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Actualités - OPINION

Aux frontières de l’absurde

Dimanche, c’était le scabreux face-à-face de Damas ; puis c’était, hier, les vastes retrouvailles arabes autour de la dépouille mortelle du roi Fahd à Ryad : en l’espace de 48 heures, et avant même le sommet extraordinaire de Charm el-Cheikh, il aura été donné au Liban nouveau de faire ses premiers pas hors de ses étroites frontières. Croisons donc les doigts : il ne se débrouille pas trop mal pour l’instant, notre vénérable bambin. Damas, Ryad : deux capitales, deux incontestables pôles d’influence, parfois complémentaires et parfois rivaux. Le Liban politique n’a pas eu trop de mots pour dire sa gratitude au monarque wahhabite disparu qui ne cachait pas, de fait, sa sympathie pour notre pays, et qui fut d’ailleurs un des principaux parrains de l’accord de Taëf. Mais dans le concert de louanges endeuillées, nul ou presque, excepté le patriarche maronite, n’aura songé à regretter que l’Arabie en soit venue à confier son bébé à la garde d’une bien mauvaise nourrice. Car on sait de quelle manière la Syrie, demeurée seule en lice, a dévoyé Taëf pour en faire un permis international de satelliser le Liban. Toujours est-il que les choses ont bien changé depuis : profondément affecté par l’assassinat de son illustre protégé, l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le royaume a laissé transparaître son désaveu de la gestion syrienne ; et il n’a pas peu contribué à convaincre Damas de retirer au plus vite ses troupes du Liban, conformément à la résolution 1559 de l’ONU. Une Arabie en lente mutation, colosse pétrolier aux pieds d’argile puisqu’elle se trouve soudain confrontée au terrorisme, après avoir imprudemment financé les groupements les plus fanatiques ; et, plus près de nous, une Syrie actuellement au creux de la vague mais guère dépourvue, pour autant, de moyens de pression, d’obstruction, de nuisance même : plus que jamais, géopolitique et convergences ou conflits d’intérêts se conjuguent pour faire de ces deux puissances régionales nos principaux interlocuteurs de proximité. C’est au plus pressé qu’aura dû aller Fouad Siniora, pur produit d’un courant Hariri solidement installé à Beyrouth et cependant abhorré à Damas car devenu, par la force des choses, le symbole de la crise libano-syrienne. Des Syriens, le chef du gouvernement a obtenu la réouverture d’une frontière terrestre historiquement devenue, au fil des décennies, le baromètre des relations entre les deux pays. Et il a paru faire admettre la nécessité d’une révision de certains des quelque 200 (!) accords de coopération qu’a dû signer, bon gré mal gré, la partie libanaise. C’est considérable bien sûr, surtout pour un coup d’essai ; et c’est bien peu cependant, quand on pense à la gravité du contentieux, qu’illustre l’énormité des arguments avancés par les autorités syriennes. Car voilà bien un voisin habitué à se jouer de ladite frontière pour faire passer à sa guise hommes et matériel et qui, pourtant, a paralysé le trafic durant plus d’un mois sous prétexte que sa propre sécurité était soudain menacée. Qui, toujours en matière de sécurité, se garde bien de taquiner le front du Golan mais refuse, en revanche, que soit désamorcée la situation à la frontière libano-israélienne : c’était le cas hier déjà, avec les organisations palestiniennes érigées en État dans l’État ; et rien n’a changé avec l’avènement du Hezbollah dont le désarmement, nous dit-on maintenant, exposerait la Syrie aux coups du Mossad. Il y a plus absurde encore cependant, et c’est les centaines de disparus syriens abusivement invoqués pour faire l’impasse sur les légions de disparus libanais, tristement réels ceux-là ; c’est les compensations financières que réclame cette même Syrie qui a vampirisé à outrance son protectorat libanais. Une fois de plus, c’est au plus pressé qu’on vient de parer. Et sans doute faudra-t-il se cantonner, pour quelques semaines encore, dans le provisoire. Car le comble de l’absurde serait de s’imaginer que même avec la meilleure volonté du monde, une saine redéfinition des rapports bilatéraux puisse être envisagée avant qu’ait été levée, une fois pour toutes, l’équivoque en tout point cruciale entourant la responsabilité réelle de la Syrie dans le séisme du 14 février. Les anciens oracles ont vécu : ils parlent désormais allemand, comme le chef des enquêteurs internationaux Detlev Mehlis. Issa GORAIEB
Dimanche, c’était le scabreux face-à-face de Damas ; puis c’était, hier, les vastes retrouvailles arabes autour de la dépouille mortelle du roi Fahd à Ryad : en l’espace de 48 heures, et avant même le sommet extraordinaire de Charm el-Cheikh, il aura été donné au Liban nouveau de faire ses premiers pas hors de ses étroites frontières. Croisons donc les doigts : il ne se...