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Actualités - OPINION

Leçons d’Anglais

New York, Madrid, Londres : pour sa troisième grande sortie occidentale, le terrorisme a donné jeudi la pleine mesure de sa diabolique détermination. C’est énorme, mais c’est tout. Et là réside précisément tout le drame d’une confrontation planétaire engageant, au petit bonheur la chance, la vie de milliards d’êtres humains, et qui laisse néanmoins la déprimante impression d’une machine folle tournant à vide. Les attentats à la bombe de jeudi ont endeuillé et secoué, certes, un royaume tout à sa liesse olympique et qui accueillait le sommet des nations les plus favorisées du monde. C’est avec un courage remarquable toutefois et une flegmatique dignité que ce peuple, qui naguère avait enduré sans rechigner le blitz allemand, a encaissé le coup. Plus de métro ni d’autobus ? All right, la City va devoir prendre pour quelque temps un petit air d’Amsterdam, car les Londoniens ont dévalisé les magasins de vélos pour vite se remettre au travail. Reste tout de même cette épouvantable et folle mécanique. Loin d’avoir éradiqué le terrorisme, l’aventure américaine en Irak, de la manière dont elle a été conçue et menée avec une incroyable méconnaissance des sensibilités arabo-musulmanes, ne pouvait que l’exciter, que lui ouvrir des horizons nouveaux. Jamais, en vérité, pays dit libéré et démocratisé n’a davantage connu d’attentats que l’infortuné Irak. Voitures piégées, embuscades mortelles, enlèvements et exécutions d’otages y sont devenus tragiquement quotidiens : tout cela venant démentir – et ridiculiser – les singuliers cris de victoire d’une administration Bush d’ailleurs malmenée par les sondages. Non, le monde n’est pas devenu meilleur depuis l’Irak : seulement plus difficile, plus périlleux à gérer. C’est du même aveuglement cependant que procède la démarche terroriste, sans même qu’il soit besoin d’en dénoncer l’absolue immoralité. De rappeler les injustices commises de longue date envers des peuples arabes ou musulmans ne doit pas ressembler, de près ou de loin, à une sorte de justification larvée du terrorisme, comme risquent de le faire croire en effet divers commentaires ou prêches entendus hier. Car tout ce que peut réussir à accomplir l’option de barbarie, c’est de creuser encore les fossés d’incompréhension ; c’est d’alimenter les frayeurs – et donc les phobies occidentales –, d’encourager les amalgames dont souffrent déjà les populations immigrées, de compliquer à l’extrême, au nom d’une sécurité effectivement menacée, les mouvements des personnes. C’est là une mortelle spirale, une spirale sans fin. Et il ne faut pas que le monde, à commencer par les Arabes et les musulmans eux-mêmes, se retrouve irrémédiablement pris dans les anneaux de ce monstrueux serpent qui se dévore la queue avec tant de voracité. * * * Quelle voie, dès lors, pour les Arabes ? Les hasards de la politique auront voulu qu’en ce moment précis, la question se pose avec une particulière acuité pour nous, Libanais : et pas seulement parce que Jacques Chirac n’a guère omis de dire ses préoccupations libanaises à la réunion du G8. Notre pays n’est pas, bien sûr, le fief d’Oussama Ben Laden, et nous avons tous condamné d’une même et puissante voix les criminels attentats de Londres. Mais où est-il ce magnifique consensus, dès lors qu’il ne s’agit plus que de nous-mêmes, de notre devenir ? Les Libanais unanimes ont soutenu le Hezbollah dans sa lutte héroïque contre l’occupation israélienne, proclamant leur conviction ainsi qu’une organisation de résistance n’est pas forcément un groupe terroriste. lls continuent de contester d’ailleurs l’infamant label que dédie au Hezbollah la résolution 1559 de l’Onu, et ils ont réussi à convaincre le monde entier que le désarmement de ce parti est une affaire interne libanaise requérant temps, patience et prudence. Les mêmes Libanais, toutefois, ne sont plus unanimes à croire que le cas des fermes de Chebaa, au statut pour le moins incertain, commande que tout continue comme si rien n’avait changé depuis la libération. Le Hezbollah reste néanmoins, aujourd’hui comme hier, maître du terrain frontalier : il continue de détenir un pouvoir de guerre revenant au seul État libanais. Et son insistance à voir remettre entre des mains sûres le portefeuille des Affaires étrangères, laquelle complique gravement la formation du gouvernement Siniora, ne traduit rien d’autre qu’une volonté d’arraisonner à son tour la diplomatie du pays, tenue aujourd’hui pourtant à des trésors… de diplomatie : d’en faire une tribune de choc contre ladite résolution 1559 (que même la Syrie s’est bien gardée de rejeter, au demeurant). Et d’amener ainsi le pays à défier la communauté internationale à l’heure où il en a le plus besoin. Issa GORAIEB
New York, Madrid, Londres : pour sa troisième grande sortie occidentale, le terrorisme a donné jeudi la pleine mesure de sa diabolique détermination. C’est énorme, mais c’est tout. Et là réside précisément tout le drame d’une confrontation planétaire engageant, au petit bonheur la chance, la vie de milliards d’êtres humains, et qui laisse néanmoins la déprimante impression...