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Actualités - CHRONOLOGIE

Gouvernement - Siniora fait le tour des instances religieuses sunnite, maronite, orthodoxe et chiite Sous la pression des circonstances, Lahoud accepterait un gouvernement issu de la majorité parlementaire (Photo)

C’est sans la bénédiction patriarcale que le Premier ministre désigné, Fouad Siniora, est rentré hier de sa visite à Dimane (Liban-Nord), où il s’est entretenu une heure durant avec le chef de l’Église maronite, le patriarche Nasrallah Sfeir, de la composition du nouveau gouvernement. Une formation qu’il a façonnée au terme de dix jours de négociations ardues, qu’il a proposée samedi au chef de l’État et dont il a fait la promotion samedi et dimanche auprès des chefs religieux des communautés sunnite, maronite, orthodoxe et chiite. Samedi, et une semaine et demie après le début de sa mission, M. Siniora s’était à nouveau heurté au refus du chef de l’État de voir exclu du gouvernement le Courant patriotique libre du général Michel Aoun, ou de voir « des injustices graves » se produire au niveau de l’attribution des portefeuilles aux ministres chrétiens. Rendant visite à son gendre, Élias Murr, toujours hospitalisé après l’attentat manqué de mardi dernier, le chef de l’État a redit l’importance que revêt à ses yeux un gouvernement réellement représentatif de toutes les forces politiques au Liban, et non pas de la seule majorité parlementaire, une « fausse majorité » d’ailleurs dont l’élection était due aux graves distorsions provoquées par une loi électorale inconsistante. Le gouvernement de 24 ministres excluant le Courant patriotique libre (CPL) du général Aoun que lui a présenté, samedi, le Premier ministre désigné « n’est pas à la hauteur des défis qui attendent le pays », a jugé en substance le chef de l’État. Pour sa part, faisant la sourde oreille à ces remarques, M. Siniora a poursuivi hier une tournée des instances religieuses musulmanes et chrétiennes entamée samedi avec la visite au mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani. Le Premier ministre désigné a successivement rencontré hier le patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Élias Audeh, et le vice-président du Conseil supérieur chiite, cheikh Abdel Amir Kabalan. Partout, M. Siniora a tenu le même langage. « Les élections ont fait parvenir à la Chambre une majorité. Le gouvernement que j’ai présenté est le seul avec lequel je peux travailler et être efficace. » Le chef du gouvernement désigné a la hantise de voir se répéter l’expérience malheureuse de la cohabitation entre le Premier ministre assassiné, Rafic Hariri, et le chef de l’État, Émile Lahoud, et veut disposer de la majorité absolue au sein du gouvernement, où les décisions graves sont susceptibles d’être soumises au vote. Le chef de l’État, appuyé sur ce point par le général Michel Aoun et, dit-on, le patriarche maronite, souhaite disposer d’une « minorité de blocage » formée du tiers des voix du gouvernement. Changement de ton La journée d’hier a été marquée par un net changement de ton du Premier ministre désigné à l’égard des instances religieuses, et surtout du patriarcat maronite. Après avoir déclaré que le patriarche Sfeir « n’a ni béni ni exprimé sa désapprobation » à l’égard de la formule gouvernementale qu’il a présentée, M. Siniora a déclaré que ses visites aux chefs religieux n’avaient pas pour objet « d’obtenir leur approbation », mais « de les tenir au courant de ses efforts ». « Il n’entre pas dans le rôle des chefs de communautés d’approuver la composition du cabinet », a clairement indiqué le Premier ministre désigné, qui laisse ainsi entendre qu’il ira de l’avant, même sans la « bénédiction » du patriarche maronite. En définitive, a remarqué M. Siniora, chrétiens et musulmans ont eu droit à un nombre égal de portefeuilles ministériels, soit onze pour chaque groupe, et sont appelés à agir ensemble, au sein d’un même gouvernement, dont les décisions sont prises abstraction faite de l’appartenance communautaire de ses ministres. « La représentation chrétienne des ministres nommés au sein du gouvernement est sans reproche », a-t-il encore dit. Les ministres chrétiens du gouvernement que veut former M. Siniora sont soit des indépendants, soit des membres du Rassemblement de Kornet Chehwane, soit encore des proches du chef de l’État. Le temps presse M. Siniora a ajouté que « le temps presse et qu’au regard de ce qui se passe, le nouveau gouvernement doit voir le jour sans délai ». Et d’ajouter qu’avec la formule qu’il présente, tout risque de confusion entre l’Exécutif et le Législatif sera écarté, tandis que les réunions hebdomadaires de la Chambre, promises par le président Nabih Berry, donneront au Législatif de fréquentes occasions de demander des comptes au gouvernement. « Il ne doit pas y avoir de comptes à rendre au sein du gouvernement, a souligné M. Siniora, les comptes doivent être rendus à la Chambre. » Qui attend donc l’autre maintenant ? Là aussi, un malentendu semble s’être installé – déjà – entre le Premier ministre désigné et le chef de l’État, chacun des deux hommes affirmant attendre que l’autre lui fasse signe. C’est ainsi qu’au sujet d’une éventuelle rencontre avec le chef de l’État, M. Siniora a affirmé, au sortir de son entrevue avec le métropolite Audeh : « Ma dernière rencontre (samedi) avec le chef de l’État était bonne et franche, et je m’attends à ce que, au moment où il jugera bon, le président Lahoud et moi-même nous nous rencontrions, afin que je puisse recueillir son avis. J’aime écouter directement l’avis du chef de l’État, que je respecte et j’estime, pas à travers la presse ou des intermédiaires. » Mais M. Siniora a dit ne pas savoir quand la rencontre se tiendra. Il semble en fait que, dans la partie de « ping-pong » ou de tennis au cours de laquelle le chef de l’État et le Premier ministre désigné se sont échangé des balles, l’on soit désormais au « tie-break ». Deux versions de ce qui risque de se produire durant les prochaines 24 à 48 heures ont circulé hier. La première version est dramatique. Elle prévoit que le chef de l’État refuse la formule gouvernementale proposée, auquel cas M. Siniora se serait récusé, pour se voir nommé à nouveau par une majorité parlementaire, au terme des consultations d’usage qui suivraient. Ce qui ferait perdre au président Lahoud la face et le mettrait au pied du mur. L’autre version est pragmatique : elle prévoit que, réagissant aux urgences de l’heure, comme aux pressions internationales, en particulier américaines, le chef de l’État mette M. Siniora en face de ses responsabilités et accepte la formule gouvernementale proposée, malgré son défaut de représentativité chrétienne et le déséquilibre dans l’attribution des portefeuilles. Dans le cadre de cette vision des choses, et pour être conséquent avec lui-même, le chef de l’État pourrait même aller jusqu’à demander aux ministres qui le représentent, MM. Élias Murr et Charles Rizk, de se retirer du gouvernement, qui assumerait donc pleinement la conduite de la politique gouvernementale. Qui va donc demander à rencontrer l’autre, du chef de l’État ou du Premier ministre désigné ? Quels conciliabules, quelles rencontres vont encore précéder cette ultime rencontre ? Réponse, dans les heures qui viennent. Fady NOUN
C’est sans la bénédiction patriarcale que le Premier ministre désigné, Fouad Siniora, est rentré hier de sa visite à Dimane (Liban-Nord), où il s’est entretenu une heure durant avec le chef de l’Église maronite, le patriarche Nasrallah Sfeir, de la composition du nouveau gouvernement. Une formation qu’il a façonnée au terme de dix jours de négociations ardues, qu’il a...