les conditions de son succès sont réunies, un élément – objectif – de rationalisation de cette vie politique. Le député CPL du Metn, Ibrahim Kanaan, l’une des principales figures opposantes de la nouvelle Chambre, défend d’ailleurs l’idée d’une certaine mission incombant à l’opposition. « Le bloc de la Réforme et du changement assume une grande responsabilité », déclare-t-il à L’Orient-Le Jour, avant d’expliciter un peu plus les raisons d’une telle vision des choses : « Nous faisons partie d’une Chambre composée de grands blocs, dont la plupart ont formé une coalition disposant de la majorité absolue et qui empêche tout débat constructif. Ce principe de la solidarité majoritaire aboutit à un véritable accaparement du pouvoir. » « L’idée même de majorité est incompatible avec la construction libanaise qui est essentiellement consensuelle », répond-il encore à ceux qui lui reprochent de méconnaître les principes de base du régime parlementaire. Et de poursuivre : « Notre coalition (minoritaire) fait face à une opération d’élimination de la démocratie au Liban. Et ce dans la lignée de ce qu’a entamé le CPL il y a quinze ans. Avant, nous nous battions pour que nous puissions nous exprimer. Aujourd’hui, cela est désormais acquis, mais notre combat porte sur la mentalité régnant au Liban. » Ces assertions peuvent difficilement être critiquées, la place centrale du CPL dans la lutte contre l’État sécuritaire libano-syrien n’ayant plus à être prouvée. Mais on ne peut que se poser des questions à propos de l’opportunité future de cette approche éternellement militante qui ne contribue pas forcément à la normalisation du débat politique nécessaire à l’établissement d’une vie démocratique. Cependant, le principe directeur que s’est fixé l’opposition pour son activité parlementaire semble beaucoup plus intéressant, le CPL étant déterminé, semble-t-il, à briser les multiples silences qui caractérisent la vie politique libanaise. « Pour nous, il ne doit exister aucun tabou. Et je peux vous dire que, dès aujourd’hui, il n’y aura plus de tabous dans la politique libanaise. Toutes les questions seront posées à partir du Parlement même, le seul critère de choix étant l’intérêt des Libanais », affirme Kanaan, avant d’ajouter, en donnant comme exemple la question du Hezbollah soulevée dernièrement par le général Michel Aoun : « Nous n’accepterons plus qu’on nous dise que ce n’est pas “le moment adéquat” pour aborder un sujet. Toute question pertinente mérite d’être discutée. » L’institutionnalisation de l’opposition L’un des aspects positifs de l’enthousiasme aouniste réside également dans la volonté du CPL et de ses alliés d’« institutionnaliser » l’opposition, afin d’optimiser le rendement des débats parlementaires. Dans ce cadre, un secrétariat a été récemment formé, comportant les députés Ibrahim Kanaan (secrétaire), Walid Khoury, Nehmetallah Abi Nasr, Farid Khazen et Hassan Yaacoub. À ce propos, M. Kanaan a indiqué à L’Orient-Le Jour qu’une distribution des dossiers sur les députés du bloc sera bientôt entreprise, afin que chaque membre puisse se consacrer à une question déterminée. Des bureaux seront également créés dans toutes les régions libanaises pour pouvoir garder un contact avec les gens, a-t-il précisé. Cette initiative, calquée sur les modèles occidentaux, et notamment britannique, pourrait ne pas réussir. Elle reste cependant louable, surtout si elle permet de préciser les contours de la notion d’opposition, particulièrement fuyante au Liban. Mais il est douteux qu’elle puisse aboutir, comme semblent parfois le souhaiter les dirigeants aounistes, à une bipolarisation de la vie parlementaire, ce mythe qui hante les « réformateurs » libanais depuis 1943. Le député metniote estime par ailleurs que le CPL ne restera pas forcément dans l’opposition tout au long des quatre années à venir. « Je ne pense pas que les différents éléments de cette majorité partagent les mêmes positions sur quoi que ce soit. Ce n’est que temporaire. Quel lien existe-t-il entre la protection de la Résistance et le respect des résolutions internationales ? » Quant aux priorités législatives de l’opposition, elles concernent, comme celles du gouvernement d’ailleurs, la loi électorale et la loi sur les partis, même si M. Kanaan accorde également toute l’importance à un audit financier portant sur toute la période de l’après-Taëf. Des élections anticipées Ibrahim Kanaan n’envisage cependant pas la prochaine étape avec beaucoup d’optimisme, notamment en ce qui concerne les prochaines nominations administratives et le Conseil constitutionnel. « Les postes doivent cesser d’être attribués à des hommes liges. Il est nécessaire qu’on se mette d’accord sur un mécanisme de recrutement. Il existe des organismes internationaux spécialisés dans ce domaine », explique-t-il. Quant à la part du CPL dans ces nominations, il déclare : « Ce n’est pas une question de parts. Mais même si c’était le cas, quel avantage tirerait le pays si nous nommons dix personnes compétentes alors que cent autres ne le sont pas ? Encore une fois, c’est une question de mécanisme de recrutement. Pour être moderne, l’administration doit être autonome. » La question du Conseil constitutionnel stimule encore plus Ibrahim Kanaan, qui se demande comment les députés de la majorité actuelle « se permettent de toucher à l’organisme chargé de contrôler la validité de leur élection ». « Pourquoi s’attaquent-ils seulement au Conseil, sous prétexte que sa composition actuelle a été imposée par les Syriens ? N’est-ce pas le cas de la plupart de nos institutions ? Pourquoi ne réforment-ils pas la magistrature dans son ensemble, sachant qu’il y a eu beaucoup plus d’erreurs de ce côté-là ? Il suffit de penser à tous les procès politiques », ajoute-t-il, avant d’appeler la majorité parlementaire à prouver sa bonne foi en organisant des élections anticipées dans un an, une fois qu’une nouvelle loi électorale aura été élaborée. « La majorité doit prendre une décision courageuse à ce sujet, si ses membres veulent vraiment redonner vie au 14 mars », conclut-il. Propos recueillis par Samer GHAMROUN
La nouvelle opposition issue des dernières élections législatives semble être prisonnière de son paradoxe. Le discours politique du Courant patriotique libre (CPL) et de ses alliés paraît en effet séduisant exactement là où il génère le plus de questionnements et d’inquiétude : des principes généraux infaillibles, des idées claires, simples et belles, mais aussi une politique...