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Actualités - ANALYSE

Eclairage - Béni urbi et orbi, Siniora désormais condamné à agir

C’est un état de grâce que même Rafic Hariri n’a jamais connu de son vivant. Fouad Siniora et, accessoirement, son équipe semblent être devenus la plus belle fille du monde, une sorte de Monroe réincarnée, une Chimène sur laquelle se posent, énamourés, tous les regards du monde, l’exclusive destinataire de tous les compliments, de toutes les louanges, de tous les crédits. Le comble, c’est que cet homme et son dream team n’ont encore pratiquement rien fait de concret, de tangible. Le pire, c’est que la situation au Liban a rarement été aussi peu enthousiasmante, aussi peu à la hauteur. Rarement l’empathie intercommunautaire ou intersectaire a été aussi fragile, vulnérable. Et pourtant. On dirait que des hordes de fées continuent d’être convoquées au-dessus du berceau de ce gouvernement et de son chef. Pas un jour sans bénédictions – si seulement les baguettes magiques existaient… Dernières en date, et non des moindres : celle des évêques maronites et celle de la Banque mondiale. Les premiers, réunis à Dimane, ont rendu un hommage appuyé à la « sagesse » de Fouad Siniora, à sa « souplesse », sans lesquelles, estiment-ils, le cabinet n’aurait pas pu voir le jour. Ils ont même eu le bon goût, en condamnant ces polémiques stériles « qui entravent la réconciliation générale », qui incommodent le travail du Premier ministre, de renvoyer implicitement les députés aounistes et PSP à leurs responsabilités. Quant à la BM, dont on connaît certes les affinités électives à l’égard de celui qu’elle considère comme étant l’un des siens, elle a réaffirmé hier, par la voix d’Omar Razzaz, l’importance d’une coordination tous azimuts avec le gouvernement Siniora afin qu’elle puisse apporter tout l’appui nécessaire à sa dynamique de réforme. Sans oublier le prédécesseur du n° 3 de l’État, le décidément très fair-play Nagib Mikati, qui a affirmé hier que le nouveau cabinet « a fait un très bon démarrage ». Sans oublier non plus, naturellement, la profonde confiance de la troïka-mère américano-franco-saoudienne en Fouad Siniora, le répit qu’elle lui a accordé, magnanime, au sujet de l’application de la résolution 1559, ainsi que le rôle qu’elle aurait joué, dit-on, dans le déblocage de la crise frontalière libano-syrienne. En un mot comme en cent, le Premier ministre a tout pour plaire ; d’autant qu’il a su bien se doter en armes de séduction massive. À commencer par son indécollable et ultraplacide sourire, et cette déclaration ministérielle aux charmes ravageurs excepté en ce qui concerne l’urgent désarmement du Hezbollah. Surtout qu’il vient de recevoir un soutien supplémentaire, volontairement ou pas, de la part d’un Émile Lahoud de plus en plus sujet aux révélations et aux illuminations depuis que la tutelle syrienne a fondu comme neige au soleil. Jusqu’au-boutiste dans son application du mieux vaut tard que jamais, le locataire de Baabda a enfin compris, par exemple, que sans une justice indépendante et dépolitisée, rien n’est possible. Béni urbi et orbi, Fouad Siniora se retrouve bien davantage encore obligé de donner, dans les plus brefs délais, des résultats. Des vrais. Pris en tenailles entre un communautarisme qui ne cesse de s’exacerber et la psychose généralisée d’attentats à la voiture piégée, le Premier ministre croule aujourd’hui sous les devoirs de vacances. À lui de commencer, ostensiblement, à poser les bases de l’édifice étatique ; transformer les mentalités, démarrer, au vu et au su de tous, quelque chose ; ouvrir le dialogue sur le devenir des armes du Hezb ; définir les règles du jeu avec Damas ; pousser les Libanais, tous les Libanais, ici et ailleurs, à participer au gigantesque chantier de la (re)construction, les responsabiliser, leur donner envie, faire en sorte qu’ils transcendent leur appartenance communautaire. Le becoming Rafic Hariri doit désormais multiplier les gestes forts. Pour cela, il n’y a pas de secret. Fouad Siniora doit continuer d’apprendre, jour après jour, à écouter et surtout entendre l’autre avis, provienne-t-il de sa propre majorité ou bien de la nouvelle opposition parlementaire, emmenée par un Michel Aoun dont le devoir de faire de l’opposition crédible est tout aussi important. Fouad Siniora doit profiter de cette fragile baraka qui est la sienne pour agir. Nécessairement. Sinon, il y aura la petite porte pour sortir. Ziyad MAKHOUL
C’est un état de grâce que même Rafic Hariri n’a jamais connu de son vivant. Fouad Siniora et, accessoirement, son équipe semblent être devenus la plus belle fille du monde, une sorte de Monroe réincarnée, une Chimène sur laquelle se posent, énamourés, tous les regards du monde, l’exclusive destinataire de tous les compliments, de toutes les louanges, de tous les crédits. Le...