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Actualités - REPORTAGE

DÉVELOPPEMENT - Tournée de Patrick Renauld sur des sites de projets de l’UE À l’assaut de la misère dans les villages du Akkar(photos)

Des rues tortueuses, de jeunes enfants transportant de l’eau sur un âne, des égouts à l’air libre, une source qui se résume à un filet d’eau (celle-ci n’ayant jamais été testée, bien qu’elle soit la seule du village), des habitants qui manquent de tout… certains villages du Akkar sont devenus synonymes de sous-développement, au grand dam de leurs autorités locales. Comme Chan ou Khreibet el-Jurd, qui attendent la résolution de problèmes urgents depuis… cinquante ans. Ces deux villages, parmi les plus démunis du pays, voient une lumière au bout du tunnel depuis qu’ils ont été intégrés à un programme de développement de l’Union européenne qui les aidera à surmonter deux des principales difficultés auxquelles ils font face : le traitement des eaux usées et les canalisations d’eau potable et d’irrigation. Le chef de la délégation de la Commission européenne au Liban, Patrick Renauld, a effectué mercredi, à la tête d’une délégation, une tournée de ces deux villages qui bénéficient du programme financé par le Fonds de développement économique et social (FDES), relié au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). Mais la tournée de M. Renauld ne s’est pas arrêtée là : elle a également englobé un autre groupement de villages de la région de Joumé, qui, eux, sont intégrés dans un programme plus vaste, qui les a aidés à mettre au point une stratégie de développement global (tourisme, agriculture…). Ce second programme fait partie de l’« Assistance à la réhabilitation de l’administration libanaise » (Aral), en collaboration avec Omsar (ministère de la Réforme administrative). Les deux projets sont aussi différents que complémentaires : si l’un est à court terme et l’autre à moyen et long terme, si le premier est axé sur la réalisation d’un besoin plus ou moins ponctuel et le second vise à l’introduction d’une nouvelle conception du développement, il demeure que les deux se caractérisent par un processus basé sur la collaboration entre municipalités, d’une part, et entre les élus et leurs électeurs, d’autre part, dans une approche toute nouvelle et apparemment couronnée de succès. La tournée de M. Renauld a donc commencé à Chan et Khreibet el-Jurd. C’est presque un euphémisme que de dire que ces deux villages des hauteurs du Akkar manquent de tout. Nichés dans une nature paradisiaque au potentiel considérable, ils vivent à l’heure des privations, si bien que les habitants, quand ils ont été notifiés du programme de l’UE, ont haussé les épaules pensant qu’il s’agissait probablement de nouvelles promesses creuses. Aujourd’hui, ils commencent à croire à cette future réalisation même s’ils s’impatientent déjà, et ont réservé à la délégation un accueil chaleureux. Au siège municipal de Chan, M. Renauld a été reçu par Fadel Hassan, président du conseil municipal du village, par le moukhtar de Khreibet el-Jurd, et par des représentants du FDES et de « Information International », le bureau de consultants qui a préparé l’étude sur le terrain. Ces derniers ont insisté sur l’importance du processus de participation populaire initié dans les villages. M. Hassan a remercié l’UE d’autant plus que, selon lui, « notre propre État ne s’est jamais occupé de nous ». Il a expliqué pourquoi le problème de l’eau a été choisi comme une priorité, soulignant l’absurdité de la situation : « Nous payons pour l’eau potable, qui finit dans les fosses septiques, avant que nous payions une seconde fois pour vider les fosses. » Les villages souffrent de pollution, qui empoisonne leur qualité de vie et cause des maladies. Moustapha Moustapha, vice-président du conseil municipal de Chan, a expliqué à L’Orient-Le Jour que plusieurs cas de typhoïde se sont déclarés dans le village récemment. De plus, la pénurie d’eau empêche la culture des champs, d’où une vaste vague de migration. Khreibet el-Jurd, lui, est un village de déplacés totalement abandonné, dont les habitants espèrent pourvoir retrouver le chemin une fois les infrastructures de base réinstallées. Un ingénieur de la région a expliqué que l’argent alloué aux deux villages sera consacré au forage d’un puits artésien avec la création d’un réservoir pour les deux localités. Le projet sera complété d’une canalisation d’eau potable longue de trois kilomètres, et de réseaux d’égouts reliés à une station d’épuration. Les habitants espèrent pouvoir réutiliser cette eau pour l’irrigation. Ce projet bénéficiera d’un budget de 300 000 euros prélevés dans une enveloppe de six millions d’euros du FDES (lui-même financé par l’UE à raison de 25 millions d’euros, auxquels on ajoute six millions d’euros de l’État libanais). C’est après une étude effectuée en 2002 que l’UE a décidé de tourner son attention vers le Akkar et Bint Jbeil (Liban-Sud), qui souffrent de nombreux manques. L’idée est d’impliquer la population civile, de la laisser décider des priorités et préparer le dossier, et, enfin, d’effectuer des contacts pour la réalisation. Aujourd’hui, tout cela a été fait dans le cas de ces deux villages, et les dossiers attendent l’approbation finale. Travailler ensemble et définir ses objectifs Dans le groupement de villages de Joumé, un peu plus loin, les signes de pauvreté sont moins évidents, mais la liste de privations n’en est pas moins longue. Ces villages, notamment Tikrit, Bourj et Beit Mallat, ont préparé, grâce à leur intégration dans le programme d’Aral, tout un projet de développement local. C’était leur première expérience de travail en commun – à la demande de l’UE – entre municipalités qui jouissent d’une continuité géographique, avec tout ce que ce processus comporte de difficultés mais aussi d’efficacité. M. Renauld a été reçu à Tikrit et Beit Mallat par Sagih Attié, président de la fédération de municipalités de Joumé, Charles Chahine, président du conseil municipal de Beit Mallat, Samer Khazhal, président du conseil municipal de Bourj, et Fawzi Rostom, président du conseil municipal de Tikrit. M. Attié a insisté sur la nouvelle dynamique de travail dans la région par la participation de toutes les composantes de la société civile. M. Chahine a expliqué que le plan préparé répondait aux besoins de création d’emplois et de développement de l’agriculture, où les coûts de production restent élevés et où la concurrence étrangère continue de faire des ravages, dans un contexte de baisse de qualité. Il a également évoqué la pollution par les égouts et divers problèmes écologiques. Le plan lui-même a été détaillé par M. Khazhal. Dans le domaine de l’agriculture, les municipalités pensent créer un centre d’orientation et de formation pour agriculteurs, aider à la rationalisation de l’utilisation de l’eau, créer des lacs artificiels… Le développement du tourisme est l’une de leurs principales préoccupations : elles pensent fonder un grand projet écotouristique, s’occuper des sites naturels et historiques de la région et construire un terrain de sport fermé pour les clubs des villages. Comme ailleurs, le problème de l’eau et des égouts reste central. À signaler que ce projet Aral de développement local a un budget de 3,7 millions d’euros, et qu’il concerne douze regroupements de municipalités dans les différentes régions libanaises. Lors du débat à Beit Mallat comme dans toutes les étapes, M. Renauld s’est félicité de l’esprit de coopération qui s’est créé et du travail accompli. « Le choix de se regrouper n’était pas facile, mais vous avez prouvé que par cette méthode, vous pouviez bâtir quelque chose », a-t-il dit. Il a expliqué que la prochaine étape, ce sera la réunion des donateurs qui aura lieu en décembre. Il a ajouté que les municipalités pourront y présenter leurs dossiers, préparés en collaboration avec les experts du projet, se déclarant confiant que les bailleurs de fonds exprimeront leur intérêt à les financer. Pour ce qui est de l’agriculture plus spécifiquement, M. Renauld a rappelé qu’il était possible de profiter d’un projet de l’UE, fort d’un budget de dix millions d’euros, conçu pour la création de coopératives de production et de commercialisation. À condition, a-t-il insisté, de préserver l’excellence du produit et d’apprendre à le vendre. Dans un point de presse à l’issue de la tournée, M. Renauld a exprimé sa certitude que les problèmes locaux peuvent être résolus au niveau local, sans que les habitants se contentent de tout imputer au gouvernement central. Il a trouvé qu’il était fondamental que les habitants soient impliqués dans le processus d’élaboration du projet, ce qui les poussera à œuvrer davantage pour qu’il réussisse. Pour lui, cela crée des liens de solidarité et constitue l’un des éléments fondamentaux de la citoyenneté. Suzanne BAAKLINI

Des rues tortueuses, de jeunes enfants transportant de l’eau sur un âne, des égouts à l’air libre, une source qui se résume à un filet d’eau (celle-ci n’ayant jamais été testée, bien qu’elle soit la seule du village), des habitants qui manquent de tout… certains villages du Akkar sont devenus synonymes de sous-développement, au grand dam de leurs autorités locales. Comme...