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Actualités - REPORTAGE

Reportage - Certains affirment que le FPLP-CG reçoit des armes en provenance de Syrie, d’autres crient à l’opportunisme À Koussaya, sur l’Anti-Liban, la présence palestinienne armée divise les habitants

À l’heure où les émissaires palestiniens se succèdent au Liban et où les armes des camps sont à l’ordre du jour, sur fond de pressions internationales pour appliquer la 1559, le FPLP-Commandement général, relevant d’Ahmed Jibril, continue à avoir des bases militaires le long des crêtes de l’Anti-Liban, sans que nul ne se soucie de les déloger. Seule une poignée d’habitants dans les villages avoisinants, notamment à Koussaya, tente de soulever ce problème, mais les intérêts et la politique s’en mêlent, rendant difficile la revendication d’un droit évident devenu lié à une situation régionale des plus complexes… Koussaya, c’est vraiment le bout du monde. Niché sur le flanc de la chaîne de l’Anti-Liban, ce village chrétien de près de 3 000 habitants, dont plus de la moitié résident à Beyrouth ou à l’étranger, vit et respire à travers les carrières qui l’entourent. Dévorant littéralement la montagne, celles-ci sont une centaine, dont la grande majorité appartient aux habitants du village. Officiellement interdites par décision du Conseil des ministres – dont on connaît les errements dans le traitement de ce dossier –, elles fonctionnent par intermittence et constituent la principale source de revenus de la région. Une ressource menacée à la fois par le gouvernement et les FSI, qui sont l’instrument d’exécution de ses décisions, et par la position palestinienne qui surplombe toute la région. Les Palestiniens relevant du groupe d’Ahmed Jibril sont pourtant installés sur place depuis le début des années 80. Apparemment, et selon les témoignages recueillis, tout au long de la période écoulée, ils ne se sont guère mêlés à la population, notamment à celle des trois villages chrétiens de la région, Koussaya, Deir Ghazal et Re’it, et à celle des villages mixtes de Kfarzabad et Aïn Kfarzabad. C’est avec le départ des Syriens que tout a changé Selon Walid, un jeune homme de Re’it, ils étaient d’ailleurs très peu nombreux. « Une dizaine, tout au plus, avec quelques jeeps et des canons. D’ailleurs, les Israéliens ont bombardé leurs positions à plusieurs reprises, ainsi que celles du Hezbollah un peu plus au nord-est, vers Nabi Chit. Pour nous, ils faisaient quasiment partie du paysage. Mais c’est depuis le retrait des Syriens que tout a changé », dit-il. Lorsque les Syriens se trouvaient là, les Palestiniens ne semblaient ni particulièrement menaçants ni extrêmement gênants. Il est vrai que tout est relatif. Peu nombreux, les Palestiniens avaient même noué des liens plus ou moins amicaux avec les habitants, et leur chef, « Abou Chadi », est très connu des villageois. Malgré tout, ces derniers espéraient que les Palestiniens s’en iraient avec les Syriens, d’autant que dans cette région il n’y a pas de camp de réfugiés et il n’y a, selon eux, aucune raison de maintenir une position armée. Pour Fady, c’était enfin l’occasion de voir la terre que lui a léguée son père il y a 25 ans et dont les Palestiniens lui interdisent l’accès car elle serait trop proche de leur position militaire. « Pouvez-vous imaginer une telle injustice ? s’écrie-t-il. Je suis propriétaire de mille dunums de terre dans le jurd et je ne peux m’y rendre et les exploiter. Je ne comprends pas pourquoi une telle injustice doit se prolonger ? » Au village de Koussaya, dès qu’on aborde ce sujet, les visages se ferment et les bouches aussi. C’est finalement Tony, un jeune fonctionnaire, qui nous entraîne chez lui pour nous exposer son point de vue. Les habitants auraient reçu des menaces Selon lui, les habitants ont reçu des menaces, notamment le chef de la municipalité qui ne vient d’ailleurs plus dans la région, depuis que le sujet a été évoqué dans les médias. Tony explique que la route poussiéreuse qui coupe la montagne et passe devant la position militaire palestinienne mène directement à Zabadani en Syrie. Au moment du retrait des soldats syriens, les camions militaires sont passés par là et sont restés chez les Palestiniens au lieu de poursuivre leur chemin vers la Syrie. « Les Syriens leur ont même légué des blindés et des canons de gros calibre, ainsi que des jeeps qui ont des plaques d’immatriculation syriennes : Damas, Rif, etc. D’ailleurs, ils sont devenus nettement plus nombreux. Ils sont désormais une cinquantaine au moins. Nous les voyons du village se déplacer en toute liberté. De plus, ils ont investi une grotte célèbre dans la région et l’ont remplie de munitions », ajoute-t-il. Tony raconte aussi qu’après le départ des Syriens, les Palestiniens seraient devenus plus agressifs au lieu de se faire plus discrets. Ils auraient ainsi décidé de s’étendre au-delà de leur position, dans un espace de 5 000 dunums, obligeant ainsi les propriétaires des carrières à ne plus les utiliser. « C’est vrai qu’officiellement, elles auraient de toute façon dû fermer, ajoute-t-il. Mais avec l’État, il y a toujours moyen de composer, et de toute façon, cette terre nous appartient. » Tony affirme qu’aucune force politique locale ou étrangère ne le pousse à tenir de tels propos. Mais il est convaincu que les habitants de Koussaya ont le droit de recouvrer leurs biens et que les Palestiniens n’ont rien à faire dans la région. Tout en reconnaissant qu’ils n’ont jamais attisé les dissensions confessionnelles, il affirme que, depuis quelque temps, les Palestiniens dressent régulièrement un barrage la nuit, près de leur position à Hechemch (un village proche de Re’it). « Ils ont même une prison dans le coin et on ne sait pas qui y est détenu », dit-il. Un va-et-vient incessant et inquiétant Selon le jeune homme, des voitures syriennes aux vitres fumées vont et viennent en permanence sous le nez et la barbe des habitants et ceux-ci ignorent tout de leurs destinations et de leurs activités. Membre du conseil municipal du village, Fouad tient un langage différent. Selon lui, toute l’affaire serait provoquée par la volonté de certains propriétaires terriens du jurd d’ouvrir de nouvelles carrières, se rapprochant ainsi de la position militaire palestinienne. Les Palestiniens ont aussitôt protesté, affirmant qu’il s’agit d’une menace à leur sécurité, et l’affaire s’est aussitôt envenimée. Dans une période aussi délicate, les questions politiques se greffent très vite sur les intérêts personnels et ce qui aurait pu n’être qu’un simple litige est en train de devenir une affaire d’État. Car, selon Fouad, si les propriétaires avaient présenté le problème ainsi, nul ne les aurait appuyés. Alors qu’en évoquant la présence armée palestinienne et la menace qu’elle représente pour la population, la cause devient plus populaire. Toujours selon Fouad, ceux qui réclament le départ des Palestiniens ne veulent pas que l’armée se déploie à leur place, car avec les militaires libanais il est totalement interdit de faire sauter les rochers avec de la dynamite. Ce qui complique un peu plus encore la situation. Tony dément totalement cette version et met au contraire l’accent sur l’armement massif des Palestiniens dans cette position. Visiblement, le village est divisé sur la question. Ce qui empêche de faire valoir une revendication claire et précise, les habitants étant tiraillés entre les intérêts, les pressions et la volonté de ne pas vouloir déclencher un processus qui risque de se retourner contre eux. Mais tout le monde est d’accord pour affirmer que la route qui mène vers Zabadani en Syrie est ouverte à tous les trafics, notamment celui du mazout, qui s’est amplifié ces dernières semaines. En tout cas, depuis quelque temps, la tension monte dans la région. Et dans ces villages qui ont traversé les années de guerre sans le moindre incident confessionnel, une rixe a opposé, il y a trois jours, des partisans des Forces libanaises et d’autres du Hezbollah à Aïn Kfarzabad, faisant plusieurs blessés. « Que viennent faire les FL dans ces villages ? s’insurge un des habitants. Nous ne voulons pas d’elles. Elles ont été trop impliquées dans la guerre. Pourquoi viennent-elles faire des provocations avec leurs drapeaux ? Pourquoi les aounistes se comportent différemment ? » Ses voisins l’accusent aussitôt d’être proche du PNSS et la discussion risque de dégénérer. Dans ce village que l’on croyait paisible, les habitants ruminent des rancœurs vieilles de plusieurs années. Et qui risquent d’éclater au grand jour sur fond de carrières ou de positions militaires, dont nul ne comprend l’utilité aujourd’hui, si loin en principe de tout front… Scarlett HADDAD
À l’heure où les émissaires palestiniens se succèdent au Liban et où les armes des camps sont à l’ordre du jour, sur fond de pressions internationales pour appliquer la 1559, le FPLP-Commandement général, relevant d’Ahmed Jibril, continue à avoir des bases militaires le long des crêtes de l’Anti-Liban, sans que nul ne se soucie de les déloger. Seule une poignée d’habitants...