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Actualités - OPINION

Ultime subterfuge, le panachage, comme aux élections

C’est une pièce (montée) bizarre, composée d’épilogues. Tous les deux-trois jours, depuis la désignation de Siniora, déjà lointaine, on annonce un accord définitif. Pour voir aussitôt s’écrouler le château de cartes. Hier non plus, pas de fumée blanche à l’issue de la concertation, à Baabda, entre le chef de l’État et le président du Conseil désigné. Mardi dernier, lors de leur dernière rencontre, ils s’étaient mis d’accord pour une formule technocratique. Mais Joumblatt, Amal et le Hezbollah ont rué dans les brancards, refusant de participer à une telle expérience. Siniora, mis dans l’incapacité de composer une mixture totalement parlementaire, se voit donc également interdire de puiser dans le riche vivier de compétences extraparlementaires. De guerre lasse, il se rabat sur un tableau panaché fifty-fifty de 24, groupant à parité égale députés et spécialistes qualifiés. La liste ainsi soumise hier au président Lahoud écarte l’idée, ou le principe, de cabinet d’union nationale. Politiquement, en effet, elle ne comprend que des éléments de la majorité, élargie au tandem Amal-Hezbollah. Et peut, sur le papier, compter sur 105 des 128 suffrages à la Chambre. En mettant Aoun sur la touche. En sus de petits blocs considérés comme loyalistes. Du même coup, il n’y aurait pas de tiers de blocage au sein du Conseil des ministres. Siniora déclare à ce propos qu’il ne veut pas voir se répéter les bras de fer qui, en opposant jadis le président de la République et le président du Conseil, paralysaient le gouvernement et l’État. Allant plus loin sur la même voie, des cadres du Courant du futur accusent le président Lahoud de tout mettre en œuvre pour disposer du tiers de blocage. À la seule fin, selon eux, d’inverser de fait les rapports de force, en contrôlant d’une manière négative les décisions du Conseil des ministres. Un reproche d’obstructionnisme, en quelque sorte. Faisant écho à Siniora, ces personnalités affirment que les volumes, les équilibres politiques, déterminés par l’ensemble des législatives, ne peuvent être ni ignorés ni contournés par une quelconque astuce arithmétique déployée au sein du pouvoir. Et d’ajouter, pour bien clarifier les choses, qu’il appartient à la majorité de gouverner, à la minorité de s’opposer positivement, pour se consacrer à contrôler les actes du gouvernement, à faire office de censeur objectif. Chacun son rôle, chacun sa place, disent ces haririens. Qui oublient qu’au Liban, comme leur leader l’a lui-même admis maintes fois, le concept démocratique ne peut être que consensuel et non numérique. Il est sans doute vrai que par le passé, sous prétexte de ce concept même, l’on a formé des gouvernements regroupant l’ensemble des composantes du Parlement. Dont près d’un quart, 30 députés, se retrouvaient ministres. Ce qui, naturellement, faisait de la Chambre un fantôme passif où nul ne songeait à critiquer l’Exécutif. Mais il est aussi vrai qu’à l’époque, il y avait une partie importante des Libanais qui n’était presque pas représentée au sein d’une Chambre finalement monochrome, aux ordres des tuteurs. Cependant, pour que les choses aillent de l’avant, il est évident que la participation au pouvoir de la minorité, au titre du principe consensuel, doit être constructive et non obstructionniste. Or, à tort ou à raison, les haririens se méfient de l’axe minoritaire. Ils affirment qu’il entraverait, comme ce fut le cas jadis après Paris II, le programme de réforme et de redressement exigé par les donateurs, occidentaux ou arabes. En privant ainsi le pays des assistances, financières ou autres, dont il a besoin pour se dégager de l’ornière, réduire sa dette et son déficit budgétaire. Siniora répète, à ce même propos, qu’il ne veut pas de nouveau courir à l’échec en ouvrant la voie à des tiraillements politiques au sein du pouvoir. Il tient dès lors à ce que la majorité dispose d’un pouvoir de décision effectif au sein du Conseil des ministres. Sans avoir à craindre le tiers de blocage. Finalement, comme le relève un professionnel, Siniora, après bien des valses-hésitations, se résout à jouer cartes sur table. Il fait une proposition ferme, en précisant que la balle est maintenant dans le camp du président Lahoud. Qui a demandé un délai de réflexion, en réalisant sans doute que le président du Conseil désigné veut lui mettre sur les épaules la responsabilité d’un blocage. Pour être en mesure, le cas échéant, de se récuser en s’en lavant les mains, sans perdre la face, après concertation avec le Courant du futur dont il se réclame. Cette sortie est une probabilité actuellement trop forte pour être négligée. Car, selon des sources informées, le président Lahoud ne signerait pas les décrets de nomination d’un gouvernement n’englobant ni les siens, ni les aounistes, ni un tiers de blocage. Il n’admettrait qu’un cabinet dit d’union nationale. Pour lui, si les résultats des législatives signifient quelque chose, c’est, avant tout, que toutes les parties se sont ralliées à Taëf. Et qu’elles doivent donc conjuguer leurs efforts pour le sauvetage du pays, sans exclusions. Philippe ABI-AKL
C’est une pièce (montée) bizarre, composée d’épilogues. Tous les deux-trois jours, depuis la désignation de Siniora, déjà lointaine, on annonce un accord définitif. Pour voir aussitôt s’écrouler le château de cartes. Hier non plus, pas de fumée blanche à l’issue de la concertation, à Baabda, entre le chef de l’État et le président du Conseil désigné. Mardi dernier,...