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Actualités - OPINION

analyse Fermes de Chebaa, déploiement de l’armée, désarmement du Hezbollah Liban-Sud, l’introuvable dialogue

Les Nations unies viennent d’annoncer leur intention d’engager des négociatons avec le Liban sur le déploiement de l’armée à la frontière libano-israélienne. L’annonce peut paraître sibylline, survenant à l’occasion du renouvellement du mandat de la Finul, un rituel répété tous les six mois depuis vingt-sept ans. Elle n’en traduit pas moins l’impatience grandissante de la communauté internationale face à l’absence de volonté politique claire, de la part des autorités libanaises, de mettre un terme à la situation qui prévaut depuis des décennies dans la zone frontalière. Tant que l’occupation israélienne du Liban-Sud tombait sous le coup d’une résolution du Conseil de sécurité - la 425 - qui sommait l’État hébreu d’en évacuer ses troupes, la communauté internationale ne pouvait raisonnablement tancer le Liban pour manquement à ses devoirs. On partait en effet du principe que, quelle que soit la validité des motifs qui avaient conduit Israël à occuper une partie du territoire libanais, l’occupation d’une terre étrangère est en soi un acte illégal, donc condamnable. Par conséquent, il fallait d’abord y mettre un terme. Après mai 2000, tout change. Aux yeux de l’Onu, donc de la communauté internationale, Israël a totalement évacué le territoire qu’il occupait au Liban. La résolution 425 n’existe plus. Sa corrollaire, la 426, portant essentiellement sur les modalités de retour à la souveraineté libanaise dans les régions évacuées, a été appliquée de la manière la plus restrictive qui soit par le Liban. À l’époque, on s’en souvient, le pouvoir libanais, ses proches et son tuteur syrien paraissaient bien embarrassés par la perspective d’un retrait israélien, au point de parler de « retrait piégé ». De passage à Beyrouth quelques semaines avant la date fatidique, le ministre français des Affaires étrangères d’alors, Hubert Védrine, avait dû secouer quelque peu ses interlocuteurs pour les ramener à la réalité et les presser de prendre au sérieux les intentions israéliennes. La stratégie syrienne - et donc libanaise - prévoyait de maintenir coûte que coûte un minimum de tension au Liban-Sud, dans le but évident de préserver ce qu’on appelait la « concomitance des volets ». Le principe en est tout simple : la Syrie faisant la pluie et le beau temps au Liban, c’est naturellement à elle que la communauté internationale devait s’adresser à chaque embrasement de la zone frontalière libano-israélienne. De sorte qu’en fin de compte, il n’y avait point de « concomitance », mais simplement un anéantissement du volet libanais dans le volet syrien. Sauf que cette stratégie aurait été inepte sans le Hezbollah qui, pour être l’allié de la Syrie, n’en a jamais été l’instrument direct. C’était donc à Téhéran qu’il fallait chercher la clé de tout le système. Et la trouver. Dans les années quatre-vingt, la toute jeune République islamique avait tenté de prendre d’assaut – politiquement, culturellement et psychologiquement - l’ensemble du monde arabo-musulman. Mais cette ambition s’était heurtée très tôt à celle d’un autre prédateur, Saddam Hussein, mué en défenseur de l’arabité face au monstre perse. Elle s’est finalement noyée en 1988 dans les marais du sud de l’Irak, non loin de la péninsule de Fao. Empêché d’étendre massivement et directement son influence sur la région, l’Iran a pris depuis un autre chemin, comptant davantage désormais sur des relais locaux mieux intégrés à la société et l’État auxquels ils appartiennent. Le tournant amorcé au début des années quatre-vingt-dix par le Hezbollah - passé de la quasi-clandestinité au statut de parti politique reconnu - s’inscrit dans ce cadre. Or, pour Téhéran aussi, le maintien d’une tension au Liban-Sud était une bonne chose, dans la mesure où cela lui permettait de garder un pied dans le conflit israélo-arabe et, par conséquent, de peser sur le processus de paix. Voilà donc la toile de fond syro-iranienne mise en place. Restait cependant la détermination du Hezbollah lui-même, indispensable pour une « libanisation » de la tension. Sous la houlette de sayyed Hassan Nasrallah, le Parti de Dieu s’est acquitté à merveille de cette tâche, y trouvant pour lui-même des avantages certains, qui se sont traduits par une amélioration de ses positions dans le jeu interlibanais, intermusulman et – surtout – interchiite. Mais l’édifice était tout entier menacé d’effondrement par le retrait israélien. D’où la parade des fermes de Chebaa, par laquelle on espérait pouvoir continuer quasi fictivement à jouer le jeu, même en l’absence du joueur d’en face. Autrement dit, à faire, aux yeux de la communauté internationale, de « l’anti-israélisme » sans Israël ou avec beaucoup moins d’Israël. Le problème, c’est que désormais, et pour la première fois de façon aussi flagrante, cette posture mettait le Liban en conflit avec le droit international. Peu importe : les tuteurs n’en étaient pas à une entourloupe près, en la matière. Ce qui comptait, à leurs yeux, c’était précisément que la tutelle elle-même ne soit pas menacée. Et, sur ce plan, ils restaient convaincus que rien n’avait changé aux yeux de la communauté internationale, cette même communauté internationale qui, une dizaine d’années plus tôt, consacrait la pax syriana au Liban. Continuité donc, tant que la Syrie restait maîtresse du jeu chez son petit voisin. Continuité toujours, semble dire le Hezbollah aujourd’hui, même sans la Syrie ! La logique du parti de Hassan Nasrallah repose en fait sur une conviction profonde, celle d’avoir réussi à libaniser totalement la question du Sud. Il n’est pas sûr que cette conviction soit partagée par les autres fractions libanaises. Il est même certain que le contraire est vrai. De là la difficulté actuelle d’engager le dialogue auquel tout le monde appelle autour de cette question dans tous ses aspects : déploiement de l’armée, désarmement du Hezbollah, retour à l’armistice libano-israélien, processus de paix. Pour le moment, seules les polémiques ont droit de cité. Quant au gouvernement, il est contraint d’éluder totalement la question, en proclamant à la fois la chose et son contraire : Vivent l’Onu et la Résistance ! Le risque est de voir la communauté internationale s’impatienter davantage jusqu’à peut-être, en cas de dérapage à la frontière, faire un clin d’œil à Israël. L’histoire peut parfois resservir les mêmes plats. Élie FAYAD
Les Nations unies viennent d’annoncer leur intention d’engager des négociatons avec le Liban sur le déploiement de l’armée à la frontière libano-israélienne.
L’annonce peut paraître sibylline, survenant à l’occasion du renouvellement du mandat de la Finul, un rituel répété tous les six mois depuis vingt-sept ans.
Elle n’en traduit pas moins l’impatience grandissante de...