Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

On repart quand même sur la base d’un gouvernement d’union

Les cadres du Courant patriotique libre reprochent à Siniora une approche, à leur sens aussi timide, pour ne pas dire timorée, qu’archaïque. Ils soutiennent qu’il suit une méthode de règlement traditionnelle qui jure avec les impératifs du changement. Autrement dit qu’il procède comme si l’on était encore sous la précédente république aliénée en restant par trop perméable à des pressions qui rappellent les mots d’ordre, le remote control, de naguère. Pour eux, Siniora ne semble pas avoir trop bien compris que tout est devenu différent sur la scène locale depuis le départ des Syriens, le retour de leur propre chef, la campagne pour la libération de Geagea, la participation de l’ensemble du camp chrétien aux élections, etc. Ils ajoutent que le président du Conseil désigné se préoccupe apparemment bien plus d’essayer de ne fâcher personne que de préparer le grand chantier de la remise en état effective des institutions libanaises, via les réformes. Autrement dit, ils se demandent si, à part son fameux projet budgétaire, il a un programme global d’homme d’État. Autrement dit encore, s’il est sensible à la différence qu’il y a entre un grand argentier, qualité que nul ne lui dénie, et un président du Conseil en charge de toute la politique du pays pour une ère toute nouvelle d’indépendance et dans le cadre d’un pouvoir enfin « made in Lebanon ». Réalisme D’une manière sans doute plus prosaïque et ponctuelle, les aounistes, qui font volontiers écho sur ce point au chef de l’État, trouvent que Siniora devrait mieux tenir compte de leur victoire électorale dans ce que l’on appelle communément le pays chrétien, le Metn, le Kesrouan et Jbeil. Pour eux, il ne s’agit pas de les récompenser, mais de bien veiller au respect des équilibres sur lesquels se fonde un pays composite en ne privant aucune frange représentative de ses droits. Ils n’hésitent pas à affirmer que Michel Aoun est l’homme fort du camp chrétien. Et même, slogan inédit, qu’avec lui ou sans lui, ce n’est pas du tout la même chose pour le Liban. En effet, soutiennent ces cadres, les points marqués par Aoun à travers les élections ont en grande partie permis ce rééquilibrage réclamé depuis des lustres, pour le bien de l’ensemble du pays. Dans ce sens que désormais, à leur avis, le camp chrétien fait jeu égal, en termes de leadership représentatif, avec le camp musulman, qui a longtemps tenu seul le haut du pavé. Tout simplement parce qu’à cause de la tutelle syrienne, il était le seul à être représenté par des leaders à forte assise populaire. L’argument est certes valable. Mais les aounistes négligent de signaler que le camp chrétien, outre la discrimination dont il était frappé, s’était lui-même affaibli par ses divisions internes. Lahoud Le voilà qui reprend un peu vigueur. Grâce à Aoun sans doute, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, grâce à la présence politique renforcée de Kornet Chehwane et de diverses composantes comme les Forces libanaises. Le tableau d’ensemble s’en trouve modifié et le président de la République presse le chef du gouvernement désigné d’en tenir soigneusement compte, pour servir l’intérêt national bien compris. Il le prie de respecter les choix de représentation de la partie chrétienne. Ou, si l’on préfère, son droit de désigner elle-même les figures pouvant la représenter au pouvoir. Ce qui sous-entend, assez clairement, que dans une telle sélection un Hariri ou un Joumblatt ne devraient pas avoir leur mot à dire. En d’autres termes que leurs réticences à l’encontre de Michel Aoun ne devraient pas peser dans la balance à un moment de mutation où, selon le président de la République, le principe d’union nationale devrait prendre le pas sur tout le reste, par le biais, évidemment, d’un cabinet d’entente. Assouplissement Dès lors, dans cette optique, Siniora, qui se montre compréhensif devant les revendications des formations musulmanes, devrait également ménager les demandes de la partie chrétienne. Une recommandation présidentielle, une logique, qu’aux dernières nouvelles le président du Conseil désigné a accueillie favorablement. Il a en effet laissé entendre en privé qu’il est nécessaire de prendre en considération le point de vue du Courant patriotique libre. Un commentaire confirmé par un député-médiateur qui indique que le chef du gouvernement désigné a pris la résolution de revoir toute sa copie. De se remettre donc à bâtir la composition, la pyramide, sur la base d’un cabinet d’union incluant les aounistes. Les Affaires étrangères En pratique, qu’est-ce que cela peut signifier ? Le parlementaire cité précise qu’on ne va plus accepter comme allant de soi l’exigence d’Amal et du Hezbollah de voir les Affaires étrangères réservées à la seule communauté chiite. Le principe d’une chasse gardée intangible est rejeté au nom même de Taëf qui prévoit, au sein de la parité islamo-chrétienne, une rotation régulière de ventilation pour les postes de première catégorie et a fortiori pour les portefeuilles ministériels. Dès lors, cette source a confirmé qu’au cours de leur récente entrevue, Siniora a informé Hassan Nasrallah qu’il n’est pas possible de confier les AE à un proche du Hezbollah et d’Amal et que l’on songe à faire appel à une personnalité de poids, dont la compétence est unanimement reconnue dans ce domaine sensible. Une façon à peine voilée de faire allusion à Fouad Boutros, orfèvre en la matière. Siniora a ajouté, selon cette source, que les Affaires étrangères ont pris nécessairement beaucoup d’importance dans la phase nouvelle. Et, pour calmer sans doute les appréhensions de Hassan Nasrallah, il lui a répété qu’en tout cas, le ministre ne fait qu’appliquer la ligne tracée par le gouvernement. Ce qui est manière de dire qu’il continuera à soutenir, à l’adresse de la communauté internationale, que le désarmement du Hezbollah est une affaire qui doit être réglée entre Libanais. Loin de toute application abrupte de la 1559. Spéculations Mais cette prise de position, si elle semble faciliter la récupération du camp aouniste, offre un revers. Dans ce sens que si l’on a pu refuser les Affaires étrangères au tandem Amal-Hezbollah, on pourra aussi refuser la Justice au CPL. Cependant, on parle de détente, après le contact établi hier entre Siniora et Aoun. Les deux hommes n’ont rien laissé filtrer à ce sujet. Mais des députés aounistes ont l’impression que l’on s’achemine vers un dénouement positif, amenant le général à accepter de nouveau la participation de son bloc au gouvernement. Ces sources croient savoir que la Justice leur reviendrait quand même. Elles ajoutent que la représentation chrétienne, notamment maronite, doit être aussi effective que la représentation sunnite, chiite ou druze. Et qu’il serait aussi mauvais de voir le Courant patriotique libre ignoré que d’admettre que les chiites soient représentés par d’autres qu’Amal et le Hezbollah, les sunnites par d’autres que le Courant du futur et les druzes par d’autres que les joumblattistes. Ce point de vue semble maintenant aussi admis par Saad Hariri que par Fouad Siniora, ce qui devrait faciliter les choses pour aller de l’avant sur la voie de la réforme, qui nécessite effectivement la participation de toutes les composantes du pays. Il convient de signaler que les Forces libanaises, notamment à travers les démarches de Georges Adwan, ont joué un rôle actif de rapprochement entre Saad Hariri et le général Michel Aoun. Discordance Mais ces développements ne plaisent pas à tout le monde, au sein de la nouvelle majorité. Des députés critiquent sévèrement le président Lahoud. Ils affirment que c’est bien tard qu’il s’éveille à la nécessité de respecter les équilibres fondamentaux, en assurant une saine représentation des différentes communautés, chrétiens compris. Ils relèvent que le président, alors général, n’avait pas paru s’en préoccuper en 1989 sous Hoss, ni même dernièrement en 2004 quand Karamé a formé son gouvernement. Il avait alors laissé, sans prodiguer de conseils régulateurs, la majorité docile de l’époque régler la question de la formation du gouvernement à sa guise, loin de tout esprit de consensus. Il n’avait pas cherché, disent ces députés, à lutter contre la discrimination ni à plaider le dossier auprès des décideurs syriens. Permettant de la sorte, à leur avis, le parachutage de figures entièrement fabriquées à Damas, au mépris de tout droit de représentation de certaines communautés libanaises. Pas seulement les maronites, mais aussi les sunnites, quand on avait écarté le président Rafic Hariri, lui refusant même d’être représenté au sein du gouvernement. Et d’ajouter qu’à l’époque, quand quelqu’un réclamait un cabinet d’union, il se voyait traiter par le pouvoir d’hérétique ou même de traître. Pour ces députés, qui cachent mal qu’ils contestent Michel Aoun, le retour de ce dernier permet au régime de tenter de renflouer ses propres positions au niveau de la rue chrétienne. Et ils trouvent aberrant que Baabda retrouve un rôle majeur, comme si de rien n’était. Philippe ABI-AKL

Les cadres du Courant patriotique libre reprochent à Siniora une approche, à leur sens aussi timide, pour ne pas dire timorée, qu’archaïque. Ils soutiennent qu’il suit une méthode de règlement traditionnelle qui jure avec les impératifs du changement. Autrement dit qu’il procède comme si l’on était encore sous la précédente république aliénée en restant par trop perméable...