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En Dents De Scie - Tectonique des plaques

Vingt-huitième semaine de 2005 (J+153). L’assassinat de Rafic Hariri a provoqué un séisme d’une magnitude telle que les répliques n’ont pas manqué de suivre. Elles rivalisaient même d’intensité, créant à leur tour une kyrielle d’autres secousses, d’autres glissements progressifs ; elles provoquaient, aussi, des métamorphoses. La géologie politique a ses raisons que même la plus tordue des démocraties – ou des magouilles – ne peut pas contourner. Rafic Hariri éliminé, la présence armée syrienne a disparu, la tutelle s’est presque totalement diluée, et à Anjar, il n’y a plus que les ruines arabes à visiter. Mais les plaques, en bougeant, peuvent être lunatiques, et contre les portes closes, Bachar el-Assad et sa bande cherchent des fenêtres, des lucarnes, des hublots, ne serait-ce qu’un trou de serrure par lequel se réintroduire, par lequel redistiller le poison. La tentative de karamisation du PM désigné ou l’attachement toutes griffes dehors à une minorité de blocage sont deux exemples parmi d’autres, sans oublier l’outrancière guerre économique que mène la Syrie contre le Liban, au risque de s’asphyxier elle-même. Question : les Libanais sont-ils capables de s’autogérer ? Rafic Hariri éliminé, une troïka est née : Bernard Émié, Jeffrey Feltman, Abdel-Aziz Khoja. À la fois maman poule et mère fouettarde, walker plutôt que tutrice, cette troïka conseille, répète, explique, avertit, chuchote, tape du poing, surveille ; elle langerait presque. Elle a beaucoup travaillé, dit-on, dans la nuit d’hier, pour qu’il y ait gouvernement ce week-end. Question : pourquoi et jusqu’à quand la communauté internationale continuera-t-elle d’aider un Liban qui ne s’aide en rien ? Rafic Hariri éliminé, Saad Hariri a investi un Koraytem transformé en cour du roi Pétaud. Il y a désormais un millier, au moins, de courants haririens ; le mini-Godfather est sollicité de partout, chacun veut en faire son porte-voix. Et comme pour les scènes les plus « hard » d’un film dont personne ne connaît le scénario – si scénario il y a… – Hariri Jr s’est choisi une doublure, au (constant) sourire revolver : Fouad Siniora. Question : comment faire pour qu’à Koraytem l’on cesse de se persuader qu’on a la science infuse, pour que l’on écoute – et entende – l’autre, les autres, ses partenaires ? Rafic Hariri éliminé, Michel Aoun est rentré d’exil. Studieux, appliqué, persévérant, le général-député, fort de sa razzia électorale, se spécialise désormais chaque jour un peu plus dans ce pour quoi il semble être particulièrement doué : l’opposition. C’est sain. Très sain. Même au cœur de la plus tortueuse des démocraties, une opposition est indispensable. Alors au lieu d’abonder dans d’interminables circonvolutions, dans des déjeuners très soap-opéras ou des crises de foie indignées devant micros et caméras, qu’il annonce clairement la couleur, qu’il essaie de devenir ce nécessaire garde-fou, cet agitateur ou cet objecteur de consciences dont le pays a besoin. Question : où s’arrête l’opposition et où commence l’obstruction ? Rafic Hariri éliminé, Nabih Berry s’est découvert une vocation de réformateur. À plus de 60 ans, le speaker ad vitam æternam casse tous les records. Surtout que le concept de réformes a toujours été pour lui un terme abscons, plus proche du mandarin que de l’arabe. Quoi qu’il en dise. Rafic Hariri éliminé, Émile Lahoud a été carrément illuminé par de stroboscopiques hologrammes de saint Maron ; frappé de plein fouet par les immarcescibles vérité et primauté d’une Constitution qu’il a infatigablement contribué à torturer jusqu’au bout. Question : à quand un président de la Chambre au sens strict du terme, ni chef de parti ni décideur au sein de l’Exécutif ; à quand un chef de l’État crédible, populaire, représentatif et arbitre ; simplement garant ? Rafic Hariri éliminé, Samir Geagea devrait être désembastillé avant fin juillet. Question : comment faire pour que Walid Joumblatt et lui, Saad Hariri et lui réussissent à concrétiser en profondeur l’alliance nouée pour les législatives ? Rafic Hariri éliminé, le communautarisme n’a jamais été aussi franc, aussi sec, aussi carré. Chaque groupe confessionnel a désormais son leader. À la bonne heure. Chacun d’entre eux veut imposer ses gens, sa politique, sa décision, ses humeurs. Question : à quand des partis transcommunautaires, seule véritable bouffée d’oxygène pour un système englué jusqu’aux yeux dans ses poisons et ses antidotes ? Rafic Hariri éliminé, des millions de personnes se sont retrouvées dans les rues, sur les places. Mais ce qui aurait dû être le moteur de tous les changements, de toutes les évolutions, de toutes les résurrections a misérablement avorté. Aujourd’hui, il n’y a pas plus désillusionné, désespéré, désenchanté que le peuple du Liban. Question : comment fait-on pour démarrer une voiture sans moteur ? Ziyad MAKHOUL
Vingt-huitième semaine de 2005 (J+153).
L’assassinat de Rafic Hariri a provoqué un séisme d’une magnitude telle que les répliques n’ont pas manqué de suivre. Elles rivalisaient même d’intensité, créant à leur tour une kyrielle d’autres secousses, d’autres glissements progressifs ; elles provoquaient, aussi, des métamorphoses. La géologie politique a ses raisons que même...