Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

À demi-maux…

On ne tire pas sur les ambulances, encore que cela s’est déjà vu hélas ; on ne dévalise pas non plus les malades et les indigents. Et pourtant, c’est exactement ce que maints responsables indignes se sont acharnés à faire, dans la plus totale impunité, tout au long des quinze dernières années. Entre autres scandales, les trafics et ristournes sur le fuel destiné à l’EDL, le pillage éhonté des caisses de secours aux populations sinistrées, les commissions sur les travaux de la reconstruction et les magouilles autour de la téléphonie mobile ont saigné à blanc ce grand blessé de guerre qu’était, que reste, le pays. Le plus révoltant cependant, c’est qu’on aura escroqué jusqu’aux simples citoyens dans leur droit naturel, imprescriptible, à la santé. C’est un gros pavé dans la mare d’hémoglobine que lançait il y a quelques jours le ministre de la Santé, le Dr Mohammed Khalifé : plus de trois cents contrats frauduleux, signés avec des établissements fictifs et portant sur des montants considérables, ont été découverts et aussitôt annulés, annonçait-il dramatiquement en effet devant les représentants des corps médical et hospitalier. Il s’agissait en réalité de factures falsifiées, devait-il se reprendre par la suite. On applaudit tout de même, car ce n’est pas tous les jours que quelqu’un s’avise de déterrer la pourriture sur laquelle repose l’administration publique. On applaudit d’autant que ce quelqu’un, praticien respecté, relève d’une formation politique passant pour avoir fait main basse sur plus d’une institution étatique et, notamment, le Conseil du Sud. On applaudit de plus belle, donc… mais on attend la suite, laquelle tarde quelque peu à venir. Car pour spectaculaire et hardie qu’ait été son initiative, Khalifé n’en a finalement pas assez dit : notamment sur les sanctions qui s’imposent, même avec effet rétroactif, au sein de son propre département où les escrocs jouissaient fatalement de complicités agissantes. En fait, c’est de l’Ordre des médecins et du syndicat des hôpitaux privés – et d’eux seuls ? – que le ministre semble attendre le salutaire, l’indispensable coup de balai, quand il les appelle avec insistance à radier de la corporation toubibs véreux et indélicats exploitants de maisons de soins. Et de leur côté, les organismes professionnels le pressent, mais en vain, de citer des noms, de désigner du doigt ces centaines de noires consciences arborant blouses blanches afin qu’elles reçoivent un juste châtiment. Au royaume de la mauvaise Santé, pouvait-on vraiment espérer autre chose qu’un dialogue de sourds ? Le plus ahurissant est pour la fin. Mercredi, on a pu voir le président de la République expliquer avec le plus grand sérieux à une délégation du Conseil supérieur de la magistrature à quel point est nécessaire, pour la crédibilité de l’État, une justice absolument indépendante et vierge de toute attache politique : belle performance, en vérité, pour un régime qui a pratiqué les poursuites politiques et qui en était venu à confier les plus hautes charges judiciaires à des personnages aussi lourdement marqués que le procureur-ministre Addoum. Les juges ont poliment écouté le prêchi-prêcha présidentiel, de même que les assurances du ministre de la Justice Charles Rizk. Mais depuis les fragmentaires et néanmoins fracassantes révélations du Dr Khalifé, nulle instance judiciaire, aucune Inspection centrale ne s’est spontanément saisie de la fraude à la Santé, comme si celle-ci concernait exclusivement les hôpitaux et leur ministère tutélaire. Comme si les fonds détournés ne se traduisaient pas fatalement – criminellement – par moins d’assistance et de soins à une population ployant déjà sous les charges. Au fait, y a-t-il un docteur dans les salles de tribunaux ? Issa GORAIEB
On ne tire pas sur les ambulances, encore que cela s’est déjà vu hélas ; on ne dévalise pas non plus les malades et les indigents. Et pourtant, c’est exactement ce que maints responsables indignes se sont acharnés à faire, dans la plus totale impunité, tout au long des quinze dernières années. Entre autres scandales, les trafics et ristournes sur le fuel destiné à l’EDL, le...