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Actualités - CHRONOLOGIE

Le souvenir du 7 août Entre le mythe et la défaillance démocratique

Il y a quatre ans, les gouverneurs syriens du Liban et leurs alliés locaux ordonnaient des rafles prenant pour cible des centaines de cadres de ce qui était alors l’essentiel de l’opposition (CPL-courant aouniste et Forces libanaises). Deux jours plus tard, ces mêmes gouverneurs, sans doute amusés par les protestations pasteurisées de la classe politique, envoyaient leurs hordes d’agents sécuritaires en civil réprimer (entendre battre) sauvagement les dizaines de jeunes militants qui manifestaient – devant le Palais de justice – contre les premières arrestations. Derrière les fenêtres du palais, les juges et les avocats, ainsi que des politiciens étaient rassemblés pour assister à la scène. Il ne s’agit plus aujourd’hui simplement de s’indigner contre ce qu’ont été les 7 et 9 août 2001. L’épaisseur historique qui nous sépare désormais de l’événement fait que l’indignation doit laisser la place à une réflexion ciblée sur les facteurs qui ont pu rendre possibles sa réalisation et, plus gravement, son assimilation par la société libanaise. La réalisation d’abord, puisque le seul fait que les décideurs libano-syriens aient jugé insignifiants les risques (réactions populaires et internationales) d’une telle opération montre à quel point les mécanismes de contrepoids sociopolitiques étaient inhibés au Liban, voire inexistants. Les dirigeants libanais ne se sont pas posé de questions avant de porter atteinte, pour des raisons politiques, à l’intégrité physique des citoyens, en les brutalisant en plein jour dans un espace public, en les arrêtant arbitrairement avant de les torturer. Ils ont bafoué la liberté de penser, de s’exprimer ou de manifester, sachant qu’ils n’avaient pas de comptes à rendre au pouvoir judiciaire ou à la société. Un phénomène de castration des médias, qui avaient perdu leur efficacité en matière de contrôle politique, renforçait l’immunité psychologique des dirigeants. Les images des étudiants traînés par terre par les agresseurs à la solde du gouvernement avaient bel et bien été transmises par les médias libanais (notamment la MTV) les 9 et 10 août 2001, dans ce qui est cependant devenu une sorte de médiatisation – involontaire – du crime, qui ne contribue en aucune façon à la punition du criminel, mais plutôt à sa starisation. Aujourd’hui, pour que le 7 août ne se reproduise plus, il faudrait que l’État libanais ait peur. De ses universités, de ses journaux, de ses écrivains. Comme tous les autres moments forts qui ont ponctué l’histoire du Liban ces dernières années, la société libanaise a mythifié le 7 août. Connaître l’identité des responsables et les punir n’a plus qu’une importance relative. Jeudi, la très intéressante émission de Marcel Ghanem, consacrée à cette affaire, montrait que la plupart de ceux qui ont battu les jeunes devant le Palais de justice sont nommément connus, et mènent une vie normale. Entre-temps également, Toufic Hindi, Antoine Bassil et Habib Younès, tous victimes des rafles, ont perdu leur emploi du fait de leur emprisonnement, alors que d’autres détenus souffrent toujours des séquelles psychologiques résultant de la torture qu’ils ont subie. Mais l’événement n’aura en fin de compte servi qu’à illustrer, dans l’imaginaire collectif des Libanais, une nouvelle étape des souffrances d’un peuple laissé à la merci du tyran. Il n’a pas permis, en contre-réaction, une certaine avancée démocratique, même si certaines victimes sont aujourd’hui députés, comme Élie Keyrouz et Sélim Aoun. Il n’a suscité aucune restructuration de l’autorité judiciaire ou des services sécuritaires. Après le retrait syrien et le démantèlement de Anjar, il convient de poser une question fondamentale pour commémorer convenablement les rafles de 2001 : les conditions d’un nouveau 7 août sont-elles encore réunies, même si les décideurs ne sont plus les mêmes ? Une réponse positive, qui n’est pas totalement à écarter, appellerait une nouvelle lecture du mal libanais. Samer GHAMROUN
Il y a quatre ans, les gouverneurs syriens du Liban et leurs alliés locaux ordonnaient des rafles prenant pour cible des centaines de cadres de ce qui était alors l’essentiel de l’opposition (CPL-courant aouniste et Forces libanaises). Deux jours plus tard, ces mêmes gouverneurs, sans doute amusés par les protestations pasteurisées de la classe politique, envoyaient leurs hordes...