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Actualités - OPINION

Le manque de confiance toujours à la source des crises dites politiques

Des vétérans observent qu’il existe une constante historique : les crises dites politiques sont toujours, au Liban, des crises de confiance entre protagonistes qui doutent réciproquement de leurs intentions et ne prennent jamais les promesses qu’on peut leur faire pour argent comptant. La crainte de voir autrui marquer des points explique encore plus les embûches que la course aux avantages elle-même. À tel point que dans des situations déterminées, certains préfèrent nuire à leurs propres intérêts, ou à ceux du pays, que de voir le vis-à-vis obtenir ce qu’il réclame. Ainsi, bien que tout le monde se dise conscient de la nécessité d’une formation rapide du gouvernement à cause des difficultés de l’heure, les entraves n’ont cessé de s’accumuler. Le président de la République est manifestement obnubilé par le risque d’une reprise de la campagne visant à le déboulonner. Le président du Conseil désigné semble, pour sa part, étreint de soupçons au sujet de la volonté que certaines parties auraient de lui mettre systématiquement des bâtons dans les roues. L’obsession de la nouvelle majorité parlementaire est de voler en éclats si elle ne réussit pas à constituer le noyau du nouveau gouvernement. Le tandem Amal-Hezbollah est braqué, quant à lui, sur le danger d’une application de la 1559. Bref, chaque partie, ou presque, opère pour ainsi dire à partir d’un complexe de crainte qu’elle tente de dissiper à travers des conditions ministérielles qui lui seraient favorables. Dans la mesure où elles seraient défavorables à autrui. On voit de la sorte un camp lutter pour que l’autre n’ait pas la majorité des deux tiers et, inversement, pour ne pas se laisser former une minorité d’un tiers de blocage en Conseil des ministres. Au niveau des mécanismes, la Constitution issue de Taëf redonne d’une main ce qu’elle prend de l’autre. En effet, elle retire au président de la République le droit de désigner un président du Conseil, au profit de la majorité parlementaire. Mais elle l’autorise ensuite à poser toutes les conditions qu’il veut pour la formation du cabinet. Puisqu’elle l’autorise à ne pas signer les décrets de nomination si la composition proposée n’a pas son accord. Ou encore, s’il n’a tout simplement pas envie de cohabiter avec un chef de gouvernement avec lequel il sait ne pas pouvoir s’entendre. Le problème étant qu’en cas de conflit, les textes ne disent nulle part comment le régler. Donc, si le président du Conseil désigné et le président de la République campent sur leurs positions respectives, c’est le blocage sans issue et la crise de pouvoir. Redisons-le, quand la confiance ne règne pas, la crise est au bout. Que cela soit au départ pour la formation du cabinet ou ensuite, en Conseil des ministres. À l’opposé, quand les intentions mutuelles sont bonnes, l’entente se fait sans difficulté sur le choix des ministres et la répartition des portefeuilles. Puis par la suite, sur le traitement des dossiers et sur les projets. Comme cela a été le cas avec l’équipe Mikati. La nuance, évidemment, étant que c’est toujours plus facile avec un gouvernement de simple transition. Encore que même ce cabinet, relativement favorisé sur le plan du climat psychopolitique, n’a pas pu régler une question comme le remplacement des cadres sécuritaires. Il y a deux ans, le président Sélim Hoss analysait dans un article la paralysie étatique que les tiraillements entre les dirigeants peuvent provoquer en soulignant que la répartition confessionnelle obligatoire des postes fait que tout litige entre les présidents risque de se transposer au niveau des communautés et de la rue. À son avis, le défaut réside donc dans le confessionnalisme politique. Car il empêche le pays, toujours selon le président Hoss, de bénéficier des avantages d’un régime présidentiel, c’est-à-dire d’une tête unique pour l’État. Les choses étant ce qu’elles sont, l’ancien président du Conseil propose que la Chambre arbitre un éventuel conflit de formation entre les présidents qui lui présenteraient chacun une liste de ministrables. Les noms identiques seraient désignés d’office. Quant aux autres, la majorité parlementaire ferait son choix. Émile KHOURY
Des vétérans observent qu’il existe une constante historique : les crises dites politiques sont toujours, au Liban, des crises de confiance entre protagonistes qui doutent réciproquement de leurs intentions et ne prennent jamais les promesses qu’on peut leur faire pour argent comptant. La crainte de voir autrui marquer des points explique encore plus les embûches que la course aux...