Rechercher
Rechercher

Actualités

EN DENTS DE SCIE Rédemptions

Trentième semaine de 2005 (J+167). Dans sa tête, il y a dû souvent avoir des danses de vie et/ou de mort. En plein dans ses tympans, des phrases, des explosions, des madeleines sonores un peu perverties, périmées, qu’il n’arrivait pas ou ne voulait pas oublier. Sur le bout de ses doigts, sans doute, des fourmillements incessants, ses phalanges qui tentaient de se souvenir. Dans ses rétines, des images qui se superposaient ; au bout de onze ans et quatre mois, elles ont sans doute fini par n’en faire plus qu’une. Une image… Laquelle ? Quelle image ? Celle, boursouflée, des bruits et des fureurs des années de guerre, au cours desquelles, comme l’ensemble de ses collègues warlords, il a usé et abusé des sinistres, sanguinolentes et discrétionnaires prérogatives que la sale guerre leur donnait ? Quelle image ? Celle, tellement noire qu’elle ne peut mener, in fine, qu’à la lumière, un monochrome de blancs, à la reconnaissance des péchés passés, à une vérité – « j’ai fauté » –, puis à un sacerdoce : donner l’exemple à ses frères d’hémoglobine ? Quelle image ? Celle d’un Liban empaillé, figé dans le passé, ressassé, rabâché pendant onze ans et quatre mois de déshumanisation dans un Alcatraz inhumain, concentrationnaire, hermétique, pouilleux – ce Liban d’hier qui centuple l’aigreur et la soif de revanches que l’on n’apprécie que glacées ? Quelle image ? Celle, suintante, imbibée de références bibliques, de sursauts nocturnes, de rêves diurnes ; celle qui transfigure les regrets et le remords, faisant d’eux, pour la première et seule fois, d’impeccables moteurs, lancés à toute allure sur le highway Nelson Mandela ? Samir Geagea ressemblait, mardi dernier, à un Petit Poucet qui ne trouvait pas ses cailloux – un autre Soljenitsyne, voleur de feu, un feu sacré, purificateur si l’on sait en faire bon usage. Son discours à la nation, écartant visiblement toute tentation de Venise qui le pousserait à s’exiler de la politique, portait en lui des germes bienfaisants que les Libanais attendent de voir transformés en actes fondateurs. Rentrera-t-il de son voyage en Christophe Colomb, le découvreur du nouveau Samir Geagea ? Dira-t-il « j’ai fauté » ; montrera-t-il la voie ; s’emploiera-t-il à créer, avec les autres, puis cimenter une patrie arc-en-ciel ? La réponse, lui seul la connaît. Saura-t-il rassurer, avec son compagnon d’injustice Michel Aoun, réellement, effectivement, leurs coreligionnaires chrétiens ? Sauront-ils, ensemble, être, pour les autres, tous les autres leaders libanais, un modèle inédit de convivialité à la tête d’une communauté ? Embastillé à l’intérieur de lui-même hier, Samir Geagea a aujourd’hui le choix. Devenir un pédagogue parmi les plus altruistes, ou faire de son âme un éternel, un infini désert sibérien, uniquement rythmé par les flux et reflux de bile entre les grillages des goulags. Ziyad MAKHOUL
Trentième semaine de 2005 (J+167).
Dans sa tête, il y a dû souvent avoir des danses de vie et/ou de mort. En plein dans ses tympans, des phrases, des explosions, des madeleines sonores un peu perverties, périmées, qu’il n’arrivait pas ou ne voulait pas oublier. Sur le bout de ses doigts, sans doute, des fourmillements incessants, ses phalanges qui tentaient de se souvenir. Dans ses...