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Actualités - ANALYSE

La 1559 et les relations avec Damas seront débattues en profondeur aujourd’hui Si elle n’est pas à la hauteur, la déclaration ministérielle marginalisera le Liban

Fouad Siniora, Nayla Moawad, Marwan Hamadé, Michel Pharaon, Khaled Kabbani, Sami Haddad, Fawzi Salloukh, Mohammed Fneiche, Charles Rizk et Tarek Mitri. Ces dix personnes sont chargées de rédiger la déclaration ministérielle du premier gouvernement de l’après-tutelle syrienne. Une déclaration ministérielle qui, en toute logique, en tout bon sens, devrait être radicalement différente, dans le fond aussi bien que dans la forme, de celles qui l’ont précédée, et qui, presque toujours, étaient soient dictées au téléphone à partir de Anjar, soit fortement calquées sur un fax en provenance des mêmes ruines. Et ces dix personnes ne pourront pas dire qu’elles n’ont pas été (pour l’instant gentiment) prévenues. La preuve. Bernard Émié, ambassadeur de France : « J’ai rappelé au Premier ministre que les défis que son gouvernement aura à relever sont également d’ordre international, afin de travailler au lancement d’un processus qui permette, dans le cadre d’un dialogue interlibanais, d’aller vers l’application des différentes clauses de la résolution 1559. » William Brenick, diplomate américain à l’Onu : « Nous appelons le nouveau gouvernement libanais à agir pour appliquer la résolution 1559, y compris ses dispositions concernant le désarmement des milices. » James Watt, amabassadeur du Royaume-Uni, au nom de l’Union européenne, qui a rappelé l’attachement de l’UE à la résolution 1559, évoquant nommément « l’importance du désarmement des milices libanaises et non libanaises, dans le cadre du dialogue politique libanais », ainsi que le déploiement des autorités libanaises sur l’ensemble du territoire. Cela c’était hier, au lendemain d’un appel de l’Onu, par la voix de Terjé Roed-Larsen, en faveur de l’enrôlement du Hezbollah dans l’armée libanaise. Et comme il n’y a évidemment pas de hasard, cette résolution onusienne qui a précédé d’un jour la prorogation du mandat d’Émile Lahoud, ainsi que son corollaire immédiat – les relations libano-syriennes, aujourd’hui en pleine crise – seront les deux points brûlants de cette déclaration qu’attendent de pied ferme Washington, Paris, l’UE, les grandes puissances, l’Onu évidemment, mais aussi la Syrie. Bien sûr, les dix ministres ont planché hier, et continueront aujourd’hui, sur des sujets d’une importance capitale. La loi électorale par exemple. Un comité représentant l’ensemble des forces politiques libanaises, qu’elles fassent ou non partie du gouvernement, sera mis sur pied dans les plus brefs délais et devra réfléchir sur une formule saine et moderne. Il serait, dit-on, astreint d’une date butoir. Le dossier des écoutes a été évoqué en long et en large. L’annulation de l’amendement du code de procédure pénale, exigé à l’époque par Émile Lahoud, aurait été décidé. La réorganisation des services de sécurité en harmonie avec l’accord de Taëf (ces Services ne traiteront que de sécurité militaire) aurait également été approuvée. Tout cela, à l’initiative – principalement – du ministre des Télécoms, Marwan Hamadé. Sans oublier, bien entendu, et c’est la moindre des choses, les réformes en tout genre. C’est une bonne chose. Sauf que l’essentiel, le fondamental, ce sur quoi les grandes capitales se baseront pour définir l’aide financière qu’elles offriraient au Liban, ne sera débattu qu’aujourd’hui : la 1559 et les relations libano-syriennes, donc. Même si cela a été entamé hier. Des sources bien informées ont fait état d’une polémique assez verte entre deux des dix ministres que tout oppose sur le plan politique. Tout ayant commencé avec le texte préparé par le nouveau locataire du palais Bustros, Fawzi Salloukh, sur la politique arabe et étrangère du Liban. « On se serait crus en 1992 », dit cette source. Une autre assure que Fouad Siniora prendra personnellement en main, aujourd’hui, le débat autour de ces deux points. Vers quoi se dirigent les 10 aujourd’hui ? La déclaration ministérielle risque d’affirmer que le Liban est attaché au respect des résolutions internationales ; de répéter que le Hezbollah et ses armes ne sont qu’une juste et légitime expression de la Résistance libanaise contre l’ennemi israélien, et de promettre que le gouvernement Siniora fera des efforts pour initier un dialogue libano-libanais avec le Hezbollah afin d’aboutir à un déploiement de l’armée au Liban-Sud – sans référence aux armes du parti de Dieu ? En un mot comme en cent : si cela s’avérait exact, cette déclaration ministérielle aurait de fortes chances de se retrouver truffée de slogans creux, de belles paroles, et de tentatives désespérées – et désespérantes – de ménager à la fois la chèvre, le chou et même le ruisseau que la chèvre devrait traverser si elle veut manger le chou. Ce serait donc une déclaration ministérielle langue de bois, insipide et fade, qui n’augurerait rien de bon. Surtout qu’en ce qui concerne les relations entre Beyrouth et Damas, le texte pourrait se borner à insister sur des relations privilégiées – le terme est d’un archaïsme fou ; pire, vichyssois – d’État à État – encore heureux… –, et à souligner que le gouvernement s’emploiera à appliquer sainement les accords bilatéraux qui servent les intérêts des deux pays. Le tout à l’heure où la Syrie a carrément déclaré la guerre au Liban, une guerre polymorphe : économique et financière sur l’ensemble de la frontière commune, mais également surréelle, par la voix de l’hallucinante Diala Hajj-Aref, la ministre syrienne du Travail qui entend demander des dommages et intérêts au Liban au sujet des ouvriers syriens agressés ou tués après le 14 février. Il est certes indispensable d’arrêter, de juger et de punir les auteurs des vexations ou les assassins. Mais que Damas ait l’audace de demander, avec son blocus exhibé aux yeux du monde, des dédommagements après avoir passé des décennies à racketter le Liban et à multiplier les cellules au Beau Rivage et ailleurs, sans que la déclaration ministérielle ne fasse état de ces réalités, semble inimaginable. Personne ne demande au Liban d’entrer en guerre contre la Syrie, bien au contraire, mais la politique de la joue gauche tendue avec sourires, excuses et courbettes en sus n’arrangera rien, et ne construira rien. Une énorme responsabilité attend aujourd’hui et demain les dix ministres. Et l’ensemble de la classe politique au pouvoir. La déclaration ministérielle est purement et simplement un examen de passage pour le gouvernement Siniora. Le raterait-il qu’il se marginaliserait ; qu’il lui sera mille fois plus difficile de prouver ses bonnes intentions et ses capacités ; mille fois plus difficile de les transformer en actes ; mille fois plus difficile de convaincre les Libanais. Et le monde. Ziyad MAKHOUL
Fouad Siniora, Nayla Moawad, Marwan Hamadé, Michel Pharaon, Khaled Kabbani, Sami Haddad, Fawzi Salloukh, Mohammed Fneiche, Charles Rizk et Tarek Mitri. Ces dix personnes sont chargées de rédiger la déclaration ministérielle du premier gouvernement de l’après-tutelle syrienne. Une déclaration ministérielle qui, en toute logique, en tout bon sens, devrait être radicalement différente,...