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Actualités - OPINION

En Dents De Scie L’urgence du Prozac

Trente et unième semaine de 2005 (J+174 : est-ce que le rapport Mehlis ne sera finalement qu’un gros pétard mouillé, ou bien saura-t-il remettre les pendules à l’heure ?). Fawzi Salloukh vient à peine d’emménager au palais Bustros qu’il souffre gravement, déjà, d’un toc horrible, de ce trouble obsessionnel et compulsif qui ravage depuis plus de quinze ans la diplomatie libanaise et ceux qui la télécommandent, du président de la République jusqu’au dernier des fonctionnaires de troisième catégorie. Asséner à chaque interlocuteur étranger, chargé d’aider le Liban à évoluer et à sortir de ses marécages, la nécessité d’aboutir, d’abord, à cette « paix juste, durable et globale » au Proche-Orient, sans laquelle il est impossible de régler le moindre problème interne, s’agirait-il d’une fuite d’eau dans n’importe quelle administration : voilà à quoi se résume cette diplomatie made in Lebanon, voilà ce qu’elle continue d’être à l’heure où le concept de Lebanon est censé reprendre quelques petites couleurs. Geir Pedersen, dont l’ordre de mission vient d’être sérieusement gonflé par Kofi Annan pour englober les affaires politiques libanaises en général, a dû, après ses entretiens avec Lahoud et Salloukh jeudi, avoir les bras qui lui en sont tombés. La diplomatie libanaise n’est plus qu’une fixation obsédante, une pensée unique intrusive ; une idée récurrente, un comportement stéréotypé ; une envie, un besoin monomaniaques de démultiplier à l’infini un rituel utlracompulsif et totalement monochrome : « Rien ne se fera sans une paix juste, globale et durable. » La diplomatie libanaise est polytraumatisée. Il n’y a pas que ces tocs qui la minent, la gangrènent et que seul un sérum ad vitam aeternam de Prozac pourrait peut-être guérir ; il y a aussi cet autisme dur dans lequel l’ont enferré ceux qui la (dé)font au jour le jour. Aveugle, sourde, elle ne voit ni n’entend les vagues qui avancent, les conseils d’amis qui se suivent, de plus en plus clairs, le déterminisme de l’histoire… Emmurée dans ses ors cheap, la diplomatie libanaise n’a même pas l’intelligence de se réfugier, comme l’institution militaire, dans un mutisme qui aurait beaucoup épargné : on glose trop, réellement trop, au palais Bustros ; on jacasse, à coups d’interminables et soporifiques variations sur un même thème, encore cette « paix juste, durable et globale ». Lesquelles variations, malheureusement et forcément compréhensibles du temps où la diplomatie d’ici était phagocytée, vassalisée par le sourire sainte-nitouche de Farouk el-Chareh et le masochisme assumé de Mahmoud Hammoud (entre autres), deviennent aujourd’hui, après le 26 avril 2005, absolument inadmissibles. Sauf qu’il y a les représentants de la communauté chiite en général, le Hezbollah en particulier, les ambitions de Téhéran et les frustrations de Damas en toile de fond. « L’ère pendant laquelle le Hezbollah bénéficiait d’un soutien général est révolue. » L’understatement de Farid Élias el-Khazen n’a rien de nouveau, mais sa réaffirmation cette semaine, alors que l’ONU, par le truchement de ce brave Geir Pedersen, vient d’ouvrir le débat avec Beyrouth sur le déploiement de l’armée au Sud, est importante. L’hyperlibanité du Hezb n’est plus à prouver, évidemment, et ce quelle que soit la fréquence des allers-retours de Hassan Nasrallah en Iran. Ce qui reste à prouver, c’est la capacité du parti de Dieu et sa bonne volonté à quitter la marge pour le corps, la périphérie pour le centre ; ce qui reste à prouver, c’est sa disposition à ne plus encourager l’histolyse d’un tissu pluriconfessionnel tellement fragile ; c’est sa décision de se socialiser. Certes, la communauté chiite doit, comme toutes les autres, être rassurée. Elle doit pouvoir jouir, comme toutes les autres, de l’ensemble de ses droits. Elle est tenue, en conséquence, de remplir, comme toutes les autres, ses devoirs. L’un des plus urgents étant de cesser de prendre la diplomatie libanaise en otage. De freiner son incurable schizophrénie. De ne plus la réduire à un bégaiement idiot. Même s’il est vrai qu’elle n’est pas la seule responsable, loin de là ; Émile Lahoud, entre autres, n’a rien à envier à personne à ce niveau. Mais il y a de l’espoir : depuis la fin de la tutelle syrienne, le locataire de Baabda est sujet à de quotidiennes apparitions, illuminations, transfigurations. Cette semaine, par exemple, il a découvert qu’une justice politisée et dépendante, ce n’est pas bien… Il faut croiser les doigts. Ziyad MAKHOUL
Trente et unième semaine de 2005 (J+174 : est-ce que le rapport Mehlis ne sera finalement qu’un gros pétard mouillé, ou bien saura-t-il remettre les pendules à l’heure ?).
Fawzi Salloukh vient à peine d’emménager au palais Bustros qu’il souffre gravement, déjà, d’un toc horrible, de ce trouble obsessionnel et compulsif qui ravage depuis plus de quinze ans la diplomatie...