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Actualités - OPINION

Perspective - L’entretien de Condoleezza Rice avec Aoun contraste fortement avec les contingences intérieures libanaises Un mécanisme informel pour pallier les failles du cabinet Siniora en termes de représentativité

La visite éclair que la secrétaire d’État US, Condoleezza Rice, a effectuée vendredi dernier au Liban, dans la foulée de sa tournée proche-orientale, a schématisé, l’espace de quelques heures, le paysage politique libanais. Cette escale beyrouthine impromptue de moins de sept heures constitue, certes, un message fort, exprimant le clair soutien de Washington au nouveau pouvoir, ou plus précisément au nouvel establishment politique issu de l’intifada de l’indépendance et des élections législatives qui ont suivi. Mais l’importance symbolique de cette visite – la première d’un responsable américain de ce rang depuis mai 2003 – réside non pas tant dans les entretiens officiels qui l’ont marquée, mais surtout dans les deux réunions que la secrétaire d’État a tenues parallèlement (et exclusivement) avec le général Michel Aoun et Saad Hariri. Ce double geste parle de lui-même et en dit long sur la perception que l’Administration américaine a de l’ère postsyrienne au Liban. Dans le cas spécifique du leader du Courant patriotique libre, cette reconnaissance publique, par le chef d’orchestre de la communauté internationale, de la place qu’occupe désormais le général Michel Aoun sur l’échiquier local contraste fortement avec les contingences libanaises. Elle contraste notamment, à titre d’exemple, avec la composition du cabinet Siniora. Et elle nous fournit l’occasion de relever à cet égard que nul responsable officiel n’a pris la peine de fournir la moindre explication sur les véritables considérations qui ont abouti à la mise à l’écart – en cette étape fondatrice de l’histoire du Liban – du bloc du général Aoun dans la formation du gouvernement alors qu’il a prouvé dans les urnes (et on ne le répétera jamais suffisamment) qu’il représente plus de 70 pour cent de l’électorat chrétien. Le mal, sur ce plan, est fait. Reste à trouver la parade. Car dans un pays dont la raison d’être est le pluralisme sociocommunautaire, la règle de la majorité devient une menace de déstabilisation si l’on tente de l’appliquer aux questions fondamentales engageant le devenir du pays et le sort de la population. Partant de ce principe, et du fait de sa représentativité ainsi tronquée, le cabinet Siniora n’est nullement habilité à trancher des dossiers aussi cruciaux que la loi électorale, les principes fondateurs de la formule libanaise (notamment le communautarisme), d’éventuels amendements constitutionnels en vue d’un rééquilibrage au niveau de l’exercice du pouvoir, ou aussi la redéfinition des rapports avec Damas, sans compter évidemment la question de l’armement du Hezbollah. Les solutions à ces problèmes de fonds ne peuvent être définies que sur une base consensuelle en associant au débat et à la prise de décision le CPL, le leader de Zahlé Élie Skaff – qui a démontré qu’il détient, avec le député de Beyrouth Michel Pharaon, la légitimité populaire au niveau de la communauté melkite – ainsi que le Tachnag. Particulièrement significatif sur ce plan est le communiqué publié vendredi dernier par le conseil exécutif de la communauté arménienne-orthodoxe affirmant que le nouveau gouvernement est dépourvu de « légitimité populaire » et déplorant le fait que « le Premier ministre n’a pas tenu compte du point de vue des autorités, des notables et des hommes politiques arméniens qui souhaitaient la représentation de la base populaire arménienne au gouvernement ». Une formule souple s’impose donc pour pallier les failles qui caractérisent le cabinet Siniora en termes de légitimité populaire. Un membre de la nouvelle équipe ministérielle a suggéré, fort à propos, la formation d’un comité regroupant les principaux blocs parlementaires pour élaborer un projet de loi électorale. Une approche similaire pourrait être envisagée de manière à dépasser le cadre du gouvernement en vue d’associer à la prise de décision concernant les grandes questions fondamentales les parties non représentées au sein de l’Exécutif, mais bénéficiant d’une légitimité incontournable. Les impératifs de l’équilibre national seraient ainsi pris en considération tout en permettant à la majorité parlementaire d’avoir les coudées franches au sein du cabinet pour les dossiers qui ne risqueraient pas de constituer une menace pour les fondements pluralistes de la société libanaise. Dans certains pays, cette fonction de garde-fou est assurée par un Sénat ou par une structure institutionnelle semblable. Au Liban, et dans l’attente de la mise en place d’un système politique qui consacrerait définitivement (et sans complexe) le communautarisme libanais, l’approche consensuelle, celle de Taëf, reste dans le contexte présent le seul garant des spécificités libanaises. Michel TOUMA
La visite éclair que la secrétaire d’État US, Condoleezza Rice, a effectuée vendredi dernier au Liban, dans la foulée de sa tournée proche-orientale, a schématisé, l’espace de quelques heures, le paysage politique libanais. Cette escale beyrouthine impromptue de moins de sept heures constitue, certes, un message fort, exprimant le clair soutien de Washington au nouveau pouvoir, ou...